#Corse : Histoire des dessertes #maritimes de #service_public : coûteux et décevant ?

Histoire : Desserte maritime de la Corse, mélanges et globalisation ne font pas une politique

L’histoire de la #Corse et de ses transports maritimes n’est pas sans susciter de sérieuses critiques à légard de l’Etat (français en l’occurrence), doublées d’une critique de son dispositif fiscal.En réalité les choses, comme souvent, sont un peu plus complexes qu’on pense.

Contrairement à ce que qu'on peut parfois imaginer[1] le commerce maritime insulaire n’était pas, au début du XIXème siècle et pour un bon moment, une affaire de lignes régulières à l’image de nos ferries et navires rouliers contemporains. 
Considérons aussi la particularité d’un pays qui, fondamentalement lié à l’Italie, se trouvait dans le giron français, puis anglais, puis à nouveau français.  Et dans ce contexte, les régimes douaniers, moins systématiques qu’on le dit parfois, ont assez peu d’impact sur un trafic demeurant longtemps modéré tant à l’export (quelques milliers de tonnes, dont beaucoup de bois) qu’à l’import.

Une problématique postale

Pour comprendre les choses, il faut se rendre à une évidence : la marine à voile ne permet guère la régularité qu’auront les services des bateaux à vapeur, par ailleurs peu rentables et donc faiblement développés jusque tard dans le siècle. Leur essor en France est contemporain du Second Empire.
Roland Caty et Eliane Richard[2] nous rappellent que dans les années 1840-1850 , le transport maritime à Marseille se limite au vieux port, et qu’il est effectué essentiellement par des voiliers à coque en bois de jauge inférieure à 800 tonneaux.
Rappelons par ailleurs qu’en 1859 Bastia se contentait (mal) encore de son vieux port,  ce qui ne permettait pas d’accueillir à quai le paquebot-poste qui tirait  à peine 16 pieds ! Autrement dit, on stationnait au large du môle, et on utilisait des chalands.
Enfin, et pour finir, les paquebots à vapeur avaient le grand inconvénient d’offrir moins de place aux marchandises (machines, charbon à loger) et coûtaient plus cher. Double handicap donc.
Il reste que l’Etat exploita effectivement les lignes du service postal de méditerranée en régie à partir de 1837[3], et qu’il était encore à voile, à Bastia, en 1838.
Mais revenons à l’essentiel. 
La problématique alors est postale. Il s’agit d’assurer les liaisons régulières permettant d’acheminer le courrier entre le continent et la Corse. Suite logique d’ailleurs de ce qui est fait sur terre. Et on ne confond pas alors ce qui relève du simple roulage (colis lourds) de ce qui relève de la messagerie (petits colis). Question de taille, de poids, de fréquence, et de coût. L’activité portuaire classique, telle que l’on l’entend aujourd’hui avec des lignes, de beaux quais, et de grands navires, se développera lentement et tardivement. Ainsi, existaient ce qu’on appelait des "quais forains" ou pas de quais du tout. Se rappelle-t-on par exemple que, jusqu’en 1910, le « port » de Solenzara traitait plus de « tonnes » qu’Ajaccio avec plus de 10 000 tonnes de bois exportées.

Le début

Au tout début du XIXème (1822-1826) la Corse « échange » peu. 7500 tonnes environ par an, avec un peu plus d’exportations (en tonnage mais pas en valeur!) que d’importations.
Admettons donc pour un temps que les lignes régulières étaient initialement «postales». L’Etat chercha clairement à en minimiser le coût – en regard d’avantages régulièrement estimés « faibles » -. Il opta donc en 1850 pour la concession des services, et céda ses navires postaux aux compagnies. Ainsi, Valery pût acheter le « Bastia » (navire de 120 chevaux !) pour 220 000 Francs dont 100 000 comptant. Ce même mécanisme permit la naissance des Messageries Maritimes et la concession du service maritime postal pour la méditerranée à cette compagnie crée spécifiquement  par Rostand – armateur marseillais – et les Messagerie Nationales (route). Mais cela ne concernait pas la Corse dont la consession échut effectivement à Valery (négociants à Bastia) pour 640 000 francs par an par un marché de gré à gré en 1850.  Valery s’exécuta jusqu’en 1873. Le service comprenait de plus un service obligatoire mais non compensé sur Livourne depuis Bastia. La compagnie récupérera également la liaison postale avec Nice, redevenue Française, par un décret impérial en 1863 (pour 350 000 francs par an).

Prédominance de Fraissinet

Entre 1873 et 1882, c’est au tour de Fraissinet de récupérer ce service public pour une somme moindre de 375 000 Francs par an, et pour un service légèrement renforcé. Entre 1883 et 1895, ce devait être le  retour de Valery (Morelli en fait) pour un chiffre encore moindre (355 000 Francs), et un renforcement significatif du service.  Cette compagnie, qui avait le soutien des républicains opportunistes de Corse, fit finalement faillitte, et il fallut se résoudre à la fin de l’adjudication en 1892, et au retour de Fraissinet. 
Mais il convient ici de s’arrêter un instant sur la nature du service et des obligations. Les cahier des charges, fort succints, traitent exclusivement des dépêches. Ils définissent par ailleurs l’ampleur minimale des moyens (paquebots, puissance, etc..), des temps de parcours (par exemple 13 heures pour Nice Bastia) et des fréquences.
Or précisément, les corses ont à redire sur les fréquences et les vitesses, mais aussi naturellement sur la nature même de l’offre. La première concession «accordait» des temps de traversée importants, correspondant aux technologies de l’époque. Trente heures pour Marseille-Bastia, vingt-quatre heures de Marseille à Calvi. Ce qui permet concrètement, compte tenu des flottes mises en œuvre en 1850, deux services hebdomadaires par semaine sur les lignes desservies (Bastia, Ajaccio, et Calvi ou Ile Rousse). Quant à la capacité de transport, elle est limitée et mesurée en kilogrammes. On compte alors par exemple, sur les plus gros bateaux 17 membres d’équipage, et 21 passagers, dont les bagages sont limités en poids (selon la classe), et qui paient relativement cher (de 15 à 30 francs selon la classe) et peuvent accéder à des repas dont le prix est lui aussi fixé par la convention et par jour selon la classe (6 francs en première, quatre en seconde…). Enfin un tarif conventionnel énonce les prix de transport de marchandises généralement par tranche de 100 kg. Il prévoit aussi le transport de voitures et d’animaux (les chevaux corses, plus petit payant 25 francs, contre 40 pour les grands chevaux).  Pour l’histoire on avait même prévu un tarif pour les merles.
Seconde évidence, si Fraissinet était armateur, les autres acteurs des messageries en méditerranée ne l’étaient pas. Ce sont, pour ainsi dire, les subventions, les concessions, et la vente des navires postaux qui façonnèrent et les compagnies et ce qu’on appelerait aujourd’hui le business model des dessertes méditerrannéenes et d’une manière générale, le modèle français des messageries maritimes.

A la fin du XIXème siècle, en 1892, la Corse se trouve alors desservie par 6 services postaux hebdomadaires :
·      Un voyage hebdomadaire de Marseille à Ajaccio, puis Propriano avec toutes les 2 semaines une prolongation sur Bonifacio ;
·      Deux voyages par semaine de Marseille à Bastia puis Livourne ;
·      Un voyage par semaine de Marseille à Calvi ou Ile Rouse (alternance) ;
·      Un voyage hebdomadaire de Nice à Ajaccio puis Porto-Torres (avec escale en été à Calvi ou Ile Rousse alternativement) ;
·      Enfin, un voyage par semaine de Marseille à Nice, Bastia et Livourne.

En fait, la Corse bénéficie alors d’une septième liaison par l’entremise de la ligne postale de la Transat entre Marseille et Bône (Algérie) qui escale alors à Ajaccio. A l’expiration de la concession de la Compagnie Générale Transatlantique, Fraissinet repris la desserte supplémentaire d’Ajaccio depuis Marseille sans subvention.

Deux remarques s’imposent. Les liaisons sont – hormis Porto-Vecchio – la base du service qui, des années durant, se maintiendront, y compris avec la Sardaigne. Deuxièmement les fréquences demeurent faibles avec Marseille.

Une telle situation provoqua sur le continent comme en Corse des réflexions et des réactions,  et aboutit à plusieurs projets. Les enjeux en sont clairement la vitesse (12 voire 13 nœuds), la remise en cause de lignes « faibles » ou d’intérêt moindre (Italie, Sardaigne), et les fréquences (la commission Arene réclamant 9 fréquences/semaine). Une modification des services répondant aux demandes corses impliquait mécaniquement des niveaux importants de subvention. D’où, on s’en doute, débat. Et de fait,  de 1892 à 1903 l’Assemblée Nationale tergiversa, provoquant par ailleurs des réactions en Corse (Conseil Général, politiques) et des meetings contre la convention postale, allant jusqu’à revendiquer des vitesses et des tarifs identiques (au km) à ceux dont bénéficie l’Algérie.  
Et la convention  donnée à la Compagnie française de Navigation et de Construction navale en 1903 et mise en œuvre en 1904 ne fit pas long feu.  La compagnie déposa son bilan en partie en raison de la concurrence faite – donc sans subvention – par  la Compagnie Fraissinet.  La convention fut donc résiliée en 1905, et un nouvel appel d’offre n’eut qu’une seule réponse : celle de Fraissinet. Une convention fût donc signée avec la compagnie en 1905, et elle fût révisée en 1907 à la suite d’une protestation du Conseil Général de Corse.  La tension portait comme souvent sur les services, les fréquences, les vitesses, et les prix, autrement dit sur le contenu même du service. Elle concernait aussi les conditions même d’interprêtation de la convention[4].

Quel service et  pour transporter quoi ? 

Il n’est pas inutile à ce moment de l’histoire de s’interroger sur la nature du service. Postal d’abord, il permettait aussi aux passagers de relier le continent, et l’Algérie.
Pour ce qui concerne le fret, nous n’avons pas de données précises utilisables. Un ordre grandeur global des échanges agricoles est pour autant disponible pour l’ensemble des bateaux. Bastia traite plus de 50 % des flux, Solenzara 14 %, Ajaccio autour de 10, Propriano 9%. Porto-Vacchio, Sagone-Cargèse 4%, Bonifacio 2,6%. Tous les ports, sauf Ajaccio (importateur), sont fortement exportateurs en tonnes.
Une partie importante de ce fret n’emprunte pas les paquebots postaux, comme les exportations de bois, mais aussi, par exemple, celles  d'extrait de châtaignier, par la compagnie britanique « The Golden Gross List », qui a établi un service bi-mensuel entre Gênes, Livourne, Bastia, Valence, et Liverpool. Mais ces flux sont par nature plus fragiles, et peuvent subir l’évolution des traités commerciaux (abrogation par exemple du traité commercial avec l’Italie à la fin des années 1880).
Mais déjà, progressivement au cours du XIXème siècle, les échanges de la Corse sont devenus fortement déficitaires en valeur. Ainsi en 1886, la Douane française estime les importations (provenant à 85 % de France), à 46,2 millions de francs pour 9,8 Millions d’exportations (à 65 % vers la France). Ce qui fit tout de même un rapport de 1 à 4,7 : une situation finalement peut-être plus dégradée qu’aujourdhui, mais dont le rapport au PIB nous est inconnu, comme le PIB lui même d'ailleurs.
Le transport de passagers reste à ce tournant des deux siècles très modéré par les lignes postales. On compte sur les lignes de Fraissinet intéressant la Corse autour de 18 000 passagers en 1902.  Ce qui est peu. On attaindra autour de 60000 passagers dans les années 1930, chiffre qui doublera avant la seconde guerre mondiale. Il est clair que la montée en puissance progressive de la taille des navires et l’augmentation des fréquences sera un facteur puissant de progression des trafics.
La convention de 1907, corrigeant celle de 1905 (qui devait durer jusqu’en 1921) fût remplacée par une convention provisoire en 1920,  et prolongée de 10 ans en 1927. L’examen des lignes contenues dans la convention fait ressortir sept lignes principales : Marseille vers Ajaccio, Bastia,  et Calvi-Ile Rousse,  et Nice vers les mêmes ports, et Bastia Livourne. S’y ajoutent des lignes de cabotage, en prolongement ou non d’Ajaccio vers le sud (Propriano, puis Bonifacio), de Bastia vers Porto-Vecchio et Bonifacio, d’Ille Rousse, vers Calvi, Sagone et Ajaccio. Enfin la possibilité de se substituer à la Transat en cas d’interruption de l’escale de Porto-Torres sur la route Ajaccio-Bône. Par ailleurs Fraissinet exploitait une ligne de cabotage entre Marseille, Toulon et Nice.
Il est intéressant de noter que les lignes principales comprennent deux aller-retour hebdomadaires, l’une à une vitesse de 14 nœuds, l’autre à 10 ou 10,5 nœuds. Les lignes « en prolongement » de cabotage insulaire sont généralement  mises en œuvre une semaine sur deux.  D’après ce qu’on peut en savoir, les navires utilisés, largement renouvellés avec la convention ont des volumes utiles  encore modestes mais significatifs (de 1300 à plus de 3000 tonnes de jauge brute au cours de la convention). 
La guerre de 1914-1918 eut pour effet de faire perdre plusieurs navires (coulés par des sous-marins allemands ou autrichiens).
Fraissinet conservera les concessions jusqu’à la seconde guerre, la compagnie prenant d’ailleurs un réel essor à Marseille. Ainsi, Jean Fraissinet, devenu le seul survivant de sa fratrie (avec Alfred et Albert), se marie en 1927 à Mathilde Cyprien-Fabre, fille de l'armateur Cyprien Fabre, ce qui favorise le rapprochement avec Fabre puis avec les Chargeurs Réunis.

L’ère de la transat

Après guerre – et la perte du bateau « Général Bonaparte » – les navires desservant la Corse furent repris par la Transat, et la desserte de la Corse fût confiée, consécutivement à la loi de 1948, à la Compagnie Générale Transatlantique 
(« Dans la convention qui fut déposée le 31 décembre 1958, les lignes de Corse faisaient l'objet d'un chapitre spécial. La participation de l'État consistait, purement et simplement, dans la couverture du déficit résultant de l'exploitation. », Abel-Durand, Sénat, 22 février 1951).
La reprise de la desserte de service public par cette compagnie publique coincide à nouveau avec des débats relativement redondants sur les composantes même du service, et, au début des années 1950, sur les tarifs, la revendication étant faite de « revenir » à l’alignement sur les tarifs ferroviaires instauré en 1937-38 et supprimé par Vichy. Cette idée n’est pas neuve puisqu’on la trouve dans les discussions du Conseil Général de Corse au XIXème siècle déjà. 
La situation singulière de 1950 est que l’allignement n’a été fait que sur les vieux navires.  Par ailleurs les tarifs pour le fret apparaissent alors comme défavorisant les exportations corses.  A l’époque, la subvention représentait  225 millions de francs (soit 6,3 millions € actuels) somme établie pour permettre l’application des tarifs ferroviaires.
Un débat parlementaire en novembre 1959 à l’Assemblée Nationale,  est très éclairant. Il oppose Robert Buron, alors ministre en charge des transports à Jean Fraissinet, ancien patron de la Compagnie du même nom, et connu pour ses opinions droitières et anti-gaulistes (pour ne pas dire Vichystes). Un débat fait rage sur les conditions d’exploitation avant et après guerre, et sur le montant des subventions. Christian Bonnet, Rapporteur spécial, indique alors que dans les comptes de la Compagnie Fraissinet apparaissait en 1939 une dette de l’Etat de plus de 23 millions de Francs (soit autour de 11 millions € en valeur actuelle) auxquels il falait ajouter quelques millions au titre des navires. Il indique en outre que la subvention moyenne par passager était alors de  plus de 3 fois ce qu’elle est avec la Transat.
Ce qui est sans doute plus intéressant, c’est que la desserte de la Corse se trouve alors désormais, par-delà une convention, constituer l’un des éléments de la gestion globale d’une des deux grandes compagnies maritimes d’économie mixte françaises  - qui laissera prospérer à côté d’elle la Méridionale sur le fret – qui introduisit le Ro-Ro en 1970.
Une situation qui se terminera de manière sans doute encore plus ambiguë par une double convention d’une part entre l’Etat et la SNCF, et entre l’Etat et les deux compagnies SNCM et CMN, c’est à dire les deux titulaires de la DSP en 2015, et la modification corrélative de la convention avec la Transat. Chose curieuse, ou suite logique de l’histoire de dessertes corses, la nouvelle entité SNCM hérite non seulement de la desserte de la Corse, mais aussi de celle du Maghreb, qui échappe désormais à toute logique de service public. C’est que la SNCM n’est pas une création spécifique, mais  l’héritière de la “Transméditerranéenne” créée en 1969 (par addition des flottes et services méditerranéeens de la “Transat” et de la “Mixte”), dont on change finalement essentiellement l’actionnariat (et peut-être la philosophie) en mettant la SNCF au rang des actionnaires.


Graphique des passagers transportés de et vers la Corse par mer (lignes régulières)







Mélanges

Il reste que la permanence des récriminations, comme des idées avancées peut être troublante. Comme par le passé on conteste l’importance – faible – du service (4 paquebots-garage, comme on dit alors,  tournent en 1969), contre les tarifs passagers, dont la « ferroviairisation » est imparfaite aux yeux des corses et des continentaux, contre la cherté du transport de fret (on parle régulièrement de 30 % de surcoût lié au transport maritime dans les années 1970), et bien vite de pénurie, au point qu’en 1977 le ministre reconnaît l’insuffisance de la flotte.
On sent bien, par ailleurs,  la prédominance d’une approche globale du service public. L’idée qu’il puisse être analysé de manière différente selon l’importance des liaisons – facteur de différenciation des coûts – n’est pas envisagé. Certains prônent même une péréquation nationale (française) généralisée des tarifs de transport. On rêve de gommer l’espace au moyen du tarif ! On a en fait le rêve du tarif postal actuel, en un mot, sans en considérer les conditions de réalisation et d’efficacité.
Il est assez amusant de voir qu’au fond on résume au prix de passage l’essentiel des questions. On oublie assez largement qu’un passage maritime implique des rutpures de charge, et donc d’autres coûts, et nécessite une massification. Le groupage en amont ne règle pas pas tout, puisque la desserte doit passer par un dégroupage, et donc une polarisation. D’où la contradiction évidente entre les objectifs de continuité en termes de lignes et de fréquence, et les conditions de rentabilisation pour le fret.
La globalisation des problèmes, le mélange des questions du fret et des passagers, des périodes creuses et de pointe,  l’extrême simplification habillée sous le vocable de « continuité territoriale » alimentera l’illusion.  
Et de fait, avant même toute concurrence européenne, l’organisation des dessertes maritimes de la Corse non seulement ne satisfait pas les insulaires, mais coûte  relativement cher (quoique les 250 millions de francs de 1977  représentent moins de 140 million € actuels).
L’approche du fret est encore très rudimentaire. On en appelle au groupage, tout en mettant en place une sorte de contingentement – au profit des corses d’ailleurs – des passages maritimes. Je me sousviens de réunions, à la fin des années 1970 visant justement à créer des conditions de massification des groupages à destination de Corse.
En outre la question des transports maritimes avec la Corse est régulièrement noyée dans des problèmes d’une autre dimension. D’abord affaire postale, elle devient un des éléments, sous contrainte postale, de la politique maritime française de la fin du XIXème siècle, autrement plus préoccupée de rayonnement international, par le fonctionnement des liens coloniaux (Afrique, Asie…), et la constitution d’armements de grande taille. Elle deviendra, après la seconde guerre mondiale un élément de la problématique des armements publics français, et singulièrement de la Compagnie générale transatlantique, dont on sait qu’elle sera en proie à une crise grâve de reconversion. L’émergence de la « transméditerrénéenne » en 1969 – encore marquée par le rêve de la France Transméditerranéenne – puis la création de la SNCM (avec la place prise par la SNCF – retour d’anciens réflexes datant au fond du XIXème, et actant le rôle d’armement de la compagnie ferroviaire -) ne rompront pas encore avec toute forme de « globalisation ». Elle sera de fait remise en cause par la création du marché unique européen, et la fin des chasses gardées maritimes, fussent-elles de cabotage et de service public.  Le rapport Pagès en novembre 1997 rappelait : « la SNCM après des années de navigation en eaux calmes, troublées seulement depuis vingt ans par quelques mouvement sociaux d’ampleur limitée, aborde à présent une zone plus agitée car soumise à des vents contraires ». Ce fût effectivement l’ouverture d’un épisode débouchant mécaniquement sur la mise en règlement judiciaire de l’entreprise en 2015, soit près de 18 ans après que la situation eut été parfaitement anticipée. Et le constat de la « commission Giacobbi » sur la privatisation de la SNCM ne conluait-il pas : « Depuis plus de dix ans, l’histoire de l’entreprise à travers ses avatars successifs, évoque irrépressiblement le mythe nietzschéen de « l’éternel retour ». Comme cette histoire, donc, qui dure depuis plus de 150 ans.




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[1] Voir par exemple l’intéressant papier d’Edmond Simeoni sur son Blog. Pour antant, l’analyse du XIXème siècle nous semble partiellement erronée. http://www.edmondsimeoni.com/SNCM-un-scandale-insupportable_a507.html


[2] « un exemple d’évolution de la marine marchande : le cas de Marseille (XIXe-Xxe siècle » 


[3] Voir « La concession des services maritimes postaux au xixe siècle Le cas exemplaire des Messageries Maritimes », Marie-Françoise Berneron-Couvenhes, Presses de Sciences Po, 2007 ; voir aussi l’article de la Revue de la Marine Marchande d’avril 1916 de M. Cassignol, intitulé « Les services maritimes subventionnés entre le Continent et la Corse » 


[4] Voir par exemple : « La Corse : la nature, les hommes, le présent, l'avenir » , Albert Quantin 1914

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