#Corse Compagnie Maritime Régionale : Mon interview dans In Corsica
"In Corsica" (juillet 2016) m'a interrogé sur le projet de Compagnie Maritime Corse.
Voici le texte original de mon interview :
"
Voici le texte original de mon interview :
Interview :
"Les nouveaux
décideurs de la Corse oeuvrent à la création d'une compagnie régionale
maritime. Est-ce réaliste ? Dans un marché fortement concurrentiel, le public
a-t-il sa place ?
Il n’y a pas de contradiction entre marché concurrentiel et
secteur public. On le constate tous les jours dans de nombreux secteurs comme
les transports, l’énergie, l’audio-visuel, les jeux, ou encore l’aéronautique. En France il y a autour de 1600 entreprises contrôlées
par l’Etat. Il appartient aux élus territoriaux, locaux, nationaux, de savoir
s’ils souhaitent ou non avoir la maîtrise d’entreprises pour mettre en œuvre
leur politique. Au sein de l’UE, la seule contrainte est en gros de ne pas
fausser la concurrence.
Je ne parlerai pas de réalisme mais de cohérence. Tout le monde sait ou devine les raisons de
ce choix. Reste désormais à savoir pour quoi faire, pour mettre en œuvre quelle
stratégie, et en quoi cela est bénéfique à la Corse et aux corses. Ensuite se posera la question du
« réalisme », c’est à dire de la viabilité du projet.
A ce stade on ne peut
pas en dire beaucoup plus.
Avantages et risques
majeurs d’une régionalisation ?
La gestion de la desserte maritime de la Corse par
Paris - on pourrait remonter au service
des navires maritimes postaux de jadis – a souvent posé des problèmes aux
corses et généré du mécontentement. Il est donc légitime de vouloir décider en
Corse de ce qui concerne au premier chef la Corse.
Désormais c’est l’organisateur de transport qu’est la CTC qui décide du contenu du service public et qui
peut éventuellement en financer le surcoût. Au fond c’est aujourd’hui la question
centrale : quel service public,
comment et à quel coût ?
Que la CTC aille au delà en se dotant d’une compagnie est un
choix qui lui revient. Les précédents épisodes de la gestion du service public
maritime – publique puis faussement privée
- ont été coûteux pour la collectivité, totalement instables, conflictuels et
parfois, fort contestables si j’en crois
les jugements divers, les condamnations, et le Rapport de la commission
d’enquête parlementaire (Assemblée Nationale) sur la privatisation de la SNCM.
Peut-on faire pire et plus cher ?
C’est je crois cette histoire parfois douloureuse qui
justifie la volonté de corsiser la gestion des intérêts maritimes de la Corse,
et celle des élus de se doter d’un outil public. C’est aussi le moyen de
constuire une alliance autour d’un symbole politique.
Ceci dit, le premier enjeu c’est de savoir qui on retrouvera
dans ce projet parmi les acteurs publics et privés, et quelle sera la matérialité sociale de la future
compagnie d’exploitation. En gros, qui comment et avec qui ?
Après, je le répète, l’important c’est ce qu’on en fait,
c’est à dire de définir la mission et la
stratégie de la compagnie, et l’articulation éventuelle entre l’outil sous
maîtrise publique et la gestion du service public. C’est d’ailleurs l’un des
points qui sera examiné à la loupe, singulièrement à Bruxelles et par les
autres compagnies. Les débats à venir et les prises de position des acteurs - y compris sociaux - devront nous éclairer
sur ces sujets.
En Europe, ou
ailleurs, y a-t-il des exemples de compagnies maritimes régionales qui donnent
de bons résultats. En Sardaigne, me semble-t-il, l’expérience s’est soldée par
échec
La plus ou (souvent) moins bonne gestion, par les Etats et
leurs entreprises publiques, de la transition entre un système cadenacé de
cabotage insulaire et l’ouverture du marché, s’est traduite par des
privatisations et parfois une hausse des subventions. On a eu, parfois, en réaction, la création, de compagnies sous l’égide de
régions comme en Sardaigne ou en Ecosse. L’échec – la liquidation - de la
Saremar sarde - installée sur des
marchés marginaux - est-il une conséquence de sa « régionalisation »
en 2009 ? Pas à mon sens. C’est, la
conséquence de la condamnation par la
Commission Européenne des aides « illégales » apportées à Saremar par
la région autonome. Un motif finalement comparable à celui qui poussa SNCM au
règlement judiciaire, et qui n’a rien à voir avec la propriété publique ou
privée de la compagnie.
En revanche, il
semble que la Caledonian MacBrayne – qui
exploite autour de 29 navires sur la côté ouest écossaise - , et qui est possédée
depuis 2006 par le gouvernement ecossais, soit plutôt en bonne santé, mais
dispose d’une situation quasi monopoliste et de fortes subventions publiques.
Quatre compagnies
assurent déjà le trafic entre la Corse et le continent (France et Italie) - la
compagnie régionale pourrait d'ailleurs s’appuyer sur l’une d’elles, mais quoi
qu’il en soit n’est-ce pas une de trop ?
On ne sait pas encore de quoi sera faite cette éventuelle
compagnie publique. Il est donc prématuré du parler d’une augmentation du
nombre d’opérateurs. Et c’est l’économie de chaque compagnie qui importe. Moby Lines, Corsica Linea et Corsica Ferries
sont diversifiées, et sur des marchés sensiblement différents.
Il est vrai que le marché des ferries se concentre en
méditerranée, mais au sein d’un marché plus large, plus ouvert et largement concurrentiel, au sein duquel des lignes de service public
existent. C’est dans ce contexte que se positionnera, bien ou mal, la compagnie
publique si elle voit le jour de manière distincte des compagnies existantes
(ce que je ne sais pas) Ce qui importe c’est la stratégie, les choix techniques
et commerciaux et le fonds de commerce de la future entité, et la nature des
marchés sur lesquels elle se positionnera. Sa viabilité économique en
découlera."
P.S.