Mais où est donc passée la politique des transports Par C. Reynaud et P. Salini

 Où est donc passée la politique des transports ?




On peut avoir l’impression depuis maintenant plusieurs années voire des décennies, que les politiques de transport ont progressivement perdu leur contenu, leur dimension concrète et opérationnelle. Pourquoi donc ?

Nous avons depuis plusieurs années mis en cause l’absence de réflexion prospective, la disparition des utiles travaux de planification, la disparition des instances de concertation… mais il n’est pas certain que cela explique tout.


Tout le monde court après la balle…


Ceci étant des études sont conduites, revendiquant la qualité d’études prospectives ou de travaux de planification. Mais elles demeurent très spécifiques quant au sujet traité et émanent de tout un ensemble d’organismes, services de l’administration, agences de l’Etat, organisations professionnelles, think-tanks, qui agissent le plus souvent sans coordination et se sentent investis pour définir l’avenir faute de l’existence d’une autorité qui en assure la cohérence. Le Commissariat au Plan, le Centre d’Analyse Stratégique, le SGPE (Secrétariat Général à la Planification Ecologique), les services des Ministères n’ont pas réussi à s’imposer pour fournir un cadre commun de référence et de cohérence. La régulation, la protection de l’environnement, le développement de technologies spécifiques, l’aménagement des territoires aux différents niveaux , voire la réalisation d’un grand projets, tous vont proposer leur diagnostic de la situation actuelle et leur vision d’avenir dans laquelle vient s’insérer leur thématique particulière,  sans un minimum de coopération. Le résultat est donc la communication d’un ensemble de documents, souvent bien illustrés mais très qualitatifs, avec souvent une démultiplication d’indicateurs de performances qui masque mal la faiblesse des travaux quantitatifs d’évaluation. On est loin de créer une « ardente obligation » qui mobilise et cordonne une communauté, et la question de la définition d’un objectif politique et de la méthode pour y parvenir doit être reprise à la base. Aujourd’hui est plus dans une situation où tous les joueurs courent après la balle, sans vraiment se préoccuper de marquer un but, plutôt que pratiquer un jeu en équipe, pour gagner.


Injonction et utopie


Or, pour construire une politique il faut - pour schématiser - une injonction et une utopie. Une nécessité partagée collectivement et une vision forte. On retrouve parfaitement cela au XIXème siècle et pendant les trente glorieuses. Je me faisais la réflexion qu’il y avait finalement peu de différence entre un discours de Napoleon III et de G. Pompidou sur les transports.

Or c’est précisément cette « injonction » qui constitue un moteur. Celle-ci était clairement dans les deux cas le développement économique, et le développement industriel ! La vison vient d’elle-même : le réseau de chemin de fer, et celui des autoroutes, et il faudra donc inventer une méthode efficace, c’est là le lot des politiques.

Il reste que les politiques de transport ne se résument pas aux infrastructures… Les crises du chemin de fer, les guerres, la concurrences ont contraint les gouvernements à inventer - à tort ou à raison, efficacement ou non - une régulation. Celle née de la crise des années 1930 a perduré idéologiquement et pratiquement jusqu’au début des années 1980, et pas uniquement en France !!

Un autre point de la question infrastructurelle est  la prise en compte de conditions d’exploitations qui impactent les performances, la capacité, la fiabilité. Avec l’ouverture sur l’Europe, et le monde, cette exigence a été mis en exergue avec ce que l’on appelle « l’interopérabilité », plus difficile à réaliser pour un mode plus contraint comme le Chemin de Fer, que la Route, en termes. La difficulté pour mettre en place un système commun ERTMS, de contrôle commande du Chemin de fer, opération qui va s’étendre sur plusieurs dizaines d’années  est un bon exemple.

Mais ce qu’on doit retenir ici, tant sur les questions infrastructurelles que relatives à la régulation, c’est qu’il y a un lien explicite, clair, intelligible, entre les orientations politiques et les moyens mobilisés. En d’autres termes on répond à ce que j’appelais un injonction et une vision (ou une utopie, comme celle assumée de la « coordination des transports »).

Or, ce qui me frappe, c’est que tout cela se déroule sous l’empire d’une économie dont la base est productive, même si la sphère publique y prend une part croissante. En gros tout est largement dominé par l’économie industrielle, la logistique d’approvisionnement, à partir d’ un contexte, faut-il le rappeler, qui était largement colonial ou post colonial, et une économie faiblement ouverte.

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Pendant la période née après la seconde guerre mondiale, ceux de notre génération  auront connu une évolution socio-économique majeure, marquée par de grands mouvements économiques et institutionnels. La concomitance en France du planisme - dans une économie réglementée et régulée - et de la reconstruction, a porté les trente glorieuses.

Par la suite (ce qui n’implique pas une rupture franche mais une transition), la construction européenne, la « dérégulation » (qui recouvre des tendances bien différentes), et la mondialisation succédant à la décolonisation, ont façonné une économie bien différente : plus fragile, moins équilibrée et plus présentielle, dont la productivité globale progresse moins, mettant en tension le modèle social.

D’où cette idée, ou cette hypothèse, que lorsque l’économie devient plus présentielle, que l’entrepôt prend le dessus sur l’usine manufacturière, que l’environnement est plus large, plus ouvert, plus instable, et la souveraineté partagée et parfois illusoire, les politiques ne perçoivent guère d’injonction et de vision pour les transports. Et c’est sans parler de l’émergence des préoccupations climatiques. Autant l’environnement peut être pris en compte comme une contrainte, autant le climat devient une nouvelle injonction dont le rapport complexe au système de transport empêche manifestement de construire une politique.

Les contextes changent.. et on ne sait plus définir des priorités


On a alors le sentiment que le contexte du transport, contexte politique, économique,  technologique, et institutionnel, a tellement changé rapidement que l’on ne sait plus y définir des priorités.

Ceci atteint un point tel que dans le même temps, on assiste au recul des préoccupations « régulationnistes », qui devient idéologique, et se détourne précisément des nouveaux points de tension (parmi d’autres, à la question des conditions de travail, d’emploi et de rémunération des travailleurs mobiles).

On pourrait reprendre précisément l’histoire des politiques de transport, relever les glissements, les transitions, les ruptures. Mais on peut voir le sentiment que c’est de la nature même des injonctions de découlent ces changements.

On passe des exigences d’adaptation de la régulation (ferroviaire, routière, fluviale, maritime, aérienne), et d’aménagement/équipement du territoire, à tout autre chose. La phase la plus structurante étant celle engagée (mais anticipée) après le fameux arrêt de carence de la justice européenne (arrêt du 22 mai 1985 dans l’affaire 13/83,  de la Cour de justice de l’Union européenne). Plus désormais, ou alors de manière marginale et provisoire, de questions sur la transition réglementaire. Il ne s’agit plus de sortir d’un système administré. Corrélativement le lien avec la régulation sociale (conditions de travail, emploi, salaires…) sort pour ainsi dire du champ naturel de l’action publique. Un signe : l’inspection du travail (spécialisée) sort du giron du ministère des transports. La dernière réforme de la SNCF symbolise essentiellement la fin du statut (mis en extinction). Plus grand monde ne se pose de problèmes quant aux règles relatives aux transports (accès à la profession, contrôle, etc..) si ce n’est, et de manière maladroite sur le cabotage routier. En matière maritime comme aérienne, les notions de pavillon se sont effacées au profit d’une attention (mais guère d’une politique) relative aux distorsions de concurrence. Il reste bien sûr la question de savoir comment traduire dans les faits la politique de développement durable. Celle-ci peut éventuellement prendre une forme fiscale (aïe !), normative, plus difficilement industrielle, et tâtonne - sans éclairage - quand il s’agit d’orienter l’investissement public.


Perte de boussole


Il faut comprendre que l’on est passés fondamentalement d’un Etat sinon stratège, du moins impliqué, construisant une transition dans un univers productiviste et en expansion, à un Etat vaguement arbitre, dans un univers instable, mondialisé - donc difficile à maîtriser - fondu dans une Union Européenne ayant du mal à s’imposer, régnant chez nous sur une économie de plus en plus présentielle. 

Nous sommes passés de l’usine à l’entrepôt sans bien nous en rendre compte. D’ailleurs les pouvoirs publics peinent à comprendre les enjeux stratégiques, dès lors, de la logistique, et de son inscription territoriale. D’où la construction progressive d’un narratif creux. Les résultats, les enjeux économiques et sociaux comptent peu face aux narratifs symboliques. L’explosion spectaculaire des emplois « autonomes » dépendant des plate-formes (physiques et virtuelles) assurant la distribution de millions de colis, ne suscite que peu de réflexions sur les conditions de travail et de rémunérations.

L’emploi l’emporte sur tout. On cherche désespérément un modèle social. La déconstruction industrielle a créé le chômage, l’économie présentielle créera donc l’emploi. Les pouvoirs publics ne peuvent que s’en féliciter et laisser faire les forces du marché. L’OS de jadis est devenu l’ouvrier de l’entrepôt ou le livreur. Quant aux travailleurs mobiles (à longue distance), salariés ou indépendants, ils demeurent le paramètre invisible d’ajustement de la grande machine de distribution/consommation. Penser une politique publique les concernant serait devenu presque stupide aux yeux des politiques. Pourquoi donc y mettre la main, c’est à dire, y impliquer la puissance publique ? Il est aussi simple d’acheter massivement chinois, n’est-ce pas, que d’assurer l’efficience de la logistique qui le permet. Enfin, invisible plus que simple. Car la complexité sociale, économique, technique qui est derrière est aussi opaque aux pouvoirs publics que ne l’est la recherche de solutions aux enjeux du développement durable.

Une certaine appréhension face aux problèmes du transport n’est elle pas à l’origine d’une sorte de démission pour définir une politique des transports, dès que l’on sort du cadre relativement protégé de la mobilité locale.

A penser le monde comme un grand hyper marché virtuel, on en oublie de réfléchir au « comment », et corrélativement à ce qui peut bien, là-dedans, relever des pouvoirs publics. A force de nous répéter à nous même que nous ne sommes pas des Chinois (comprenez des dirigistes), on en oublie que tout de va pas toujours tout seul, sans crise et sans contradictions. Il est si simple de se contenter de bricoler des taxes (ou des subventions) et quelques règles pour penser avoir rempli sa tâche !!


Des repères mais pas de politique ? 


On a quelques  repères qui caractérisent les grands changements qui affectent le transport, de l’usine à l’entrepôt pour ce qui est de la circulation des produits, la mise en boîte et le développement de l’intermodalité, la libéralisation et l’ouverture comme règle de régulation pour l’internationalisation, le poids croissant de l’économie présentielle dans l’organisation locale des flux, la planification des RTE pour la structuration des réseaux interrégionaux et européens, l’électrification pour le recours à des technologies plus favorables à l’environnement.

Toutes ces évolutions se sont le plus souvent réalisées en dehors de la politique des transports qui a plus ou moins essayé de s’y adapter, non sans un certain retard, comme mises au pied du mur. La conséquence est que sur tous ces points les politiques ont été le plus souvent soit absentes, incomplètes, décalées voire fluctuantes, laissant des forces centrifuges des industries, de catégories professionnelles, des intérêts régionaux et locaux, de l’inertie technocratique imprimer leurs propres logiques

Pour ce qui est de la circulation des flux, et de l’implantation de centres d’organisation logistiques, qu’il s’agisse d’entrepôts ou  plates formes intermodales, les politiques s’y sont intéressées soit au titre de l’aménagement territoriales (il s’agit d’une infrastructure qui doit être accessible), soit pour favoriser le fer ou la VN, en facilitant le transfert modal. En France le succès est mitigé, soit parce que de nombreux centres de distribution se sont développés en dehors de toute planification territoriale préalable, et ne sont pas embranchés, soit parce que l’on avait des difficultés à définir des priorités entre techniques de transports concernant des boîtes ou des camions (semis remorques). 

Sur le plan de la politique de libéralisation du transport, force est de constater qu’elle a été tardive, mais que  la vitalité du transport, en contournant les règles par la sous-traitance, la location, l’implantation de succursales à l’étranger, a permis d’éviter que cela impacte l’ouverture Européenne et mondiale. Sur ces segments la croissance a été beaucoup plus rapide, phénomène que l’on observe aujourd’hui niveau local avec l’uberisation.

Pour le ferroviaire il y a bien eu une proposition politique pour permettre l’ouverture des réseaux à la concurrence, celle de la séparation de l’infrastructure et de l’exploitation. Après plus de vingt ans que cette réforme est en cours quel bilan en tirer ? Il y a rien de moins clair, et, en France, après avoir créé RFF comme entité séparée de la SNCF pour les infrastructures, montrant ainsi une bonne volonté par rapport à Bruxelles, l’aventure d’un montage plutôt artificiel, s’est achevé par une réintégration des infrastructures au sein de la SNCF ; non sans rencontrer des conflits entre les deux entités, l’intégration des personnels RFF dans le statut cheminot ayant facilité les choses. Le Royaume Uni qui s’était lancé dans une libéralisation des infrastructures et de l’exploitation, en revient aujourd’hui avec le nouveau gouvernement travailliste à renationaliser l’ensemble.

La question de la structuration de l’espace national par la planification de grands corridors Européen interpelle aussi, non pour critiquer l’initiative de la part de Bruxelles (qui reproduisait ainsi la politique appliquée pour arrimer les pays d’Europe centrale), mais pour comprendre la logique de cet aménagement pour le territoire national. Ces corridors et leur principaux nœuds étaient déjà définis il y a plus de dix ans dans des directives Européennes, sans que l’on en fasse véritablement mention dans les comités sur le développement des infrastructures en France.


Disparités entre pays


Au regard de cette politique de réseau Européen, la situation n’est pas aussi grave dans les autres pays, Allemagne (qui garde son plan), Espagne (qui y a soumis ses objectifs), Italie (qui a peu d’alternatives d’itinéraires, et maîtrise ses noeuds) Benelux (qui lui a imposé sa logique maritime, se jouant d’une naïveté Française dans le domaine), Pays d’Europe Centrale (qui forts de leur expérience des années 90 en ont bien compris les ressorts administratifs).

Ceci étant beaucoup d’autres questions de cohérence se posent, dans le traitement comparé des modes et des itinéraires en concurrence, les analyses demeurant toujours très modales, et la question de concurrence entre corridors peu évoquée, la planification se réalisant d’abord par corridor, sous l’animation d’un coordinateur par corridor.

Dans une perspective temporelle, il est clair que ces processus prennent beaucoup de temps, mais ce qui est plus grave est que des décisions qui ont pu être actées il y a plus de vingt ans, peuvent devenir immuables, même si le contexte a complètement changé. Les perspectives de demandes établies il y a longtemps sont figées, et ceci est notamment vrai pour des grands projets d’infrastructure, pour lesquels on invoque des points de non-retour : quels sont-ils si les dérives de coûts dépassent les montants déjà engagés ?,,,et que se passera t il si une fois l’infrastructure réalisée, l’exploitation s’avère déficitaire comme cela a été le cas du tunnel de la ligne nouvelle de Perpignan Figueras, et comme cela a été le cas dans de multiples exemples de projets d’infrastructure en Espagne.

D’autres décisions ou recommandations peuvent par contre être oubliées faute d’avoir trouvé une solution : la priorité qui devait être accordée au fret ferroviaire international au regard de tout autre train de voyageurs, sauf TGV est un exemple, à un moment où les sillons fret à travers la France font gravement défaut, quelques soient les affichages ambitieux de transfert modal.

En ce qui concerne l’environnement, sujet d’actualité, on observe aussi de graves problèmes de cohérence qui sont lié à une multiplicité d’objectifs, le plus souvent justifiés et qui donnent lieu à autant d’indicateurs de performances. Même si un lien peut être établi entre ces relations objectifs/indicateurs cela reste une approche trop partielle et fractionnée pour définir une politique et sa planification associée dans le temps. Il y a en effet beaucoup d’interactions dans le système de transport jouant aussi bien au niveau de l’expression des besoins que de l’offre. Dans quelle mesure le recours au transport électrique par camions est-il mis en regard avec les investissements attendus pour le fer et la VN ? Et pour le fret on ne dispose même plus de projections de référence à moyen et long terme permettant seuls de voir dans quelle mesure les actions ont eu un impact significatif ou non. La seule constatation de l’évolution de l’indicateur est insuffisante. Ce type de débat a eu lieu il y a quelque temps pour le Covid. A toutes ses questions environnementales il faut aussi ajouter le problème de la résilience et de la sécurité des transports dans le nouveau contexte mondial de risques climatiques et de conflits accrus.

Un autre regard sur le transport


Il faut se sortir de la tête que le transport est une activité « dérivée », dérivée de modes de production ou de consommation, dérivée d’une politique d’aménagement, alors qu’elle y est totalement intégrée, impactant la structure des échange, induisant ou réduisant les besoins de mobilité, conditionnant l’accessibilité.

Cela signifie que le transport est intégré dans le système économique et social et que sur le plan de la politique il relève de principes de rationalité et de responsabilité.

Il a une place spécifique, pressentie dans les traités de Paris et de Rome, sans que l’on en ait forcément perçu les conséquences en terme politique. Il ne peut s’accommoder facilement d’une politique de libéralisation ou de planification contraignante (sauf dans des cas de politiques volontariste de pays en développement,  voire d’économie de guerre). Sur ce plan le traité de Maastricht était lui-même aussi ambigu : les réseaux de transport étaient-ils le préalable ou bien la conséquence du marché unique. Ni l’un ni l’autre !

La conséquence est alors que l’on ne pourra faire l’économie de réflexion de fonds sur le transport, réflexion qui doit être suivie, partagée, construite sur des systèmes d’information adaptés à ce que l’on pourra appeler un dispositif d’observation et de planification. Cela a été tenté il y a plus de trente et doit être adapté au nouveau contexte, aux nouvelles techniques d’analyses spatiales, aux nouvelles contraintes environnementales. Mais ces nouveaux volets ne se substituent en rien à des techniques plus anciennes, sans investigation plus précise des expériences heureuses et malheureuses. 

Dans cet autre regard la cohérence des approches, la recherche de cohésion doivent être privilégiée dans une démarche qui doit toujours être reproductible pour  assurer des analyse ex ante et ex post, et capitaliser des expériences.

L’exemple suisse ?


Réaffirmer une politique nationale, maillon faible dans un dispositif institutionnel à plusieurs niveaux territoriaux :

- qui soit une politique d’ouverture internationale et assume en Europe une position de transit (plutôt que de masquer cette réalité)

- mais aussi une politique d’accessibilité qui permette le développement d’économies présentielles (qu’il est utopique de considérer comme des ensemble fermés sur le plan de la circulation des marchandises). 

- et enfin une restructuration de l’espace national intégrant plus clairement des logiques d’implantation de grands centres logistiques.

La politique Européenne est alors, d’abord une politique de normes voire de régulation du transport. Ses incitations financières doivent être plus directement liées à une démarche de planification nationale, plutôt que de multiplier des interventions trop directes sur des projets qui ne sont pas nécessairement des priorités nationales : le risque est bien un allongement des procédures tant que les contributions financières de l’ensemble des partenaires ne sont pas réunies. L’effet « levier » recherché par l’Europe pour stimuler l’investissement dans un contexte de restriction financière devient une tentative de passage en force qui ne fait que rallonger le processus de décision. Se mettre dans une position de non retour n’est pas une politique.

Le travail de planification nationale ne devient que plus indispensable et contraignant sur le plan du financement et de l’identification des besoins y compris le transit terrestre et maritime à travers les ports. Il est temps de remplacer le paradigme des maillons manquants par celui de l’exploitation de réseaux avec des itinéraires alternatifs et résiliants.

Quant au volet de l’accessibilité, il doit laisser la place aux choix d’aménagements et de règlements locaux, y compris une participation financière. Là encore il faut rester prudent sur des relations d’intervention directe de l’Europe qui devance le niveau d’intégration politique actuel, tel qu’il résulte du jeu actuel des institutions Européenne. La politique nationale peut être déstabilisée si elle ne s’appuie pas sur une planification plus solide et suivie. Le développement de la planification Européenne des corridors prioritaires, avec leurs descriptions géocodées des itinéraires et noeuds a surpris et n’est pas encore véritablement intégré dix ans après en France. Il est vrai qu’il n’en est pas de même pour d’autres pays, comme ceux du Benelux où les pays d’Europe centrale qui ont totalement intégré cette démarche comme centrale dans leur approche nationale. Pour l’Allemagne cela est moins évident, gardant un processus de planification des infrastructures nationales bien rodé, et largement irrigué par les RTE, retrouvant plus facilement un équilibre. Ceci étant, le meilleur exemple d’équilibre entre une intégration Européenne du transport et l’affirmation d’une cohésion territoriale nationale est bien celui de la Suisse, non pays membre, qui a toujours su anticiper la mise en œuvre des politiques de transport, jusqu’au niveau de l’exploitation des réseaux, dans son travail de planification. En France des jeunes équipes de RFF ont su, un temps,  s’engager dans cette voie pour les grands projets dont il avait la charge, mais ses efforts sont le plus souvent restés au niveau de documents à « circulation restreinte », tant le sujet paraissait sensible, et le contexte peu réceptif.

Pardoxalement, il s’agit bien de retrouver une politique nationale dont l a défaillance est préjudiciable au bon développement d’une politique européenne, et tout à la fois de notre économie présentielle et de la reconstruction de notre base productive.



CR.PS. 5 Septembre 2024


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