#UE #Conseil des Ministres des Transports : Populisme ou construction européenne ?

Le Conseil des Ministres des transports de l'Union Européenne devrait avoir à traiter de l'épineuse question de la concurrence entre pavillons, et singulièrement de celle du cabotage. 

En cause, finalement, deux ou trois choses. 

  • La première est ce qu'on pourrait appeler le dévoiement des règles européennes, où des entreprises de transport routier "moins chères", essentiellement des PECO, viennent "camper" chez des voisins plus riches pour écrémer leur transport intérieur.  
  • La seconde découle de la première. Cela consiste en l'utilisation disons industrielle, systématique, de ces différences entre pavillons, pour organiser de manière structurelle un cabotage massif, consistant en fait à produire du transport intérieur au moyen de filiales et de personnels non résidents. 
  • La dernière consiste à édicter des règles soumettant toute entreprises non résidentes faisant du transport sur le sol national, à appliquer non seulement les règles locales, mais aussi à verser le salaire correspondant aux  pratiques (Smic éventuel) du pays dans lequel on se livre à une opération de transport. 

 La cruelle réalité


En réalité se masquent derrière tout ça une évidence : les écarts de niveaux de vie, de salaire, de revenu, de couverture sociale et de charges (fiscales et sociales) demeurent importants entre pays de l'UE, la convergence n'ayant pas, c'est le moins qu'on puisse dire, joué assez vite pour rendre ces écarts secondaires.  
Et de fait, non seulement ils ont produit une baisse de la part de nos échanges extérieurs assurés par nos propres transporteurs  (ou ceux de nos voisins immédiats) au profit des pavillons à bas coût, mais ils déséquilibrent dès lors le marché intérieur.  
Bien entendu, l'ampleur du phénomène est d'autant plus important que notre niveau général de transport non seulement stagne, mais baisse depuis une dizaine d'années. L'ensemble des transports terrestres est, en France, à peu près au même niveau qu'en 1998, et subit un recul marqué depuis la crise de 2008. Mais dans le même temps, le transport routier français dans le transport international routier entre la France et l'Europe a été divisé par trois.  En part de marché en Europe, le pavillon national passe d'à pu près 12 % en 2004 à moins de 9% en 2015. 


Patate chaude


Que tout ceci émeuve et pousse les uns à en profiter (pour ne pas perdre les marges quitte à délocaliser les emplois), et les autres à tout faire pour l'empêcher est dans l'ordre des choses. Et du coup les gouvernements Européens se retrouvent avec une étonnante patate chaude, et d'autant plus chaude que tout ceci n'a rien de nouveau (donc ça énerve).

En effet, lorsque les firmes automobiles ou textiles, ont délocalisé une partie de leur production à l'est, elle ont "profité" de disparités connues de tous. Tel ou tel produit manufacturé, arborant une étiquette de marque connue, éventuellement française, peut être fabriqué n'importe où en Europe, et plus personne n'y prend garde.  Il trône indistinctement dans nos rayonnages, de même d'ailleurs que ceux fabriqués hors Europe.  C'est que nous avons fait le choix raisonnable à mes yeux, de préférer le libre échange, à commencer par celui, total,  du marché européen, au protectionnisme dont l'histoire nous a montré les conséquences catastrophiques. L'a-t-on bien accompagné. Non bien sûr. 

Alors, le transport aurait-il une spécificité telle qu'il faille s'en soucier plus ? 
Difficile à plaider, et on le sait tous. 
Pour autant, ne peut-on rien faire. Bien sûr que si. 
Et d'abord en traitant convenablement les questions aujourd'hui largement absentes des traités européens : à savoir l'harmonisation fiscale et sociale (d'ailleurs très partiellement traitée pour les transports à travers des textes spécifiques sur les accises, ou les normes applicables aux conditions de conduite). 


Refaire de la politique ? 

Mais c'est aussi le moment, peut-être d'arrêter de faire croire que des mesures de protection vont être efficaces. Dans un espace où l'on ne mesure ni ne compte pas de manière homogène le temps de travail, que signifie l'application du salaire minimum du pays d'accueil ? Et pourquoi donc ne pas voir que de tout temps, le travail non salarié a permis de contourner l'éventuel renforcement de règles applicables aux salariés. 
Certains pays ont fait même de ce modèle "dual", un principe de fonctionnement. Il a alimenté la croissance du secteur français il y a quelques décennies, comme ce fut le cas en Espagne, en Italie et naturellement plus tard dans les PECO. 
Alors on aura le choix entre des postures populaires - je n'ose dire populistes - entretenant l'illusion de solutions, un peu à l'instar de ce que préconise l'union des pays riches de l'Union,  et un travail acharné et pragmatique d'une part sur l'harmonisation sociale et fiscale, et de l'autre sur les règles applicables à tous relatives aux conditions de travail salarié et non salarié des roulants. Bref, refaire de la politique à la place de l'incantation.
La voie actuelle débouche en effet sur une autre perspective qui consiste à dire en fait à nos partenaires des PECO : "Excusez-nous, on s'est trompés. Le marché unique ça n'est pas encore pour vous, vous êtes trop pauvres."  Sauf que nous tenons le propos inverse quand ça nous arrange, à l'instar des industriels allemands ou français.   Il reste donc à trouver des avancées pratiques, non illusoires et consensuelles. Autant dire réinventer la pratique du consensus alimenté par l'idéal européen. Dur. 

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