Le PLAN : mythe ou pratique utile ?

 Le plan et autres… de la représentation aux pratiques, il peut y avoir un monde.



Le Plan : sortons des représentations


Mon attention a été attirée par un nouveau débat à propos de la « renaissance du plan et de la prospective ». 

Entre l’incantation (Clément Beaune) et le rejet catégorique (Pierre Silberzahn : « Tous aux abris, le plan est de retour »), on semble bien loin cependant d’une discussion de fond. 

Plan et prospective sont en effet des outils, bien plus que des mythes, ou des fins en soi. En fait, ce qui s’oppose ici, ce sont uniquement des représentations sociales : celle d’un plan mythique, - qu’on veut relier à l’histoire glorieuse de la reconstruction et de l’interventionnisme keynésien -, et à un Etat « visionnaire », et celle d’un Etat tentaculaire, présomptueux et incapable de faire mieux que le marché…jusqu’à considérer que le Plan (comme la prospective) était : « une malédiction française » (P. Silberzahn), et une illusion qui me meurt pas malgré ses échecs (prétendus). 


L’enthousiasme de Clément Beaune est une posture. Qu’il veuille  relancer la prospective et la planification, est autre chose, et pour le coup, au moins, pourrait-on attendre et voir. Personne ne sait encore ce que met Clément Beaune derrière ces mots, enthousiastes ou pas. Mais la « représentation » est positive. Chez les critiques, on trouve soit un doute (« la renaissance est-elle sincère et réelle ? »), soit la critique radicale d’une illusion et l’évocation d’un échec (qu’on ne décrit pas). Et à vrai dire dans un pays où les dépenses publiques représentent plus de la moitié du PIB, avouons que la malédiction ou l’échec est plutôt de ne plus planifier ni réfléchir de manière prospective. Comment en effet équiper un pays (et l’Europe) sans Plan ? Comment mener une politique cohérente sur des sujets aussi différents que la santé, l’éducation, la justice, ou la Défense, sans programmation rigoureuse dans le cadre d’un plan. Et comment, mieux qu’avec le Plan, y associer les différents acteurs économiques. On a beau aimer les mains invisibles, il faut se résoudre à reconnaître les mérites de l’organisation collective, et de services publics.


Alors, si l’on s’échappe un temps des représentations sociales et du jeu simplistes des idéologies, il faut bien revenir aux pratiques. A ce que fût et peut donc être « le Plan », et à quelle demande sociale il peut - ou non - répondre. 


Les pratiques 


Car, au fond, ce que là aussi nous livre la confrontation des pratiques aux représentations sociales, c’est que le Plan n’est ni un outil magique et une fin en soi, ni un instrument de pouvoir technocratique, ni même un relent de « Saint-Simonisme » ou de colbertisme. La référence au Saint-Simonisme (P. Silberzahn) est assez curieuse, tant ce courant de pensée s’est incarné dans l’action de grandes entreprises (banques, chemins de fer, navigation, réseaux..), et la défense du libre échange… et « l’Etoile Legrand » était plus un schéma directeur qu’un plan !! Mais passons… 

De même, le Plan n’est pas un rejet du marché, pas plus qu’un « ordre construit par des experts ». 

La pratique en effet, c’est celle d’un grand nombre de groupes, de comités, de commissions qui associent les milieux professionnels, les administrations, et de multiples spécialistes (aptes à éclairer les débats et les « chiffrer). 

Ces « groupes » avaient précisément pour principe d’associer les professionnels (y compris les salariés et leurs syndicats), les différentes administrations de l’Etat, avec des « experts », comme on dit maintenant, et qu’on aurait sans doute plus modestement appelé jadis « personnalités qualifiées ». Elles partageaient, échangeaient, confrontaient, les éléments qu’on leur apportait et qu’elles produisaient elles-mêmes. Bien entendu, les ressources de la comptabilité nationale, des services statistiques ministériels, les travaux des prévisionnistes, et les éléments de prospective, les travaux des entreprises nationales et des branches d’activité, venaient contribuer à l’élaboration de diagnostics partagés, et  permettre d’évaluer ou d’éclairer les stratégies possibles. 

La pratique c’était le travail en commun, la concertation, parfois la confrontation, la recherche de diagnostics partagés (difficiles parfois), mais tout sauf un oukase technocratique.  La pratique enfin, c’était l’arbitrage politique de l’exécutif puis du pouvoir parlementaire.


Quand on a cassé le plan on a détruit une pratique.


Quand on a « cassé » le Plan on n’a pas tant supprimé une structure, abandonné une approche, une vision, que détruit des pratiques qui s’étaient améliorées au cours des ans. 

Ce qu’elles parvenaient à faire, relevait de l’alchimie socio-politique, certes, mais s’articulait avec un réel travail de programmation financière (FDES- Trésor Public), et Budgétaire, une matérialisation dans les programmes des entreprises publiques et de l’Etat, une mobilisation des branches économiques. On ajoutait une bonne dose de partage à la visibilité permise par le plan et ses volets programmatiques. Tout ceci fût accompagné ensuite par une double contractualisation avec les entreprises publiques et les collectivités régionales. Quand le plan s’est trouvé médiocre, c’est qu’il avait dérogé à cette organisation cohérente et ouverte. 

Voilà ce que disent les pratiques et ce qu’elles enseignent. Et on pourrait donner en exemple des dizaines de réalisations qui ont pris place grâce et à travers les « Plans » dont France s’est dotée. 

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Mais les Plans sont ce qu’on en fait, et l’exécution qu’on en fait, tant il est différent d’écrire un plan pour reconstruire le pays, ou de fabriquer celui qui permettait d’ouvrir la France sur la marché extérieur et singulièrement, l’Europe. 

En fait de pilotage.. on cherchait a minima de construire des politiques publiques cohérentes, inscrites dans la durée, financées, et s’organisant autour de grands programmes dont tout un chacun connaissait les responsables.

Personne n’avait l’ambition de piloter le monde… pas même en rêve.


https://philippesilberzahn.com/2025/04/07/prospective-et-planification-la-malediction-francaise/


https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_relative_à_l'établissement_des_grandes_lignes_de_chemin_de_fer_en_France?wprov=sfti1




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