#Transports : La folie des grandeurs ou l’ivresse des grands projets

Les gouvernants, aiment à incarner de grands projets. Faute de desseins provoquant l’enthousiasme, ils proposent au peuple de  construire de grandes infrastructures permettant d’exalter ces « liens » caractéristiques des espaces économiques et sociaux. Nul hasard par exemple que cette relance par Hitler du Projet de canal Main-Danube consécutivement à l’Anschluss.
Parmi ces grands projets certains s’insèrent dans un projet plus global de réseau, mais d’autres – même pensés comme alimentant un maillage – sont plus symboliques en étant également plus onéreux. Ainsi par exemple le Tunnel sous la Manche (ou le lien fixe transmanche), dont l’histoire est fort longue, ou  les canaux Rhin-Rhône, Main-Danube, Seine-Nord ou encore la liaison ferroviaire Lyon-Turin.
Tous, réalisés ou non, ont pour caractéristique de créer un lien fixe entre deux bassins fluviaux, ou de franchir un obstacle naturel – mer ou montagne -.  Ils tirent d’ailleurs de cette spécificité une grande partie de ce qui fonde leur mythe, et leur donne l’avantage sur le tout-venant infrastructurel. Et c’est précisément ce qui en fait un objet idéologique mirifique, et partant, mobilise aussi bien l’intérêt des lobbies que l’imagination politique. Les discours deviennent alors excessifs. Le Canal Main-Danube était ainsi présenté comme le lien structurant entre la Mer du Nord et la Mer Noire, tout comme Rhin-Rhône devait relier la mer du Nord à la Méditerranée. C’est précisément là que les raisonnements économiques et géographiques s’effacent devant les incantations et l’imaginaire. Les allemands, en célébrant le 25ème anniversaire de l’ouverture du Main-Danube (inauguré le 25 septembre 1992) le constatent amèrement. Il n’y a pas grand chose à fêter, le canal ne supportant qu’un faible trafic entre l’ouest et l’est, entre Main et Danube. Autour de 4 millions de tonnes par an, là où certains en imaginaient 10 fois plus.  Non seulement le canal a coûté cher, provoqué des dommages écologiques, mais s’avère incapable de couvrir plus de 20 % de ses charges d’exploitation.
La réalisation tunnel sous la manche  a laissé apparaître de grossières erreurs de prévision, tout à la fois quant au coût de l’ouvrage (facteur 2 à 3), et au niveau des trafics (surestimés d’un facteur 4 à l’ouverture). On se souvient que l’entreprise Eurotunnel fût sauvée de la faillite par une renégociation de ses dettes,  et fût placée sous procédure de sauvegarde en 2006.
Tout ceci devrait, non pas nous pousser à ne plus rêver de grands projets, mais pousser à une analyse pluraliste et contradictoire de projets. Après tout laissons les politiques rêver de marquer l’avenir et donc l’histoire, mais faisons en sorte qu’ils le fassent en connaissance de cause au terme d’un éclairage des choix sérieux, et si leur choix devait être hasardeux qu’on en tire en amont les conséquences financières.


P.S.

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