Le mode de répercussion de la Taxe PL est constitutionnelle


Le mode de répercussion de la Taxe PL est constitutionnel :
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"Décision n° 2013-670 DC du 23 mai 2013

Loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports, le 25 avril 2013, par MM. Christian JACOB, Damien ABAD, Benoist APPARU, Julien AUBERT, Olivier AUDIBERT TROIN, Jean-Pierre BARBIER, Marcel BONNOT, Jean-Claude BOUCHET, Xavier BRETON, Philippe BRIAND, Yves CENSI, Jérôme CHARTIER, Dino CINIERI, Philippe COCHET, François CORNUT-GENTILLE, Jean-Michel COUVE, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Virginie DUBY-MULLER, MM. Daniel FASQUELLE, Yves FROMION, Laurent FURST, Claude de GANAY, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Mme Annie GENEVARD, MM. Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Franck GILARD, Georges GINESTA, Claude GOASGUEN, Mmes Anne GROMMERCH, Arlette GROSSKOST, MM. Jean-Claude GUIBAL, Christophe GUILLOTEAU, Michel HEINRICH, Michel HERBILLON, Patrick HETZEL, Guénhaël HUET, Sébastien HUYGHE, Christian KERT, Mme Valérie LACROUTE, M. Alain LEBOEUF, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Marc LE FUR, Bruno LE MAIRE, Dominique LE MÈNER, Jean LEONETTI, Pierre LEQUILLER, Philippe LE RAY, Mmes Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, MM. Lionnel LUCA, Jean-François MANCEL, Alain MARC, Olivier MARLEIX, Alain MARTY, Jean-Claude MATHIS, François de MAZIÈRES, Philippe MEUNIER, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Mme Dominique NACHURY, MM. Yves NICOLIN, Bernard PERRUT, Mme Josette PONS, MM. Jean-Luc REITZER, Bernard REYNÈS, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Martial SADDIER, François SCELLIER, Jean-Marie SERMIER, Fernand SIRÉ, Thierry SOLÈRE, Claude STURNI, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Dominique TIAN, Patrice VERCHÈRE, Philippe VITEL et Michel VOISIN, députés.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code des transports ;

Vu le code des douanes ;

Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ;

Vu la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 16 mai 2013 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports ; qu'ils mettent en cause la conformité à la Constitution du paragraphe I de son article 16 ;

2. Considérant que le paragraphe I de l'article 16 de la loi déférée abroge le 5° de l'article L. 3221-2 du code des transports prévoyant que toute opération de transport public routier de marchandises doit être rémunérée en comprenant les charges acquittées au titre de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises qui empruntent le réseau routier instituée par les articles 269 à 283 quater du code des douanes ; qu'il procède à une nouvelle rédaction de l'article L. 3222-3 du code des transports et à une coordination dans l'article L. 3242-3 du même code ;

3. Considérant qu'en vertu de la nouvelle rédaction de l'article L. 3222-3 du code des transports, le prix de la prestation de transport routier de marchandises contractuellement défini fait l'objet de plein droit d'une majoration destinée à « prendre en compte la taxe prévue aux articles 269 à 283 quater du code des douanes acquittée par le transporteur » ; que cette majoration s'applique à la partie du transport assurée sur le territoire métropolitain quel que soit l'itinéraire emprunté par le transporteur ; qu'elle est calculée par l'application au prix des transports d'un taux déterminé par voie réglementaire en fonction des régions de chargement et de déchargement des marchandises transportées et, pour les transports internationaux, de celles où se situent les points d'entrée et de sortie du territoire métropolitain ; qu'un taux uniforme doit être appliqué pour les transports assurés au sein d'une même région et un taux unique au prix des transports interrégionaux ;

4. Considérant que les députés requérants contestent la majoration forfaitaire du prix des prestations de transport prévue par ces dispositions ; qu'ils font en premier lieu valoir qu'en imposant cette majoration forfaitaire, applicable aux seuls transports pour compte d'autrui et qui ne tient compte ni de la distance réellement parcourue, ni de l'utilisation du réseau conduisant à l'acquittement par le transporteur de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises, ni de la qualité environnementale du véhicule de transport, le législateur crée, entre les transporteurs en compte propre et les transporteurs pour compte d'autrui, ainsi qu'entre les chargeurs en compte propre et les chargeurs pour compte d'autrui, des différences de traitement qui ne reposent sur aucun critère objectif et rationnel et ne sont pas justifiées par un motif d'intérêt général ; que serait ainsi méconnu le principe d'égalité devant l'impôt et les charges publiques ;

5. Considérant que les députés requérants contestent également l'atteinte portée à la liberté d'entreprendre par ces dispositions, qui créent une distorsion de concurrence entre les différentes entreprises non justifiée par un motif d'intérêt général ;

6. Considérant que les députés requérants font enfin valoir qu'en permettant aux transporteurs de conserver une fraction de la ressource publique, les dispositions contestées porteraient atteinte aux principes d'unité et de spécialité du budget de l'État ainsi qu'au principe de non-affectation des recettes de l'État ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 13 de la Déclaration de 1789 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés » ; qu'en particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose ; que cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

9. Considérant qu'il ressort des travaux préparatoires qu'en abrogeant le 5° de l'article L. 3221-2 du code des transports et en adoptant une nouvelle rédaction de l'article L. 3222-3 du même code, le législateur a pris en compte les difficultés de mise en oeuvre de la répercussion exacte, sur toute opération de transport, de la charge correspondant à l'acquittement de la taxe à laquelle les véhicules de transport de marchandises qui empruntent le réseau routier sont soumis en application des articles 269 à 283 quater du code des douanes ; qu'il a notamment estimé que la mise en place du dispositif qui avait été initialement adopté pour que les entreprises de transport répercutent le montant de cette taxe aurait entraîné, pour ces entreprises, des charges administratives de nature à remettre en cause la mise en oeuvre de ce dispositif ; qu'en outre, compte tenu de l'objet de cette taxe et de la situation économique des entreprises de transport pour compte d'autrui qui y sont assujetties, il a estimé nécessaire de maintenir un dispositif permettant que le prix facturé aux personnes qui recourent aux prestations de transport routier de marchandises prenne en compte la charge financière correspondant à l'acquittement de cette taxe ;

10. Considérant qu'à cette fin, les dispositions contestées instaurent une majoration forfaitaire du prix contractuellement défini pour la prestation de transport routier lorsque le transporteur est assujetti à la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises ; que cette majoration sera calculée en fonction de la région de chargement et de déchargement des marchandises transportées selon un taux unique, défini par région, pour les transports intra-régionaux et un taux unique national pour les transports interrégionaux ; que, selon le quatrième aliéna de l'article L. 3222-3, ces taux « correspondent à l'évaluation de l'incidence moyenne de la taxe mentionnée au premier alinéa sur les coûts de transport compte tenu de la consistance du réseau soumis à cette taxe, des trafics de poids lourds et des itinéraires observés ainsi que du barème de cette taxe. Ils tiennent compte également des frais de gestion afférents à cette taxe supportés par les transporteurs » ;

11. Considérant que, d'une part, la majoration forfaitaire du prix de la prestation de transport de marchandises prévue par l'article L. 3222-3 est perçue en totalité par l'entreprise de transport ; qu'elle ne constitue ni un impôt de l'État ni une recette publique ; que, par suite, les griefs tirés de la méconnaissance de l'égalité devant la loi fiscale et des principes d'unité et de spécialité budgétaires, ainsi que de non-affectation des recettes de l'État, sont en tout état de cause inopérants ;

12. Considérant que, d'autre part, si le montant de la majoration du prix de la prestation de transport peut être différent du montant de la taxe acquittée le cas échéant pour cette prestation, les différences de traitement qui en résultent sont en rapport direct avec l'objectif d'assurer, par un mécanisme forfaitaire reposant sur une évaluation moyenne du coût de la taxe, la participation effective des bénéficiaires de la prestation de transport au coût supplémentaire susceptible de résulter, en application des dispositions précitées du code des douanes, de l'utilisation du réseau routier ; qu'au regard de la prise en charge du coût du transport, les transporteurs en compte propre ne sont pas dans la même situation que les transporteurs pour compte d'autrui ; que, de même, les chargeurs en compte propre ne sont pas dans une situation identique à celle des chargeurs pour compte d'autrui ; que, par suite, les griefs tirés de l'atteinte au principe d'égalité doivent être écartés ;

13. Considérant, en second lieu, que la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 ; qu'il est loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;

14. Considérant qu'en l'espèce, la majoration forfaitaire du prix de la prestation de transport routier de marchandises apporte à la liberté de fixation des prix de cette activité une atteinte qui ne revêt pas un caractère disproportionné au regard de l'objectif de politique économique poursuivi par le législateur à l'égard du secteur du transport routier de marchandises ; que, par suite, le grief tiré de l'atteinte à la liberté d'entreprendre doit être écarté ;

15. Considérant que les dispositions du paragraphe I de l'article 16 de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

16. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d'office aucune question de constitutionnalité,

D É C I D E :

Article 1er.- Le paragraphe I de l'article 16 de la loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports est conforme à la Constitution.

Article 2.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.


Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 23 mai 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.
ECLI:FR:CC:2013:2013.670.DC"

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