Les transports avec la Corse : Que dire du Bilan 2013 ?
Les transports avec la Corse : Que dire du Bilan 2013 ?
L’Observatoire
Régional des Transports de la Corse[1]
vient de publier son bilan annuel de l’activité « transport » pour
l’île.
Ces
données sont l’occasion de dresser quelques constats sur l’évolution de la
mobilité intéressant la Corse.
7,5 millions de passagers hors croisières.
Rappelons
pour les non insulaires, que la vie économique d’une île nécessite une noria de
bateaux et d’aéronefs (20867 rotations d’avions et 6638 de bateaux), permettant
tout à la fois d’assurer la mobilité des habitants et de ceux qui viennent séjourner sur l’île, ainsi que les
échanges de marchandises.
Il
n’est pas inutile de rappeler aussi que ce nombre de rotations est sensiblement
identique depuis une bonne dizaine d’années, alors que le nombre de passagers
progresse.
Répétons
enfin que le développement touristique, même maîtrisé, s’est traduit sur longue
période, par une croissance considérable de la mobilité. Pour ne donner qu’un
chiffre, le nombre de passagers – hors croisiéristes - ne dépassait pas 1
million avant 1967, et flirte avec les
7,5 millions en 2013. Une croissance sur longue période qui tourne autour de
4,4 % l’an, soit un peu moins de 2 points de plus que la croissance en volume
des dépenses de transport des ménages français.
Nous
ne reviendrons pas non plus sur l’évolution des conditions économiques dans
lesquelles cette évolution s’est produite. Les péripéties des Délégations de
Service Public, l’arrivée de la concurrence, les « aventures » de la
Sncm, et l’évolution même de l’économie des transports maritimes et aériens et
de leur « business modèles », comme des moyens de transport eux-même,
ont fortement modifié le transport Corse-Continent.
Pour
autant, derrière des évolutions fortes, des modifications parfois très sensibles
des parts de marché captées par tel ou tel opérateur, le bateau et l’avion ont
conservé sensiblement la même part de marché. 57 % pour le transport maritime,
ce dernier fonctionnant logiquement comme « transbordeur
de masse » en période estivale.
L’aérien reprend des parts de marché grâce aux low-costs
Un
examen plus attentif de ce rapport entre mer et air, fait cependant ressortir
au cours des années 2000 un gain d’environ 3 à 4 point pour la mer, celle-ci
perdant à peu près autant au début des années 1970, et au milieu des années
1990. Des périodes dont on retiendra
qu’elles étaient de « crise » pour
le maritime.
Il
reste donc que dans un marché du transport de passagers dont la tendance est
croissante, le rapport entre modes est constant…. sauf en période de
turbulences.
Il
est donc particulièrement intéressant de noter que – sur un marché en
progression très modérée – le transport aérien a progressé en 2013 (+7,9 %) et
le maritime (lignes régulières) régressé[2]
(-3%).
Du côté de l’aérien, l’essentiel du gain revient aux compagnies Low-cost
qui ont ouvert 13 nouvelles lignes en 2013.
La progression de ce « segment » de marché (+45 % en un an),
conduit progressivement à leur donner une part « visible » du
marché : 21 % du marché total, et désormais 57 % du marché
« hors-France ». En 2011, la
part globale des Low-Cost était grossièrement de la moitié. Il reste 80 % des passagers
aériens ont pour origine ou destination
Marseille, Nice ou Paris.
Du
côté du maritime, après le fort recul du transport maritime avec l’Italie en
2012 (-9,96 %), celui-ci se reprend en
2013 (+1,31%) tandisque le l’activité
avec la France fléchit (-4,65%) alors
qu’elle était en croissance l’année précédente (+2,35%). Pourtant, le marché global « français » progresse légèrement
(+0,54%). C’est que le transport aérien progresse sensiblement sur les deux
fronts (+6,65 % avec la France, + 19,54 % avec l’étranger).
Ainsi
s’opère depuis 3 années un rééquilibrage modal : avec un marché
relativement « plat », l’aérien récupère en trois ans autour de 400
000 passagers directement ou indirectement perdus par le maritime. Une
situation de marché singulièrement différente de celle de la période 2000-2005
au cours de laquelle l’aérien a conquis plus de 540 000 passagers, et le
maritime plus d’1 million.
Quelles conséquences ?
Ce
qui est intéressant derrière cette modification du marché – qui revient, on l’a
dit à la répartition moyenne mer/air – ce sont les conséquences sur l’économie
maritime et aérienne d’une part, et d’autre part sur l’économie insulaire.
Du
côté des compagnies maritimes, la Corsica Ferries, après l’effet de l’offensive
coûteuse de la SNCM conserve son leadership sur un marché morose – tandisque, comme on l’a
dit, les low-cost aériennes progressent fortement, au bénéfice, en premier lieu
des plus grosses plate-formes (Ajaccio et Bastia).
Sur
le plus long terme l’évolution est saississante. La SNCM, qui assurait en 1977
80% du transport maritime de passagers, n’en assume plus que 23,9%, ce qui ne
représente plus que 13,6 % du marché corse tous modes, contre 45,6 % en 1977.
Du
côté insulaire, l’effet mécanique de l’augmentation de la part de marché de
l’aérien est sans doute de modifier la nature des séjours (souvent plus courts,
nécessitant des locations de véhicules, etc..). Notons au passage que le nombre de voitures de
tourisme accompagnées a été en baisse en 2013 (-1% environ) après la baisse de
2012 (-1,8 % environ).
Il
reste qu’en 2013, ce sont plutôt les campings qui auraient tiré leur épingle du
jeu (3,5 millions de nuitées cet été contre 3 millions en 2012 selon l’Insee),
avec un fort afflux d’étrangers. Du côté hôtelier le recul de la clientèle
française a été significatif, tandisque les touristes selon l’Insee, « indépendamment
de leur provenance, sont plus nombreux que l'an passé mais ont séjourné moins
longtemps ».
Tourisme, service public et fret
Dernière
remarque importante. Ce bilan global est profondément marqué par l’activité
estivale, et donc touristique. Mais rappelons un élément majeur : en période très
creuse par exemple, les navires touchant la Corse ne transportent guère plus de
100 000 passagers par mois contre 1,2 millions en période de pointe. Pour les
avions ces chiffres tournent respectivement autour de 140 000 et 580 000. Or c’est cette « mobilité de période creuse » qui constitue un
besoin de service public, besoin qui lui aussi augmente. Par exemple, il a
doublé en 20 ans par mer.
La
période actuelle, avec la nouvelle grêve de la SNCM[3]
touche cependant mécaniquement plus le fret que les passagers qui bénéficient
d’une offre diversifiée à longueur d’année. Les trafics dits de continuité
territoriale concentrés sur Marseille représentent aujourd’hui en gros un
tonnage net d’un peu plus de 1 million de tonnes nettes sur un ensemble de 1,5
millions. Or ce marché est stable, et au
surplus il est par construction beaucoup moins saisonnier que le transport de
passagers. Les tonnages globaux et les mètres linéaires entrant et sortant varient peu finalement d’un mois à
l’autre, et répondent à une logistique bien moins flexible que la mobilité
touristique par exemple. Autrement dit la « continuité territoriale »
s’avère bien plus stratégique pour le fret.
La grève
de janvier l’a illustré : si un report est possible sur des compagnies
hors DSP, l’organisation des flux exports est très dépendante des conmpagnies
de service public. Nous avons relevé qu’en janvier, la grève de 9 jours aurait
eu un impact apparent de près de 28 % sur les exports en tonnage de la Corse
alors que les importations n’auraient été affectées que de moins de 3 %. Une
dimension souvent négligée lors de l’analyse des chiffres. Or en Février 2014 on ne note pas
véritablement de report du trafic perdu en janvier, et la Corsica Ferries
bénéficie de toute évidence d’un regain de pert de marché. Elle apparaît en
année mobile (février-février) avec 14 % de hausse des mètres linéaires
transportés dans un marché en recul de 2 %.
P.S.
[2]
Les croissières régressent aussi à 690 000 environ soit – 15,6 %.
[3] La seconde grève depuis janvier a été reconduite ce samedi 29 mars (http://www.leparisien.fr/economie/emploi/liaisons-maritimes-corse-continent-greve-reconduite-a-la-sncm-29-03-2014-3720743.php)