Après #Irma, réflechir sur les modèles de développement ?
Après Irma, réflechir sur les modèles de développement ?
Après le drame provoqué par Irma, c’est l’heure des comptes,
des analyses, et des projets. Et bien sûr des critiques relatives au secours et
aux mesures préventives. Si tout ceci est bien entendu important, le regard
froid de l’observateur conduit à des interrogations plus générales. Je veux
parler du modèle économique des micro-îles et de l’organisation institutionnel
qui prévaut dans le système insulaire caribéen.
Les chiffres, de qualité variable et un peu épars, mettent
en évidence des économies extrêmement fragiles et dépendantes. Saint Martin,
par exemple, qui avait connu une croissance démographique soutenue en raison
d’une immigration massive (la population avait quintuplé entre 1982 et 2008)
perd désormais des habitants, et développe un chômage de masse de 33% (29 % en
Guadeloupe), contre 9% sur la partie néerlandaise de Sint Maarten. Ce chômage
est par ailleurs fortement saisonnier.
Ces disparités – alors que les deux parties d’une île de
petite taille (1/2 du territoire de Sartène en Corse) relèvent de systèmes
réglementaires et fiscaux différents – découlent largement de l’orientation
différentes des deux économies au sein d’une même micro-île, utilisant par
ailleurs régulièrement trois monnaies (aux cours fluctuants). Ainsi, comme le
souligne l’Insee une spécialisation s’est opérée sur la base des
disparités sociales et fiscales, et s’est renforcée par l’entremise de facteurs
géographiques (comme la présence d’un
port en eau profonde à Sint Maarten). Au total, compte tenu de la présence de 2
ports et 2 aéroports sur l’île, la
partie française accueille moins de 5 % des visiteurs arrivant sur l’île. L’aéroport français traite 217000 passagers
contre 1,8 million pour le néerlandais.
Mais ces différences se retrouvent aussi entre les deux îles
françaises. Saint Barthélémy n’a pas les mêmes normes fiscales et douanières
que Saint Martin, ni d’ailleurs la même situation économique. Ainsi, encore
plus petite, l’île de Saint Barthélémy est un Pays et Territoire d'Outre-mer
(PTOM), et bénéficie à ce titre de la compétence douanière. Grâce au tourisme
haut de gamme, l’île dégage ainsi un PIB par tête élevé – supérieur à la
moyenne de la métropole – et connaît un très bas taux de chômage (inférieur à
5%).
Mais ces îles – dont l’économie est comme on dit maintenant
essentiellement présentielle – sont très fortement dépendantes de l’extérieur,
le tourisme, le développement immobilier, et les activités financières (Saint
Maarten) constituant le principal moteur économique, et se traduisant en retour
par des niveaux considérables d’importations, les activités traditionnelles de
subsistance ayant pratiquement disparu.
Ainsi, les disparités économiques et géographiques semblent
bien être exacerbées par des politiques autonomes de concurrence fiscale et
sociale entre îles, faisant ou non partie d’un même sous-ensemble national ou
européen. Si les paradis fiscaux sont
nombreux dans les caraïbes, la pauvreté et la précarité n’en sont pas absentes,
et les tentatives de coordination ou d’institution de marchés commun ont toutes
échoué. De ce point de vue, la gestion
et la communication autour de la crise créée par Irma sont symboliques.
Saura-t-on en tirer des leçons ?