#France #Plan d'action #Fret #Ferroviaire : Un peu triste !

Depuis 2013 la France organise régulièrement une « conférence ministérielle périodique pour la relance du fret ferroviaire ». On sait tous que, sur un marché des transports intérieurs en souffrance (-1,3% entre 2010 et 2015), le rail ne parvient guère à relever la tête.

Evolution des transports intérieurs terrestres et part modale routière 
(Source : Comptes transports de la Nation pour 2015 - Soes, 2016) 
  

Mais une politique demande naturellement du temps à produire ses effets. 
Or que propose-t-on, en 2016, trois ans donc après la première conférence ? 
  • Sur la question de la gestion du réseau, on peut s’étonner de ce que, sur les grands principes, l’Etat ne réponde pas véritablement au souhait de l’#ARAFER, et  se contente de souhaiter la clarification des tarifs sans en décliner les principes. Mais on s’étonnera surtout que la réflexion sur la gestion du réseau ne conduise pas à revisiter les principes de tarification comme ceux qui président à la marche des trains. Signe des temps, la seule nouvelle concrète concerne le versement de la subvention de l’Etat.
  • Sur la question de l’irrigation du territoire par les lignes dites capillaires, on sent ici aussi que les avancées tournent autour de la mobilisation de (faibles) ressources publiques, et la « publication » d’une étude AUTF. Drôle d’annonce en vérité que de considérer comme élément d’un plan d’action la mise en ligne d’une étude. Or de quoi s’agit-il ? D’une étude sur le Wagon isolé (200 à 250 000 mouvements/an contre 1000 000 il y à 15 ans). L’étude n’est pas sans intérêt par ce qu’elle révèle « en creux ». Ainsi elle indique que « Des auditions de certains chargeurs ont permis de préciser qu’en termes de coût global, le wagon isolé se révélait actuellement plus compétitif que la route (…) ». Certes, mais le coût considéré n’est pas un coût complet, mais uniquement la somme des prix payés (transport en particulier) et des coûts internes aux chargeurs. La conclusion est en elle même essentiellement un voeu, les auteurs indiquant  : « l’offre actuellement fragile doit être consolidée par la mise en œuvre d’une série de leviers permettant d’une part de gagner en productivité et d’autre part de positionner les services de wagons isolés dans une réelle trajectoire de développement. ». L’économie du système, essentielle, est non traitée, la productivité étant majoritairement attendue de la coopération des acteurs.
  • Un point majeur du plan d’action concerne l’intermodal. Un secteur qui est, on le sait, largement en souffrance en France depuis plusieurs années, précisément depuis l’annonce d’objectifs irréalistes dans les années 2000. 

Évolution du transport ferroviaire conventionnel et combiné 
(en milliards de tonnes.km source : Comptes transports de la Nation pour 2015 - Soes, 2016)


Or, que propose-t-on ?  Outre la poursuite du soutien financier au combiné (qui a été pour le moins chaotique dans le passé récent), le développement du « réseau d’autoroutes ferroviaires ». Un curieux pari avec l’ouverture d’un service Calais-Turin (dont on connait les difficultés techniques et le faible trafic potentiel), la pérennisation de l’autoroute ferroviaire alpine (qui a été fort mise à mal ces dernières années), et la relance de la perspective d’un service sur l’axe atlantique (qui a rencontré de sérieuses objections dans le passé). 
Un tel programme est étonnant à vrai dire, puisqu’il repose en résumé sur la promotion du système le plus cher et le moins productif, et dont les perspectives de captation de parts de marché routières sont les plus faibles. Au surplus, il est extrêmement difficile d’imaginer la rentabilisation de ces services a fortiori en cas d’augmentation des péages ferroviaires. 

  • Sur le plan de la recherche et de l’innovation, force est de constater que l’imagination n’est pas non plus très importante. On retrouve la mise en oeuvre des trains longs, et l’aide de l’Etat à la « réduction du bruit ferroviaire ». Rien d’autre hélas !

Alors ? Un plan de plus, sans doute, pour maintenir des logiques anciennes, largement inefficaces par rapport aux objectifs affichés. On s’interroge à vrai dire sur ce qui peu véritablement relancer le fret ferroviaire avec un tel plan d’action, mélange d’évidences (pré-réservation de sillons sur les grands ports par exemple), ou de fausses innovations (l’autoroute ferroviaire qui rêverait d’avoir le débit et la capacité d’une autoroute). Dommage. 

P.S. 

Notes :  
Voir « Étude thématique La mise en œuvre de la réforme ferroviaire : état des lieux du régulateur », Arafer, octobre 2016
Voir aussi  l'étude  « Wagons isolés », AUTF septembre 2016




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