Le transport est assuré et les capacités non saturées : vrai ou faux ?
A propos de la grève SNCM, le préfet de Corse a déclaré :
Comment comprendre dès lors l'inquiétude des professionnels et les témoignages de ceux qui ont connu des difficultés et, pour le fret, connaissent des retards importants ?
En attendant les statistiques de juillet - qui seront connues début Août -, on ne peut s'en remettre qu'à des estimations rapides.
Quelques éléments :
"Le transport des passagers est assuré et les capacités de fret ne sont pas saturées" périssant même "avec des places disponibles au départ de la grande majorité des traversées ".En ayant soin avec prudence d'englober les lignes italiennes.
Comment comprendre dès lors l'inquiétude des professionnels et les témoignages de ceux qui ont connu des difficultés et, pour le fret, connaissent des retards importants ?
En attendant les statistiques de juillet - qui seront connues début Août -, on ne peut s'en remettre qu'à des estimations rapides.
Quelques éléments :
- Une fraction des passagers peut parfaitement avoir renoncé ou décalé son passage maritime. On gagne alors de la capacité par défaut de demande.
- Les transports - passagers comme fret - résultent d'une chaîne plus ou moins longue et complexe. Une modification de l'offre (navires immobilisés, port de Marseille bloqué) a naturellement des effets, en termes d'organisation, de temps et de délai de transport et de coût. Il est donc normal - même sans saturation - que la clientèle perçoive une dégradation et une gène.
- Sur le papier - par exemple pour les passagers - l'offre nominale de juillet excède largement la demande. Ainsi , on a en Juillet, généralement, une demande maritime globale de l'ordre de 840 000 passagers (entrées + sorties), dont 590 000 pour le continent français. En face de cette "demande" sur les ports français, on a généralement une "offre" de l'ordre de 1,3 million de places, dont 440 000 pour la SNCM. Sur le papier donc, pas de problème de capacité si la SNCM ne navigue pas... et même si 1/3 de l'offre CMN disparait, sans compter la ressource du côté des ports italiens (offre de l'ordre de 650 000 places). Il reste que ces calculs sur le mois ne tiennent aucunement compte des pointes dans le mois, et des pointes journalières de fin de semaine. Ainsi, en juillet, les entrées totales tous modes d'un vendredi sont pratiquement de 4 fois celles d'un lundi. 40% des entrées ont lieu en 2 jours : le vendredi et le samedi. Ceux qui ont déjà navigué en fin de semaine savent que les bateaux sont alors très remplis. En 2012, sur l'année, il y a eu 8 jours à plus de 50000 passagers maritimes. En outre les remplissages pris en compte ici sont en "places" et ne tiennent pas compte des véhicules (plus de 180 000 en juillet en général).
- Pour le fret, l'offre se résume à 2 bateaux sur 3 pour la méridionale (qui d'habitude achemine en Juillet autour de 70 000 mètres linéaires , contre 81 000 pour la SNCM). La Corsica Ferries de son côté reçoit environ 58 000 mètres linéaires (hors Italie). La grève SNCM et l'immobilisation d'un navire de la Méridionale nécessitent de reporter environ 50 % de l'activité en accélérant les rotations de la Méridionale, et en trouvant de la capacité supplémentaire sur la Corsica Ferries, le tout à Toulon. En gros il faut dégager une capacité "nouvelle" de 3300 mères linéaires par jour, soit la capacité d'un navire RoRo et demi. Sans doute possible... mais au prix d'une organisation logistique largement chamboulée pour les transporteurs, et des difficultés pour les compagnies de navigation (organisation portuaire, proportion de semi accompagnées différente, etc..).
Alors, le préfet a probablement formellement presque raison, mais pratiquement c'est "chaud", et il a donc sans doute un peu tort...
On peut en trouver la preuve dans le reste de la déclaration du préfet qui indique : " les premières demandes d’indemnisation de la part de l’Etat au titre du chômage partiel, ou de moratoires de paiement pour dettes fiscales et sociales ont été enregistrées et sont en cours de traitement au sein des services de l’Etat compétents" . Les entreprises ont donc bien des problèmes !
Il reste que cet épisode rappelle que la définition concrète d'un service et de ses conditions de mise en oeuvre est important pour la clientèle. Il suggère de toute évidence que la définition du contour du service public mérite une approche rénovée remettant en cause discours et certitudes.