Comparaisons européennes... plus compliqué qu'on ne croit

Les discussions économiques ont souvent pour caractéristique de prendre pour argent comptant des « chiffres » partiels ou erronés.
Revenons sur une affirmation souvent faite : « L’Allemagne s’en sort mieux. Elle est en croissance plus forte que nous. »
Sur le plan strictement conjoncturel sur un an à la fin du second trimestre 2014, l’Allemagne avait un PIB en croissance de 1,3%, pour une moyenne de la zone Euro de 0,7 et de l’UE 28 de 1,2%.
La France est à plat (0,1%), l’Italie en recession (-0,3%), et le Royaume Uni progresse vivement à 3,1%.
La conjoncture, donne donc raison aux « discours ».
Reste que sur une période un peu plus longue les choses peuvent être vues autrement.

Voir de près ou de loin ? 
Par rapport au « trou » de 2009, c’est vrai, l’Allemagne croit deux fois plus vite que la France ou l’UE28, et aussi sensiblement plus que le Royaume Uni. 
Mais les gains sont bien faibles : 3,5 % pour l’UE, un peu moins de 4 % pour la France, un peu moins de 5 pour le Royaume Uni, et 8,6 % pour l’Allemagne.  L’Italie (-2,2%) et l’Espagne (-2,8%) sont encore en recul.
Par rapport à 1998 en revanche, l’UE28 progresse de 39,4% quand l’Allemagne ne fait pas plus de 20,3%, Le Royaume Uni 28% et la France 22,2%. L’Italie n’atteint pas les 5%, et l’Espagne demeure à +31,2%. Tout est donc affaire de lunettes, de façon de voir.

La dette 
L’examen de la dette publique au sens de Maastricht est également intéressant .
En 2008 – avant son augmentation brutale pour cause de crise – la dette était en Allemagne plus forte que dans de nombreux pays en pourcentage du PIB. La vertueuse Allemagne avait une dette représentant 66,8% du PIB contre 68,2% en France, mais surtout 40,2% par exemple pour l’Espagne. L’Italie elle était déjà à 106,1%.
En 2013 l’Allemagne affiche  78,4%, la France 93,5%, l’Espagne 93,9%, l’Italie 132,6%.  Quant au Royaume Uni, il est passé de 51,9% en 2008 à 90,6% en 2013.  

Spreads
Evolution des dettes et  de la croissance aboutissent, entre autres, à des coûts de financement de la dette  assez différents, même la crise passée.
Ce 29 Août au matin les « spreads » par rapport aux obligations d’Etat à 10 ans de l’Allemagne sont de 131,7 pour l’Espagne, 152,5 pour l’Italie, 35,5 pour la France, 149,3 pour le Royaume Uni. Seuls le Japon et la Suisse ont des « Spreads » négatifs. Autrement dit, le « taux de rendement » d’une obligation espagnole est de 1,3% supérieur à celui d’une allemande. Un différentiel qui pèse encore lourdement.

Deficits 
Dernier élément enfin. L’Allemagne vertueuse est désormais en équilibre ou en excédent des comptes publics. Certes. Et les « autres » seraient de mauvais élèves, peu soucieux de revenir à l’équilibre.  Et de fait la France affiche -4,3% en 2013. L’Italie -3 %, l’Espagne -7,1%, la zone Euro affichant -3,3 %.
Il reste que par rapport à 2009 – année généralement record des déficits publics en Europe – le rapport du déficit public au PIB  a baissé de 3,1 points en Allemagne, 3,2 en France, 2,5 en Italie, 4 en Espagne, et  3,6 pour la zone Euro.

Autrement dit tout le monde a fait – en rapport à son PIB – à peu près le même effort. 
Pas de quoi tant stigmatiser les uns ou les autres, si ce n’est pour leur « passé ».

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