Rapport de la commission d'enquête parlementaire (Assemblée Nationale) sur la privatisation de la SNCM (rapport numéro1669)



« l’histoire de l’entreprise à travers ses avatars successifs, évoque irrépressiblement le mythe nietzschéen de « l’éternel retour » » (Conslusion du rapport)

Avouons-le d’emblée. Ca se lit, malheureusement, comme un roman. De ces romans pour spécialistes, où, à tout le moins pour ceux qui ont quelque lumière comptable, juridique, et si possible un peu de culture transport et européenne. Bref un rapport dense, qui égratigne, mais n’accable pas complètement les parties prenantes les plus contestables au point de les menacer de poursuites.

L’Etat d’abord. Pas très malin, un peu trop disposé à servir « Butler » (une fois encore en concurrence avec Caravelle…), acceptant un montage qu’il ne peut assumer et qu’il devra réformer. Dormant depuis, mais dont le soutien financier ne faiblit guère et que la commission d’enquête estime à trois cents millions d’euros en 10 ans. Et encore fait-elle valoir, c’est sans compter les « valeurs abandonnées » :  « les pertes patrimoniales et financières totales de l’État sur la SNCM peuvent être estimées au moins à quatre cents millions d’euros, voire quatre cent cinquante ! » Un tel constat – édifiant – ne tombera pas d’évidence dans l’oreille d’un sourd !
La Commission Européenne, accusée de se comporter un peu en girouette, n’ayant in fine assez peu de suite dans les idées. Un rôle facile.
Butler Capital ensuite, accusé de son côté de l’inverse, c’est à dire de savoir parfaitement défendre ses intérêts. Il est d’ailleurs le seul bénéficiaire de cette affaire (60 millions € de plus value).
De la Sncm elle-même, bien en mal de se réformer.
Des syndicats, en conflit interne, et organisant de nombreuses grèves.
Quant à Véolia, la commission souligne : « la mauvaise gestion de la SNCM par Veolia, son absence de vision, sa réticence à prendre les mesures propres au retour à l’équilibre. »
Bref, tout indique que l’on nage dans un roman dont les acteurs sont soit faibles, soit irresponsables,  soit roublards.
Et, chose curieuse s’y ajoute ce constat final figurant en conclusion d’un rapport dont le rapporteur n’est autre que le président de l’exécutif rappelant le risque de payer des pénalités qui plane au dessus de la tête de l’Etat, de l’Office des Transports de la Corse en cas de non recouvrement des sommes perçues « illégalement », et de recherche des actionnaires principaux (Veolia et Transdev) en cas de défaillance.
Le rapport clos son analyse sur le constat d’erreurs récurrentes, de recours à des expédients, de stratégies visant à gagner du temps, mais coûtant cher, un « gâchis épouvantable ». Soit. Tout est dit.

P.S. Ah ! J’oubliais, l’examen du rapport est publié, et éclairant.
Quelques extraits :
Paul Giacobbi : « Je suis dans une situation impossible, je vous laisse juges : si je recouvre comme la loi m’y oblige, je serais accusé de précipiter la faillite de la SNCM, mais si je ne recouvre pas, l’Union européenne va condamner la France – la procédure de manquement est ouverte – et ce sera à la collectivité de payer la pénalité. »
François Pupponi : « Cette gabegie financière est proprement surréaliste. Comment perdre autant d’argent public et aboutir à un tel échec économique et industriel ? »
Gilles Savary : « Mieux vaut ne pas faire de commission d’enquête si c’est pour trouver des choses monstrueuses et dire qu’elles ne le sont pas, pour conclure que l’État est incapable mais qu’il n’est pas responsable. »





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