#Corse La bataille navale : ma synthèse pour Transport Info
Bataille navale corse
La bataille navale
corse – pour désigner le blocage et contre blocage de navires desservant l’île
à et depuis Marseille, résulte au départ d’une grève des salariés de la MCM
(ex-Sncm) et de la Méridionale, suivie d’une blocage du Stena Carrier en rade
de Marseille et des contre-blocages des navires de « service
minimum » des compagnies grévistes par les entreprises du concortium
corsica maritime.
Grève et blocages sont
désormais terminés. La levée du blocage du Stena Carrier (Cosica Linea), ayant
entraîné mécaniquement la libération de
la navigation et l’ouverture prochaine de discussions sous l’égide du conseil
exécutif de la Corse.
La raison de cet énième mouvement agitant les liaisons de
continuité territoriale résulte du fait que la CGT des marins a trouvé
illégitime la liaison mise en place – prélude à d’autres – par la Corsica Linea
– créé par Berrebi et Corsica Maritima, venant concurrencer sur Marseille les
titualires de la DSP (par ailleurs annulée, mais maintenue jusqu’à fin
septembre). Une telle réaction n’est pas nouvelle puisque la même CGT avait
mené en 2008 un blocage du port pour combattre l’annonce de l’ouverture d’un
terminal RoPax par Grimaldi à Marseille. Et alors, la CGT avait gagné, faisant
battre en retraite l’armateur italien.
Or, une liaison nouvelle demande le respect d’un minimum de
formalités, compte tenu des dispositifs mis en place par les Obligations de
Service Public sous l’égide de l’Office des Transports de la Corse. Donc
l’assentiment de l’exécutif corse.
L’actuelle DSP n’accordre en effet aucune protection à ce
qui serait un monople des délégataires, même si, en pratique, personne n’avait,
auparavant, imaginé concurrencer – sans subside - des entreprises contraintes
par les clauses de la DSP mais subventionnées.
On peut imaginer que le fait, pour l’exécutif, d’autoriser
la et sans doute les lignes de la Corisca Linea signifie « en creux »
que l’exécutif considère que l’intérêt public (corse) passe effectivement par
la démonstration de la viabilité, sur Bastia et Ajaccio de liaisons pas ou peu
subventionnées, ce dernier n’ayant pas fait mystère de sa volonté d’économiser
plusieurs dizaines de millions d’Euros sur la DSP. Il considère en outre que la
pratique des titulaires actuels de la DSP sert mal l’intérêt de la Corse,
tandisque des opérateurs corses prétendent pouvoir le faire.
Les ingrédients de la crise réunis
On avait donc là les ingrédients classiques d’une
radicalisation et donc d’une crise – historique – se mutant en conflit,
opposant non seulement deux conceptions différentes du service public, mais
aussi certains acteurs, y compris corses.
Pour autant, l’exécutif corse souhaite aboutir dans la
concertation avec tous les acteurs, à un choix pragmatique. Reste qu’il a dû
intégrer – le Syndicat des Travailleurs Corses et Corsica Libera en ayant fait
un objectif – l’étude du projet de constitution d’une compagnie maritime
semi-publique.
De son côté, l’Etat, en n’agissant pas pour faire respecter
l’état de droit, a semblé, sinon prendre parti, du moins ne pas vouloir se
mêler d’un conflit externalisé après avoir dû
- fort mal – assurer la gestion de fait des affaires maritimes corses
pendant de longues décennies. Une façon aussi d’attendre et voir. Si ce n’est
que l’organisation des transports maritimes avec la Corse – mais pas la police
portuaire – relève de la Corse.
Le fret victime de l'impasse
L’organisation actuelle – et surtout passée – de la continuité
territoriale, ne satisfait actuellement pas les corses, aussi bien d’ailleurs les
passagers que les chargeurs, les transporteurs, et les bénéficiaires indirects
du transport maritime que sont les gens vivant du tourisme. L’ancienne SNCM,
entraînant souvent la Méridionale dans la tourmente, connaît en effet une
conflictualité récurrente pouvant bloquer sa navigation plusieurs semaines par
an (45 jours en 2011 par exemple, 21 en 1015, 28 en 2014). Or, cette
conflicutalité touchant avant tout le fret, dans une économie par trop
résidentielle, touche directement le commerce (et donc les consomateurs), et en
été peut peser lourdement sur le tourisme.
Elle pèse donc sur le niveau du PIB insulaire, ce que les
« socio-professionnels » comme on dit en Corse, n’accpetent
plus. Ils ont donc l’intention de peser,
ce que le consortium Corsica Maritima a traduit dans les faits en tentant de
reprendre la SNCM, puis en lançant une nouvelle compagnie – la Corsica Linea –
avec Berrebi. Rocca de son côté a repris la SNCM, dans un contexte une fois de
plus agité et conflictuel, où ses intérêts sont assez directement contestés par
l’initiative du consortium Corsica Maritima (en gros 130 entreprises insulaires
représentant le gros du fret).
L’équation à résoudre pour l’équipe de la Collectivité
Territoriale, l’exécutif dirigé par Gilles Simeoni, prenant soin d’y associer
la présidence de l’Assemblée (Jean Talamoni, leader de Corsica Libera),
consistera donc à réformer profondément un système coûteux, conflicutel et
inefficace qui aura, c’est le moins qu’on puisse dire, vécu en permanence dans
un état d’insécurité juridique.
Quelles perspectives ?
Plusieurs questions se posent. D’abord celle de savoir
quelles DSP envisager (sur quelles lignes) et avec quelles clauses. Ce qui pose
aussi la question de savoir quelle sera l’attitude des acteurs maritimes, et de
savoir si le projet de « compagnie régionale » pourra aboutir.
Au surplus, le paysage concurrentiel continera d’évoluer.
Ainsi, la Corsica Ferries a déclaré vouloir répondre à un éventuel appel
d’offre et a acheté de nouveaux navires, tandis que la Méridionale n’a signé
que tardivement (janvier 2016) en vue d’une sudélégation de la DSP après
l’échec de son opération de reprise de la SNCM l’été. En outre, Moby-Lines va à
nouveau intervenir sur le marché Corse dès juin 2016 depuis Nice, et la Corsica
Ferries renforcer son offre par l’ajout d’une desserte estivale de Porto-Vecchio.
Et les syndicats de marins n’ont, c’est le moins qu’on puisse dire, pas
vraiment les mêmes objectifs, selon qu’il s’agit de la CGT, de la CGC ou du STC
par exemple.
Une fois encore, il semble bien que le feuilleton maritime
nous promet quelques nouveaux épisodes, d’ici avril – pour les orientations –
et octobre – pour la mise en œuvre du système nouveau proprement dit.
A suivre donc.
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Etat des lieux
Tout d’abord le transport maritime – indispensable à la vie
insulaire - peut être décomposé en gros
en deux réalités distinctes : le trafic estival d’une part, et le trafic
de période creuse, et très creuse.
Le transport estival – de mai à septembre – représente
globalement 5,5 millions de passagers dont 3,2 à 3,7 millions par bateau, le
reste empruntant l’avion. En maritime, la prériode estivale pèse pour près de
80 % du total annuel. En revanche, le transport de fret est nettement moins
saisonnier (Juillet ou Aout représentent quand même 20 à 40 % de plus qu’un
petit mois).
Cette donnée de base fait comprendre aisément que la
problématique du transport en période creuse a, pour les voyageurs, une nature
très différente. Et que les tribunaux aient trouvé, il y a quelques années,
illégitime une DSP incluant des trafics de pointe.
Enfin, le transport de fret concerne le trafic roulier (dont
on parle souvent) et du vrac (pétrole, gaz et ciment) dont on ne parle
pratiquement jamais, tout en étant vitaux.
Par ailleurs la Corse entretient des relations continues
avec Marseille, Nice, Toulon, Livourne, Gènes, Savona, et enfin avec la Sardaigne (Santa Teresa et
Porto Torres).
Dans cet ensemble, seuls les transports avec Marseille en
navire roulier mixtes avaient fait l’objet d’une délégation de service public
(DSP) au bénéfice de feue la SNCM (reprise par Rocca aujurd’hui subdélégataire,
transporteur Insulaire) et la Méridionale (Groupe Stef), depuis annulée et
« maintenue » jusqu’au mois d’octobre 2016, le tout pour environ 100
millions €/an (avec une répartition 60/40 entre SNCM et CMN).
Figure 1 : subventions théoriques pour 2014
Le transport vers l’Italie est libre, et celui vers la
Sardaigne faisait l’objet de dispositifs sardes (relatifs à la desserte des
îles mineures et de la Corse), et les liaisons avec les ports français
continentaux sont régis par des OSP (obligations de service public).
Pour les passagers, la part de Marseille n’a cessé de
régresser, naturellement en période estivale, mais aussi en période creuse,
pour représenter entre 20 et 27 % sur les grands ports (Ajaccio-Bastia), le
monopole demeurant sur Propriano et Porto-Vecchio. Si on y intègtre le
continent italien, cette part, même en hiver, descend nettement en dessous de
20 % sur Bastia. Pour le fret, Marseille conserve une position majeure avec
environ 68 à 74 % les mètres linéaires en RoRo sur les grands ports (desservant
d’autres ports comme Toulon ou Nice).
Il saute assez vite aux yeux que la régularité des flux de
marchandises, et l’adaptation des fréquences à la demande, permettrait
théoriquement de rentabiliser des services de pur RoRo sans passagers sur les
grands ports, voire avec passagers. En revanche, la rentabilisation est plus
problématique sur les ports secondaires, ce qui justifie une DSP.
Par ailleurs, un
service de voyageurs « subventionné », en dehors de considérations
sociales, trouve plus difficilement sa justification pour les grands ports, et,
pas du tout en période estivale compte tenu de l’offre concurrente de la
Corsica Ferries. Voilà donc la situation de base.