Pétrole et prix routiers

On vient de l'apprendre : le gouvernement serait sur le point de déposer un projet de loi pour "répercuter le prix du carburant" dans les prix de vente des routiers.

L'idée a certainement un certain pouvoir de séduction, pour que certains s'en félicitent.
Mais à y regarder de plus près, cela est-il si "avantageux" pour les transporteurs ?
Aux Usa par exemple, où aucun mécanisme de ce type existe, et on a relevé ces derniers temps, des majorations significatives des tarifs routiers. Et l'expérience montre, en France, que les même mécanismes jouent également.
Il faudrait donc faire mieux et plus vite. Soit. D'autant qu'au retard de l'indexation vient s'ajouter le délai de paiement, toujours long en France.
Que peut-on faire ?
Rendre automatique et obligatoire une clause d'indexation ?
L'insérer dans les contrats types ?
Voire. D'abord cela ne concerne pas, de toute évidence les prix sur le marché "spot", le transport au coup par coup, à la demande. Dans ce cas ce sont l'offre et la demande qui font le prix. La loi porterait donc uniquement sur des contrats "à temps", des engagements réciproques sur plusieurs mois, liant les donneurs d'ordre (chargeurs, transporteurs, commissionnaires) aux voituriers. On en imagine l'économie : les parties devront se mettre d'accord sur la part prise par le carburant dans le prix de vente, et en prévoir l'indexation pure et simple.
Tout le reste bien sûr pourrait être facultativement indexé, ou rester fixe, comme d'ailleurs dans tout contrat.
L'entreprise X négocie ainsi avec Y un prix variable du fait de la Loi. Y, le client le sait. Il aura donc trois options possibles pour peser sur les prix. Négocier un prix plus bas du fait de l'indexation. Négocier le pourcentage retenu pour le carburant (l'idée est de partager les gains de productivité). Enfin refuser de négocier "autre-chose" lors du renouvellement du contrat, si l'échelle mobile a fonctionné à la hausse. En fait, X hérite d'une indexation qui "marche bien" une fois, la première, moins sûrement la seconde. D'autant qu'il enclenche un mécanisme pervers, une philosophie qui était celle, sinon de la TRO, du moins du tarif de référence. Un prix routier serait au fond un ensemble de coûts de facteurs pondérés par ces facteurs eux-mêmes, pour ainsi dire invariants. Et leur différence ne relèverait que de la concurrence déloyale. Le transport routier serait donc d'un côté victime de la concurrence exercée par les "étrangers" du fait des distorsions fiscales et sociales (le coût des facteurs et leur usage), et de l'autre des tricheurs (productivité illicite), il lui faut donc un tarif d'ordre public pour réguler le marché, une échelle mobile pour le sauver. Le tarif obligatoire étant passé de mode, l'ange du tarif de référence passe. Il passe tellement, que, ce matin, à la radio, tout ceci se résumait par les mots "Les routiers seront autorisés à augmenter leurs tarifs". Curieuse victoire que celle d'un secteur qui se trouve médiatiquement réinséré dans le monde des prix administrés.
Même s'il n'en est rien, renaît ainsi l'illusion que les textes et le droit se substituent au marché, alors que le problème n'est, finalement, que de le réguler. Mais cela, c'est autre chose.

Patrice

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