Conflit SNCM : un cadeau empoisonné aux Corses ?
Conflit SNCM : un cadeau empoisonné aux Corses ?
Avec la fin du conflit SNCM, on peut avoir le sentiment, en France continentale, que le problème est réglé.
De manière schématique, on a eu un conflit avec un mélange de compromis, de fermeté, et de garanties données. Dans l’esprit du public on évitera le dépôt de bilan, et l’on privatisera donc, mais avec l’Etat comme ange gardien et renfloueur, et on aura sauvé « le » service public.
Pourtant, j’ai le sentiment que d’un point de vue Corse les choses sont totalement « autres ».
D’une certaine façon on a réglé un problème gouvernemental pour en faire un futur problème Corse. Après un conflit, il y a un an, autour de la question de la corsisation des emplois, nous voilà avec une corsisation des problèmes.
Le schéma est en effet fort simple. On va renflouer la SNCM qui, en deux ans aura perdu près de 100 millions d’Euros. Des « repreneurs », en l’espèce Butler et Connex, vont y investir avec modération de manière à doter l’entreprise d’un capital suffisant. Les sommes apportées par l’Etat et les actionnaires nouveaux - pour importantes qu’elles soient au total – devront à la fois couvrir l’incidence du déficit de 2005 et de 2004, et doter la compagnie d’un fonds de roulement permanent minimum.
Et après… Eh bien, après, il va falloir attendre. Attendre pour voir si la SNCM parvient à reconquérir des clients (rappelons qu’elle en a perdu des centaines de milliers en 3 ou 4 ans). Attendre pour voir si un plan d’action crédible se fait jour alors que nous savons depuis les auditions pratiquées, il y a un an par l’Office des Transports Corses, que la Sncm souffre d’un handicap réel en raison de sa flotte et des rotations qu’elle opère, la desserte de Marseille n’étant pas « rentable » de son point de vue. Attendre, pour voir si d’éventuelles redéfinitions du service offert seront acceptées par les syndicats, et principalement les syndicats marseillais. Enfin et surtout attendre que la Collectivité Territoriale Corse (CTC) veuille bien définir le contenu des délégations de service public qu’elle entend mettre en place au titre de la continuité territoriale maritime en 2006… Et encore attendre la façon dont seront reçues, en Corse, les propositions de la Sncm à l’appel !
d’offre qui sera lancé.
Or, ce schéma aboutit bien à une totale et exclusive corsisation d’un problème non résolu.
La CTC devra en effet ou bien conforter la SNCM, et alors sa marge de négociation sera faible, ou bien remettre en cause « sa » délégation de service public et son contenu, et alors elle apparaîtrait comme celle par qui les conflits et l’éventuel retrait des nouveaux actionnaires arrivent.
Car qu’on s’entende bien, ni la Corsica Ferries, ni d’ailleurs d’éventuels autres armements comme Grimaldi ou Moby Line par exemple, n’ont de raison de ne pas venir, seuls ou en consortium, répondre à l’appel d’offre, et proposer des « solutions » à la continuité territoriale. Rien n’empêche que certains considèrent qu’il n’y a aucune raison que la continuité territoriale consiste essentiellement à financer un trafic déficitaire avec Marseille quand d’autres dessertes démontrent leur viabilité économique par ailleurs. Rien n’empêche enfin que certains soulignent – à l’instar du Livre Blanc de Corsica Ferries – que l’aide sociale à la personne est plus efficace et moins coûteuse que le système dit de service complémentaire.
Et il y a aura bien sûr, en toile de fond la question lancinante de l’emploi, direct et indirect, généré par les compagnies, et des retombées réelles de la continuité territoriale. Débat engagé alors même qu’un des protagonistes est en état de mort annoncée en 2006 s’il ne retrouve en grande partie la délégation de service public dont il bénéficie aujourd’hui, et qu’il doit – selon les dires de la SNCM elle-même devant l’Office, il y a un an – redimensionner fondamentalement son offre de transport.
Un tel contexte va créer deux débats fort vif. L’un, à Marseille, et l’autre, plus politique en Corse, puisque, indirectement, apparaîtra à nouveau la question du « service public » et de son rapport au territoire corse.
Alors si l’on peut se féliciter de ce que le débat sur la continuité territoriale soit, peut-être plus que jamais, l’affaire des Corses et de son Assemblée, il est clair que les conditions économiques et sociales dans lesquelles il aura lieu ne sont ni sereines, ni « bonnes » pour la Corse.
Indirectement le gouvernement vient de faire un cadeau aux Corses, un rien empoisonné !
Patrice Salini
Avec la fin du conflit SNCM, on peut avoir le sentiment, en France continentale, que le problème est réglé.
De manière schématique, on a eu un conflit avec un mélange de compromis, de fermeté, et de garanties données. Dans l’esprit du public on évitera le dépôt de bilan, et l’on privatisera donc, mais avec l’Etat comme ange gardien et renfloueur, et on aura sauvé « le » service public.
Pourtant, j’ai le sentiment que d’un point de vue Corse les choses sont totalement « autres ».
D’une certaine façon on a réglé un problème gouvernemental pour en faire un futur problème Corse. Après un conflit, il y a un an, autour de la question de la corsisation des emplois, nous voilà avec une corsisation des problèmes.
Le schéma est en effet fort simple. On va renflouer la SNCM qui, en deux ans aura perdu près de 100 millions d’Euros. Des « repreneurs », en l’espèce Butler et Connex, vont y investir avec modération de manière à doter l’entreprise d’un capital suffisant. Les sommes apportées par l’Etat et les actionnaires nouveaux - pour importantes qu’elles soient au total – devront à la fois couvrir l’incidence du déficit de 2005 et de 2004, et doter la compagnie d’un fonds de roulement permanent minimum.
Et après… Eh bien, après, il va falloir attendre. Attendre pour voir si la SNCM parvient à reconquérir des clients (rappelons qu’elle en a perdu des centaines de milliers en 3 ou 4 ans). Attendre pour voir si un plan d’action crédible se fait jour alors que nous savons depuis les auditions pratiquées, il y a un an par l’Office des Transports Corses, que la Sncm souffre d’un handicap réel en raison de sa flotte et des rotations qu’elle opère, la desserte de Marseille n’étant pas « rentable » de son point de vue. Attendre, pour voir si d’éventuelles redéfinitions du service offert seront acceptées par les syndicats, et principalement les syndicats marseillais. Enfin et surtout attendre que la Collectivité Territoriale Corse (CTC) veuille bien définir le contenu des délégations de service public qu’elle entend mettre en place au titre de la continuité territoriale maritime en 2006… Et encore attendre la façon dont seront reçues, en Corse, les propositions de la Sncm à l’appel !
d’offre qui sera lancé.
Or, ce schéma aboutit bien à une totale et exclusive corsisation d’un problème non résolu.
La CTC devra en effet ou bien conforter la SNCM, et alors sa marge de négociation sera faible, ou bien remettre en cause « sa » délégation de service public et son contenu, et alors elle apparaîtrait comme celle par qui les conflits et l’éventuel retrait des nouveaux actionnaires arrivent.
Car qu’on s’entende bien, ni la Corsica Ferries, ni d’ailleurs d’éventuels autres armements comme Grimaldi ou Moby Line par exemple, n’ont de raison de ne pas venir, seuls ou en consortium, répondre à l’appel d’offre, et proposer des « solutions » à la continuité territoriale. Rien n’empêche que certains considèrent qu’il n’y a aucune raison que la continuité territoriale consiste essentiellement à financer un trafic déficitaire avec Marseille quand d’autres dessertes démontrent leur viabilité économique par ailleurs. Rien n’empêche enfin que certains soulignent – à l’instar du Livre Blanc de Corsica Ferries – que l’aide sociale à la personne est plus efficace et moins coûteuse que le système dit de service complémentaire.
Et il y a aura bien sûr, en toile de fond la question lancinante de l’emploi, direct et indirect, généré par les compagnies, et des retombées réelles de la continuité territoriale. Débat engagé alors même qu’un des protagonistes est en état de mort annoncée en 2006 s’il ne retrouve en grande partie la délégation de service public dont il bénéficie aujourd’hui, et qu’il doit – selon les dires de la SNCM elle-même devant l’Office, il y a un an – redimensionner fondamentalement son offre de transport.
Un tel contexte va créer deux débats fort vif. L’un, à Marseille, et l’autre, plus politique en Corse, puisque, indirectement, apparaîtra à nouveau la question du « service public » et de son rapport au territoire corse.
Alors si l’on peut se féliciter de ce que le débat sur la continuité territoriale soit, peut-être plus que jamais, l’affaire des Corses et de son Assemblée, il est clair que les conditions économiques et sociales dans lesquelles il aura lieu ne sont ni sereines, ni « bonnes » pour la Corse.
Indirectement le gouvernement vient de faire un cadeau aux Corses, un rien empoisonné !
Patrice Salini