#Corse #Maritime : Dur de sortir d'une situation dramatique

Après le débat sur le transport maritime à l'Assemblée territoriale de Corse (25/2/16), d'abord tendu, puis finalement apaisé, diverses questions demeurent sur la table. Partiellement, et parfois largement indépendantes des décisions de la Collectivité Territoriale, et même de certains acteurs.  
Créé par l'accumulation de procédures et de conflits, ce contexte peine à faire émerger non seulement une solution durable, mais le minimum de confiance entre acteurs.  D'autant que, derrière certaines positions se cachent des arguments largement infondés, dont on reparlera sans doute plus tard.

Tout indique en effet que les diverses parties prenantes n'ont pas la même analyse des derniers épisodes concernant la desserte de la Corse, et singulièrement de l'activité de la MCM (ex-Sncm). 
  • Il existe une opposition du procureur auprès du tribunal de commerce de Marseille (et d'autres acteurs) à l'égard de la "reprise" de MCM par le consortium Corsica Maritima, solution perçue en Corse comme un compromis de nature à mettre fin à une concurrence destructrice et conflictuelle. Pour le procureur,  qu'un repreneur évincé revienne par la fenêtre  pose problème.  La CGT de son côté y est également totalement opposée, présentant même une éventuelle majorité territoriale dans le capital dans une toute aussi éventuelle compagnie régionale comme "de peu de poids". Beaucoup voient là, une défiance à l'égard des élus corses, et plus généralement d'une reprise en main par la Corse de ses intérêts maritimes. Mais pour l'heure c'est pour une question de forme que le tribunal a rejeté la requête de Rocca. Il faudra donc attendre le prochain épisode.. une fois encore. Reste à savoir,  sur quels critères le Tribunal aura à intervenir et sur quelle base. 
  • La question des navires, évoquée par la collectivité territoriale, est posée. Le jugement du tribunal de commerce exposait clairement que Patrick Rocca n'avait pas pris position sur la qualification des bateaux au regard de la DSP, (biens de retour ou pas) navires qui, par ailleurs sont évalués grosso-modo à  une valeur proche de 220 millions €. Le tribunal avait alors indiqué que Patrick Rocca devait en faire "son affaire". Le flou était donc de rigueur "avant" ;  ce qui ouvre naturellement des portes...
  • Une contestation (Administrateurs, certains syndicats) de la possibilité même de la Corsica Linea de desservir Bastia depuis Marseille est apparue. Ce point est intéressant dans la mesure où le consortium Corsica Maritima n'a jamais fait mystère de sa volonté de mettre en place un ligne hors DSP. En outre, cette hypothèse figure explicitement dans la description des offres faite par le jugement du Tribunal de Commerce de Marseille ("CM holding affirme par ailleurs être en mesure de créer une compagnie de navigation, sans l'aide d'une éventuelle DSP, dans le cas où son offre ne serait pas retenue" - jugement page 36 -). Il est donc étonnant qu'on s'en soit étonné, le tribunal soulignant d'ailleurs à l'époque qu'il s'agissait d'une sorte de chantage. Chacun savait en effet, à commencer par les administrateurs, le tribunal et les autres candidats repreneurs, et le jugement le rappelle, que le Consortium regroupait (et regroupe toujours) de gros clients, et donc une partie  majoritaire  du fret entre continent et Corse.  Ne pas en tenir compte peut être considéré comme curieux. Tout aussi curieux est le fait  que le tribunal doutait de la capacité du consortium à créer une telle compagnie "ex-nihilo", et reprochait à CM holding de ne pas avoir un management proche du terrain. Mélange d'erreurs de jugement,  de naïveté et de cafouillage, analyse économique sommaire... tout y était donc.
  • La question du caractère effectif ou non de la discontinuité n'est pas réglée. L'exécutif l'a à nouveau rappelé le 25 février devant l'Assemblée territoriale, bien que l'ancien président de l'exécutif livre une analyse plus optimiste. L'enjeu est de taille pour la MCM, mais aussi pour une éventuelle compagnie régionale si d'aventure elle était contestée. Un enjeu - aux dernières nouvelles -  de  250 millions d'Euros pour la partie "corse" de l'affaire.
Le terrain juridique est complexe, et il est certain que les juristes s'y débattront. 
Pour autant les données économiques,  politiques aussi bien que sociales doivent être prises en compte. La question politique devant être, à mon sens, de savoir comment éviter que la Corse subisse par trop un déséquilibre tiré de ces rapports de force et de la "feuilletonisation" de la desserte maritime de la Corse. S'en prémunir sera essentiel dans le cadre du choix ou non en faveur d'une compagnie régionale, et des OSP/DSP. Espérons que les clarifications à venir et les juristes dégagent l'horizon de procédures sans fin, qui remettent sans cesse la CTC devant ses responsabilités par justice interposée. C'est en ce sens que J.F. #Acquaviva entend "sécuriser" le système de desserte maritime de la Corse, jouer l'apaisement, et donner des gages de la "discontinuité" d'avec l'ex-sncm.
Et il n'est pas certain que tout le monde le souhaite.


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