#Transport et concurrence déloyale

Transport et concurrence déloyale.

Les transporteurs routiers dénoncent – dans une proportion sans doute significative – la concurrence déloyale qui leur serait faite à la fois par les pavillons des nouveaux entrants dans l’UE, et des « tricheurs », habillant juridiquement du cabotage légal des entreprises clairement fictivement installées dans des PECO.

Concurrence et distorsions
Cette dénonciation, vise donc à la fois, et pour cause, l’inégalité des  conditions de concurrence et des pratiques clairement frauduleuses. Un discours que l’on retrouve dans l’histoire, porté aussi bien par les routiers entre eux (jadis autour de la fraude à la Tarification, le tractionnariat, les affrètements en cascade etc..) les routiers contre leurs concurrents étrangers (ce fut un temps, par exemple les espagnols, vrais ou faux), mais aussi les cheminots contre les routiers, les bateliers contre les cheminots etc. tout comme la Sncm contre Corsica Ferries.

Ce qui est en cause relève en fait de deux mécanismes différents :
• La non acceptation de la concurrence au moment (ou juste avant) une libéralisation. Critique fondée par un attachement aux protections (rentes), et un réel désordre attendu ou constaté,  tenant d’ailleurs parfois à des différences de pratiques ou de règles survivant à la libéralisation du marché.
• L’existence  (ou le maintien) de distorsions de concurrence réelles tenant aussi bien aux niveaux de vie (de salaire, de protection sociale, etc..), à l’organisation du travail, et aux prélèvements sociaux ou fiscaux.

Dilution
L’histoire du transport routier européen est à cet égard révélatrice. Tant que le marché commun a boudé le secteur, et que la carence de la politique des transports n’a pas été condamnée, tant que le marché unique n’a pas été institué, chacun vivait caché derrière des règles protectionnistes, parfois malthusiennes, et sur un marché partiellement protégé. Finalement il y avait le marché intérieur – qui était d’ailleurs lui aussi marqué par des concurrences déloyales – et l’extérieur. L’un se gérait en interne, et l’autre, longtemps de manière bilatérale.  Bien entendu on n’est pas passé d’un seul coup de 1949 à 1993, et encore moins à 2007. Ca a freiné, couiné, protesté, mais aussi, pour certains, anticipé.
Bref, pour ne retenir que la période la plus récente, quand en au début des années 1990 on planchait sur 1993, on craignait les espagnols, un peu les portugais (l’un et l’autre rentrés dans l’UE en 1986), on savait les néerlandais dynamiques, et on devisait sur le thème de la libéralisation du marché et l’harmonisation fiscale et sociale. En gros, force était de constater (c’était ce qui fut fait au Conseil National des Transports (depuis disparu !) que la libéralisation se ferait, et que l’harmonisation aurait bien peu de chances de se faire préalablement.
Le temps était celui du marché unique et de l’élargissement. L’un devant produire un processus de convergence des économies, processus déjà relevé auparavant.
Une telle période place la question de l’harmonisation définitivement au second plan, ne serait-ce que parce que certains s’y opposent par principe, et que les nouveaux entrants à venir (2004 et 2007) identifient là un frein évident à leur future convergence.
Qu’il s’agisse du transport international (essentiel et majeur) ou des marchés intérieurs (cabotage légal ou illégal), les marchés vont être doublement déstabilisés. Les courants d’échange se modifient (au profit de l’est), les groupes de transports occidentaux s’y installent, le transport routier des nouveaux entrants prend un place croissante favorisée par des conditions économiques fiscales et sociales favorables.
Quelques efforts réglementaires, parfois protectionnistes (cabotage), quelques directives (travailleurs mobiles), sans grand effet par rapport à celui d’un règlement européen, ne peuvent modifier l’évidence : le marché des transports routiers tend naturellement à s’unifier, mais les distorsions fiscales, sociales, et de niveau de vie n’ont pas disparu. Et bien entendu la crise, les tentations de repli national, et la montée des courants souverainistes achève de renforcer les contradictions : au lieu de prôner besoin d’avancées communes – et éventuellement organisées selon plusieurs cercles -, on tente de créer des digues nationales, des contrôles, des règles parfois illusoires.

Repli et illusions
Le constat  étant peu encourageant, la critique politique est aisé. Mais il faut aussi avoir le courage de critiquer la succession de mesures illusoires tendant à répondre à cette situation. C’est d’ailleurs cette dérive qui pose problème. Confrontés à l’absence d’harmonisation nés principalement de l’élargissement de l’UE, les pays du noyau initial européen cherchent à se protéger, plus ou moins, selon leur culture politique et leur capacité compétitive. Au lieu de s’engager dans la re-construction d’une Europe renforcée, sans doute moins large pour raison d’incompatibilité politique provisoire (UK, et sans doute d’autres).
Mais ne nous berçons pas d’illusions. Toutes les situations ne peuvent être égales, identiques partout. Les disparités de revenu par tête, y compris en partie de pouvoir d’achat, ne concernent pas que les pays, mais au-delà les régions, les communautés, les quartiers. Un marché n’est jamais homogène, les fiscalités toutes égales, les pratiques sociales identiques. L’efficacité du marché est, justement, de pouvoir en favoriser la convergence. Au lieu de ça on protège, on fait des murs, et on pratique la concurrence fiscale…  on rend les choses plus difficiles.
Enfin, pas pour tout. Les banques le savent bien, tout comme les industries. Qui en effet s’en préoccupe ? On proteste désormais plus sur l’optimisation fiscale que sur les délocalisations. Et le « plombier » devenu transporteur polonais choque plus que l’optimisation fiscale à grande échelle !



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