Plan, RCB et ZBB : deux abandons et un gros manque
Ecotaxe, déficit public, politique fiscale, tout indique que l'on peine à définir les politiques publiques et à les mettre en oeuvre avec un consensus minimum. D'où le sentiment qu'on a laissé en route de bons vieux outils... enfin toute la boîte à outils.
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Par Patrice SALINI
La France, comme tant d’autres, peine à réduire son déficit budgétaire. Et dans le même temps, la demande sociale exprime de plus en plus de « besoins » non satisfaits et peu ou mal couverts par le marché. Chacun sent bien par ailleurs les limites et le coût de notre organisation institutionnelle et administrative. On côtoie une bureaucratie pesante, un millefeuille institutionnel, et des trous, comme béants dans un service public insuffisant respiratoire.
Que manque-t-il donc à ce pays pour résoudre ses problèmes ? Tracer une voie lisible entre notre quotidien et l’avenir ?
Certains ne manqueront pas de considérer que nous ne sommes pas les seuls à rencontrer ces difficultés. D’autres à stigmatiser les erreurs de droite ou de gauche. Hélas, les différents camps n’en finissent pas d’oublier quelques vieilles évidences.
Le Plan
L’art de la politique, et singulièrement des politiques sectorielles comme des grandes politiques sociales ou fiscales, c’est de jouer des marges de manoeuvre. A court terme, elles sont généralement faibles. A long terme un peu plus conséquentes.
Dès lors on peut raisonnablement se demander pourquoi on a abandonné le Plan et avec lui ces fantastiques exercices de prévision ou de perspective, et de concertation entre acteurs. Le Plan disparu c’est finalement non seulement « une ardente obligation » qui disparaît, mais aussi le partage dune réflexion sur l’avenir, et une vision concertée des objectifs nationaux.
Les méthodes « RCB » et PPBS
Le pilotage de l’action publique requiert de maîtriser la dépense et si possible de la rendre la plus efficace possible. Une gestion « conjoncturelle », a fortiori sans le secours du Plan, conduit le plus souvent à faire varier les dépenses, et donc l’allocation de moyens, tout en lançant ou en abandonnant des actions ou des interventions nouvelles.
Le pire sur le plan méthodologique étant de procéder en définissant des règles générales portant sur les moyens (plus ou moins X % de dépense et le fameux « non remplacement d’un départ à la retraite sur 2 »), sans se soucier des objectifs poursuivis. Le sentiment qu’on gère assez mal l’Etat en se concentrant exclusivement sur ses moyens est apparu assez tôt. Disons dans les années 1960 dans des pays aussi différents que les USA (PPBS, Mc Namara), ou la France (RCB- Rationalisation des choix budgétaires - Michel Debré) que la Suède…
L’approche dans son principe est facile à comprendre. Il ne s’agit plus seulement - le fait-on seulement correctement aujourd'hui - d’éclairer les choix par le calcul économique coûts-avantages ou coût-efficacité, mais d’une approche d’ensemble visant à assurer la cohérence de l’action publique en termes de « bonne » adéquation objectifs-moyens. Méthodologiquement, la définition d’orientations générales, de lignes d’action prioritaire, le travail sur la conception de programmes d’action et d’intervention, puis leur budgétisation devaient révolutionner le management public. Il y parvint un temps…. avant de sombrer.
En France, on assista donc au recul puis la disparition du Plan, à la disparition de la RCB, à l’effacement de la Datar, et l’abandon de ce qu’on appelle une politique industrielle, et d’une volonté de relier celle-ci à l’animation de la recherche. Or il y avait là un état d’esprit, une méthode qui permettaient, une fois encore d’inscrire l’action publique dans la durée et de l’organiser de manière efficace. La décentralisation facteur de pragmatisme local mais aussi de complexité, aurait pu voir triompher ces méthodes. Paradoxalement c’est en face d’un besoin de plus en plus grand qu’elles ont totalement disparu.
Le ZBB
Le ZBB ou Budget Base Zéro n’a jamais eu ses lettres de gloire en France. Sans doute en raison de son côté radical. « Inventé » et mis en oeuvre aux USA dans les années 1960-1970 (P. Phyrr, Texas Instrument, années 1960 et Jimmy Carter, Georgie 1973), le ZBB consiste à rechercher l’allocation optimale des ressources budgétaires en examinant - en partant de zéro - de manière incrémentale les résultats attendus (ou observés). Très grossièrement, on s’intéresse au budget et non seulement aux variations du budget. L’idée mise en oeuvre de manière plus ou moins radicale a au moins un mérite : s’interroger sur l’utilité des dépenses publiques, l’impact de leur modulation, de leur existence, et éventuellement d’alternatives possibles. S’interroger sur le lien entre dépense et résultat a beau alimenter de manière récurrente certains discours, et singulièrement à droite, cela demeure dans notre pays une posture et non une méthode d’analyse de la dépense publique. « Que fais-je ? Pourquoi ? A quel coût ? Peut-on faire autrement ? Et si je je faisais pas ? Si si je faisais plus ou moins ? » sont des questions basiques, mais ignorées.
Alors à défaut de Plan ou de RCB, on aurait pu espérer qu’au moins on face du ZBB. Et bien non !
On continuera à parler impôts, taxes, dépenses, crédits, secteurs privilégiés, épargnés, ou mis à contribution… pour le reste, rien. Pas même d’ailleurs d’études d’éclairage des choix dignes de ce nom, c’est à dire publiques et pluralistes. Et c’est ainsi, naturellement qu’on opte pour l’Ecotaxe, et qu’on cherche maintenant un bug…
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P.S.