#Europe des Transports : mon papier dans #transportinfo
#Transport Info vient de publier dans son numéro 482 mon papier commentant l'étude de "France Stratégie" (@Strategie_Gouv) sur l'Europe des Transports.
Le journal l'a titré :
Le journal l'a titré :
On peut lire ci dessous mon texte initial.
France Stratégie (@Strategie_Gouv), le successeur du Commissariat du Plan,
vient de livrer un document intitulé « la politique européenne des transports : Quatre enjeux
pour la
nouvelle mandature[1] »
(Mandature de la Commission Européenne s’entend)
La « note d’analyse » se propose de décliner des
enjeux et de formuler des recommandations. Elle a été produite par Christine Reynard[2]
et François Veillard[3]
« sous la direction » de Claude Gressier
Ceux qui s’attendaient à un document fortement novateur,
prospectif et surtout stratégique seront sans doute déçus. Nous y reviendrons.
L’exposé des enjeux – résumés par Calude Gressier, se résume
autour de 4 thèmes.
·
La poursuite de la libéralisation que l’on
souhaite « sous conditions ».
·
La transition énérgétique et les émissions de
gaz à effet de serre.
·
Les accidents et la sécurité.
·
La compétitivité globale du système, qui pose le
problème des investissements.
Pré-mandat molasson
Ce qui manque essentiellement à ce rapport c’est précisément
ce qu’on pourrait appeler une stratégie. En fait, il se contente le plus
souvent d’interpréter des tendances probables ou très probables, pour se
contenter de les poursuivre en les modifiant éventuellement à la marge. Ou si l’on préfère il manque fondamentalement
au rapport une vision. Vision de ce qui ne fonctionne pas dans la politique
européenne des transports, et vision de ce qu’elle devrait être. Du coup c’est en fait un
« pré-mandat » un peu molasson livré au gouvernement. Rien de bien
décoiffant donc.
Ne pas trop parler de ce qui fâche
Ce qui est dit,
par exemple, sur la tarification des infrastructures est à la fois naïf et
discret. Le mot ne figure qu’une fois dans le rapport, et encore, à propos des
axes de la politique europenne durant la décennie 1990. Le mot Ecotaxe n’y
figure quant à lui pas du tout : tabou. Reste une référence à la directive
Eurovignette précédée d’une considération générale qui ne trace aucune
stratégie, loin de là : « Les
finances publiques, via le budget ou par endettement de l’État, sont
difficilement mobilisables dans le contexte actuel. La recherche de sources
nouvelles et dédiées, à savoir les impôts, taxes ou redevances est donc
également nécessaire. »
On aurait pû ajouter les tarifs, pour faire
bonne mesure d’un inventaire à la Prévert, dont tout indique qu’il ne fait
référence à aucune stratégie de financement, et encore moins à une analyse
globale – multimodale – des charges supportées par les utilisateurs des réseaux
et les entreprises de transport en général.
Naïveté
Un autre exemple
me semble caractéristique. On trouve dans le rapport l’affirmation d’un lien
nécessaire entre l’harmonisation sociale préalable et l’extension du cabotage.
Un discours (libéralisation conditionnelle) déjà entendu et suivi de peu (pas)
d’effet, on s’en souvient, juste avant le marché unique. En fait, on sent aussi
ici, derrière les bonnes intentions, d’une part une volonté de coller aux revendications
de certaines fédérations patronales, et d’autre part une réelle difficulté à
« penser » l’évolution de la concurrence en Europe. On y trouve,
comme depuis longtemps, le thème général de l’harmonisation sociale (laquelle,
de quoi, comment ??), l’institution d’un Smic européen, et la nécessité de
coordonner et d’intensifier les contrôles. Qui serait contre le principe ?
En revanche manque la méthode, et un peu de recul. En fait, il manque
régulièrement aux analystes l’acceptation d’une part de l’existence d’une
dualité (salariat-non salariat) dans le transport routier, et de l’autre celle
du fait qu’à traités européens constants, ni le social, ni le pénal, ni le
fiscal ne feront l’objet d’une harmonisation, à commencer par celle des seules
définitions usuelles. Alors on pèche nécéssairement par naïveté.
Big brother et le cabotage : une stratégie ?
Pour le coup le
rapport fait mine de volontarisme quand il semble miser sur big-brother, je
veux dire le chrono électronique à GPS de 2018, au point de créer l’illusion
d’un contrôle effectif et total des conditions de travail, comme si un appareil
dans un camion pouvait décider de ce que font ou pas le ou les conducteurs
quand ils ne conduisent pas. Nos rédacteurs ont-ils d’ailleurs entre eux la
même définition du temps de travail ? Certes, le GPS nous dira où était le
camion dans un passé proche, et pourra établir si le cabotage est ou non
licite. Grande victoire n’est-ce
pas ! Pendant ce temps, le transport routier international sous pavillon
français – ou allemand, ou anglais, ou italien, que sais-je – n’est pas perçu
dans son effet sur la valeur ajoutée des transporteurs nationaux, et l’on ne se
donne pas les moyens de penser au « marché unique » dans sa réalitéOn
préfère de toute évidence ne s’intéresser qu’au cabotage et préconiser d’en modifier l’encadrement (limité à 5
jours, mais nombre d’opération indéfini). A force de ne pas « penser » marché
unique, mais à s’ingénier à combattre sur le seul front du cabotage que
produit-on ? Se le sont-ils demandé ? Qu’on se réjouisse cependant de voir, pour une
fois, le rapport être un petit peu européen, en appelant de ses vœux un
Euro-contrôle du transport routier, ou la création d’un registre Européen des
transports routiers. Pour en finir avec
le routier, on ne comprend pas bien la façon, cavalière, de régler – enfin, par
le mépris – la question du 25,25 m.
Suivre avec rigueur
Le fret
ferroviaire semblé également traité de manière peu offensive. On y trouve un
satisfecit à l’égard de la réforme ferroviaire en France (l’esprit critique
manquait sans doute auparavant ?). On trouve aussi, certes, un appel à
« la gestion intégrée des corridors de fret ferroviaire »,
belle idée que nous avions défendue à l’époque dans le cadre du projet européen
New-Opera, sans d’ailleurs plus de succès que ça. On aimerait que les rapporteurs
nous en disent plus. Que signifie pour eux intégrée ? Mais au-delà, peu de
choses. Toujours cette croyance en l’interopérabilité. Et une phrase d’attente
préventive à propos de l’ERTMS[4]
qui peine tant à se déployer.(« Le déploiement du système européen
de surveillance du trafic ferroviaire (ERTMS) est ainsi un dossier à suivre
avec rigueur pour lutter contre les tentatives d’adaptations locales ou
nationales aux antipodes de la politique d’interopérabilité »).
Dépenser oui mais hors Maastricht
La partie
consacrée aux investissements est tout autant peu stratégique. On s’interesse
en fait au RTE (réseaux de transport européens) tout en insistant sur la problématique de
leur financement : « Le
développement de nouvelles infrastructures de transport pourrait être favorisé
par une prise de risque plus grande de la part de la BEI, par l’émission
d’eurobonds pour un projet ou un ensemble de projets européens, par des
emprunts nationaux dérogeant aux critères de Maastricht ou, dans certains cas,
par l’augmentation du paiement d’usage des infrastructures par leurs
utilisateurs ». Ce qui ne fait pas une stratégie. Mais illustre bien les positions de court
terme que prendront certains Etats par rapport au programme de Junker en la
matière. On réfléchit à 6 mois.
L’enthousiasme attendra
Au final ce
rapport, comme plusieurs déjà, se refuse à toute vision stratégique un peu
novatrice par rapport à l’Europe des transports et la construction d’une
intégration plus poussée. Et pour cause. Elle implique non seulement une
analyse en amont, mais aussi un projet pour l’Europe. Faute de quoi on a un peu
l’impression de lire le bulletin de note de nombre de potaches :
« peut mieux faire ». Certes. Mais l’enthousiasme attendra.