Décret du 7 avril – #Détachement #transport routier – un texte totalement irréfléchi ?

Décret du 7 avril – Détachement transport routier – un texte totalement irréfléchi ?

Le décret du 7 avril 2016 pris par la France, comme le souligne la Commission Européenne, “établit des exigences strictes du point de vue administratif et de l’application, notamment l'obligation de disposer d'un représentant sur le territoire français, chargé de conserver les documents relatifs à la période de travail et les bulletins de paie du travailleur détaché à des fins de contrôle, pendant une période de 18 mois après la dernière période de détachement ».
Ces exigences s’appliquent donc au cabotage comme aux transports  internationaux  avec la France.
L’argument de la Commission est simple : cela  “ crée des obstacles administratifs disproportionnés au bon fonctionnement du marché intérieur.”
> On peut être tout d’abord frappé par  l’inégalité de traitement supplémentaire créée par ce texte, puisqu’un sous-traitant travailleur indépendant se trouve naturellement exonéré de toute contrainte de ce type, ce qui, tout naturellement poussera à l’augmentation de la part prise par ce qu’on appelle faussement l’artisanat.  Autrement dit va objectivement  pousser ainsi non vers une harmonisation sociale, mais un vrai pur et dur moins disant social.
Mais passons, restons sur la bonne intention du texte. Passons aussi sur le contrôle.
> Appliquer le SMIC en France aux étrangers serait une bonne nouvelle mais semble bien surréaliste (il ne s'agit pas d'un Smic Européen), comme si on imposait aux jeans importés de Pologne d’être produits avec des Smicards "à la française". Il saute aux yeux que nous sortons alors du marché unique, mais une fois encore passons.  
> On peut aussi s’interroger sur la volonté d’une part de promouvoir “l’inversion des normes” (Loi Travail), ce qui privilégie l’accord d’entreprise,  et celle, de l’autre, d’imposer à des travailleurs employés par une firme étrangère des règles nationales générales ! Mais encore une fois passons sur cette contradiction évidente.
> Le texte semble se polariser sur le “taux de salaire horaire brut”.  Ainsi tout tournerait autour du “prix horaire” du travail. Sauf que la façon de rémunérer un conducteur routier n’est pas précisément homogène en Europe, et que la façon de mesurer en pratique le temps (de travail, de service, de liaison, à disposition, etc.. ? ) non plus.  Le temps de travail, dont  la définition juridique est hétérogène (loi, règlement, conventions, accords d’entreprises, contrats individuels) est tout sauf un étalon universel. Ainsi donc on veut appliquer un taux horaire (le nôtre) à des quantités dont on sait  quelles varient d’un pays, d’une région, voire d’une entreprise ou un salarié à l’autre, et selon l’opération concrète de transport en cause (sinon à quoi bon des textes complexes !). 
Et bien évidemment c’est sans compter les subtilités – éventuelles – de rémunération des heures supplémentaires, de prise en compte des congés (et naturellement des “compensateurs”), voire de forfaits dans certains pays.. Autrement dit la réglementation ne peut pas s’appliquer par tranche selon le temps passé dans chaque pays, puisque les temps réels s’additionnent de manière hétérogène, et que les conditions (légales, conventionnelles ou particulières) de rémunération dépendant de l’activité globale. Le texte donc, simple et bien intentionné devient un casse tête pour son application et est bien entendu incontrôlable et potentiellement source de contestations infinies.
> Ainsi, on ne sait pas vraiment de quoi on parle, mais on sait parfaitement ce que devront embarquer en cabine les transporteurs.
Ce qui ne fait que renforcer le sentiment d’une mesure strictement discriminatoire.

Alors faire l’étonné, voire l’offusqué, devant la réaction de la Commission et de certains Etats membres, est à son tour bien étonnant.

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