#Politique des Transports : Reconstruire de la rationalité
Un sentiment d’impuissance. C’est probablement ce que
doivent ressentir ceux qui sont chargés de la politique des transports. Même si les politiques sont désormais
habitués à comprendre que l’effet de leurs décisions ne risque guère de se
mesurer significativement, ou frt peu,
au cours de leur mandat, ils peinent à percevoir s’ils agissent ou non
sur le cours des choses. Sont-ils
seulement certains d’avoir pris les bonnes décisions ?
Sans doute pensez-vous que j’exagère. Mais il suffit de se
pencher sur l’histoire récente des politiques de transport pour être frappés
d’une évidence : il n’y a pratiquement aucun lien entre les objectifs
affichés et les moyens mis en œuvre, quand bien même les moyens en question
sont déployés avec un minimum de continuité. En revanche, les grandes
orientations se heurtent toujours à une grande inertie.
Pendant la compagne électorale de 2012 j’expliquais dans une
série d’articles publiés par « Transport Info Hebdo », comment, de
mon point de vue les politiques des transports étaient devenues
impossibles :
- 1. Les transports sont un univers complexe se pliant peu aux idées simples ;
- 2. Les politiques de transport se déclinent de manière très technique tout en mobilisant– des moyens financiers considérables, mais largement incontrôlables par le ministre chargé des transports ;
- 3. La démocratie devenue « d’opinion » privilégie une sorte de rationalité émotionnelle par rapport à la rationalité objective, voire subjective, d’antan ;
J’oubliais dans cette formulation un élément essentiel, on
peut parfaitement survivre en prononçant des incantations, et sans jamais
décliner de manière concrètes les moyens concrets (investissements, régulation,
fiscalité etc.) permettant de mettre en œuvre les orientations choisies.
En présentant les choses de manière plus cynique, je dirais
que la démocratie d’opinion, tant qu’elle a confiance en ses élus (ce qui est
de moins en moins vrai), se contente de croire aux objectifs assignés, ce qui
permet de faire l’économie de les mettre en œuvre. Là encore, vous pouvez penser que j’exagère.
Mais comment expliquer alors que plusieurs objectifs réitérés en faveur par
exemple de ce fourre-tout du report modal (vers les modes plus verts), ne se
sont jamais traduits par un programme d’action en bonne et due forme.
La recherche de la cohérence dans les politiques publiques
devrait être un élément majeur. Et, tout comme l’évaluation pluraliste et
contradictoire des projets, apporter un minimum de garanties. Au lieu de ça on
fonctionne à l’envers. On tient un discours, on mêne des projets, sans rapport
réel direct avec la réflexion stratégique, et on explique a posteriori
« qu’ils contribuent » aux objectifs poursuivis. Ainsi, Lyon-Turin et
Seine-Nord apporteraient leur pierre à la politique menée. Peut-être (ou
peut-être pas), mais dans le cadre de quelle stratégie ? Une politique rationnelle se doit de définir
une ou des stratégies possibles pour répondre aux objectifs poursuivis, tout en
s’assurant que la mise en œuvre de ces stratégies est efficace. Il ne s’agit pas tant de juger isolément d’un
projet, mais de mesurer sa contribution effective aux buts énoncés. Les questions fiscales, sociales ou celles
qui relèvent de la régulation devraient elles aussi être abordées sous cet angle. Il ne suffit pas de dire que telle décision
va dans le bon sens, mais de savoir si elle est efficace, etc. Autrement dit,
il faut non seulement une vision, ou quelques objectifs, mais, et c’est le rôle
des politiques, définir une stratégie à moyen terme, et décliner concrètement
les moyens efficaces de la mettre en œuvre.
C’est précisément ce double lien (objectifs-stratégie, et
stratégie-programmes-moyens) qui fait totalement défaut, et a fortiori n’est
pas ou plus un sujet de communication.