#Détachement #Transport_routier International en #France : Juste avant le gong, mais je n’y crois toujours pas
Transport
routier International en France : Juste avant le gong, mais je n’y
crois toujours pas.
Juste avant le gong, c’est à dire au dernier moment, le
Ministère des Transports a publié les formulaires et les quelques explications
nécessaires à la mise en application des « nouvelles dispositions
relatives aux modalités d’application du droit du détachement des travailleurs
aux salariés roulants ou navigants des entreprises de transports
terrestres », qui viennent peupler
désormais le Code des Transports.
Ces « dispositions » ont cela de
particulier qu’elles ne reçoivent guère que le soutien de l’OTRE, les autres
organisations professionnelles de transporteurs, d’organisateurs de transport
et de chargeurs, y étant opposées.
On peut ainsi être surpris qu’un tel texte soit
non seulement publié, mais explicité au dernier moment et avec un soutien aussi
faible.
Dans un autre temps, celui du Conseil National des Transports, son
examen aurait fait l’objet non seulement d’une analyse juridique, économique et
pratique approfondie, mais aussi d’un débat, et d’un rapport public remis au
ministre des transports, adopté en Comission Permanente du Conseil.
La méthode avait l’avantage d’éviter de grosses
bêtises, et surtout de vérifier l’applicabilité du texte, de juger de son
efficacité, et d’évaluer les oppositions qu’il suggère. Plus encore il
permettait de l’amender, ce qui, semble, certes, moins à la mode, mais permet
de fabriquer du consensus.
Or il n’en a rien été. Au lieu de ça nous nous
retrouvons avec un texte constistant en pratique à soumettre tout transport
international intéressant la France, ou tout cabotage intérieur français,
réalisé par une entreprise employant des salariés à une double
obligation :
- répondre aux critères d'application du droit du détachement et
- se soumettre aux obligations déclaratives spécifiques au détachement dans les transports terrestres.
Les conséquences en
sont simples : il faut produire un certain nombre de documents
(attestations..) et appliquer les conditions de rémunération et de travail
françaises ou plus favorables.
En pratique, toute
entreprise réalisant un cabotage – même limité dans le temps à quelques heures
– ou un transport international intéressant la France de quelques kilomètres se
voit légalement obligée à cette nouvelle complication administrative, doublée de
celle d’appliquer le salaire minimum français et la réglementation du travail
française, ce qui, avouons le sera perçu comme surréaliste en zone frontalière.
Imaginons d’ailleurs une seconde que par esprit rebelle nos voisins fassent de
même !!!
Et puis, les choses
sont bien plus faciles à dire qu’à faire, et dans nombre de cas ne sert pas à
grand chose, les formes prises par le droit du travail, la réglementation des
temps d’activité et leur paiement étant variables en Europe, et, le prix d’une
heure isolée dépendant généralement de paramètres antérieurs (cas des heures
supplémentaires par exemple). Sans compter que nous ne définissons pas tous le
temps de travail de la même façon, ce qui rendra intéressant l’éventuelle
jurisprudence de demain.
Et bien entendu cela conduira à une dérive
dangereuse : l’augmentation de l’attractivité des entreprises
individuelles.
Ubérisons donc, se disent
sans doute les plus malins.
En fait, derrière ce
texte, il ne s’agit pas de s’attaquer aux belges ou aux luxembrougeois, pas
plus qu’aux allemands ou aux italiens, par ailleurs désormais pénalisés par le
coût administratif des nouvelles obligations.
Il ne s’agit objectivement que de les gêner, mais sans intention de le
faire.
En effet, il s’agit surtout de viser les PECO, coupables d’avoir un
niveau de vie inférieur aux Européens de l’ouest. Quelle vertu !
Découverte extraordinaire alors que nos entreprises y ont joyeusement
délocalisé leur production industrielle depuis des années. Et réaction singulière : comment peut-on
limiter ainsi la liberté de prestation de service, tout en laissant libre court
à la circulation des biens ? La lecture des traités européens par la
France se trouve ainsi particulière. N’ayant plus guère de place sur le marché
routier international, elle n’a effectivement pas à perdre grand chose face aux mesures de rétorsion éventuelles, d’ailleurs improbables (eh oui !). On se demande d’ailleurs pourquoi donc continuer à limiter
la durée et le nombre d’opérations de cabotage, dès lors que nos entreprises
seraient ainsi protégées !! Est cohérent qui peut !
C’est qu’en fait ce
texte, bien entendu difficilement applicable et contrôlable, mais surtout contestable,
et déjà suspect d’être discriminatoire aux yeux des règles du marché unique,
n’a pas d’autre fonction que de faire plaisir.
Qu’importe. Comme en
matière de aide d’Etat abusives, l’Etat prend des positions qu’il sait
indéfendables, avec le seul objectif d’envoyer un message qu’il croit
positif. Et qu’importe si on passe à
côté des vraies mesures à promouvoir, et aux vrais progrès européens à engager.
Qu’importe, ce sera encore une fois de la faute de l’Europe et des autres si –
à la fin – rien ne change vraiment, enfin, positivement, et que la France est condamnée.