Que faire de la #SNCF ?

"Que faire de la #SNCF ?"

C'est sous ce titre qu'il y a un an (mille excuses je n'avais pas vu le livre avant), que Pierre Messulam @PierreMessulam  et François Regniault, l'un cheminot et l'autre ancien cheminot, ont écrit un petit livre sur la SNCF. (Voir me livre sur le site de l'éditeur)
Que dire d'emblée ? 
Le bouquin est agréable à lire, un tantinet guilleret, et somme toute assez cheminot. Pas cheminot à l'ancienne, mais cheminot moderniste.  
On sent, comme le disent les auteurs, qu'ils "croient au train". Un vrai train de service public, convaincus qu'ils sont - comme certains de leurs ancêtres du XIXème et XXème siècles - que la spécificité du rail (son capital fixe à longue durée de vie) l'empêche à tout jamais de pouvoir payer son infrastructure. Il est vrai que le rail en devant assumer une dette astronomique et la nécessité de rénover et entretenir un réseau un peu trop délaissé supporte l'insupportable.
On sent aussi des cheminots convaincus d'une nécessité : ramener le rail sur son marché pertinent, et seulement lui : Mass transit, TGV, TER, fret lourd, et basta ! Et bien sûr en laissant la SNCF jouer la carte de la numérisation et en la lissant libre de vivre sa vie de grand groupe international. 
Tout ceci demande bien sûr un Etat intelligent (c'est pas toujours le cas), et surtout une politique de la mobilité cohérente (encore plus rare !).. 
Pour autant, par delà cette lecture mi-optimiste, mi-pessimiste de la réalité, j'ai noté quelques affirmations que je ne partage pas ou qui suscitent une remarque. 

  • La première est - comme depuis les années 1930, et même avant - celle que la route ne paie pas son infrastructure (ce qui n'est pas exact, pas toujours est plus juste)), source d'inégalité entre rail et route. Sauf que les auteurs expliquent tout au long de l'ouvrage que le rail non plus ne paie pas, ou du moins que les trains ne paient pas les péages couvrant les coûts. Ce que le document de référence de SNCF réseau rappelle d'ailleurs chaque année. 
  • Le seconde consiste à affirmer que l'infrastructure ferroviaire ne peut s'autofinancer. Le constat historique est qu'effectivement il n'y parvient pas souvent. Pour autant, on pourrait au moins s'interroger sur les conditions qui le permettraient. On peut en effet parfaitement démontrer le contraire.
  • La baisse - l'effondrement -du fret est, selon les auteurs la conséquence de la désindustrialisation, de la faillite de la politique portuaire, et des délocalisations.  Certes ! Pour autant cette période dite de dématérialisation de l'économie étaient parfaitement perçue et prévue... les prévisions que nous (à l'époque du SAEI ou de l'OEST) faisions étaient combattues par la SNCF qui n'y croyait pas - les débats au plan étaient intéressants - !  Je me souviens à la fois du blocage de la SNCF à l'égard du dégagement du gabarit (B et B1) sur les ports, tout comme de sa totale frilosité sur le marché du combiné (rapport Frybourg-Salini, en 1983).
  • Ce qui m'amène à une autre remarque. Oui notre politique portuaire n'a pas été géniale (je suis poli), oui la SNCF a pu jouer d'autres ports que les nôtres (je me souviens des premières lignes "tour du monde"), mais nous n'avons pas aménagé les dessertes ferroviaires (ou fluviales quand c'était crédible) de nos grands ports de manière efficace ni proposé de le faire.
  • La concurrence entre modes  et la pénurie de main d'oeuvre serait à l'origine de la crise du rail des années 30. OK, mais pourquoi oublier la crise économique, les conséquences de la guerre, et la tarification stupide - ad-valorem - du rail français, vite écrémé ?  
  • La prédominance de la planification dans le modèle ferroviaire est une réalité. Forte, y compris sociologiquement. Pour autant, cette réalité semble rendre la SNCF réfractaire au fort mouvement des "transports intelligents" et des ressources de la simulation et de l'optimisation en temps réel.  Un fait me frappe. Jamais dans ce livre je n'ai cru lire les lettres ERTMS, et encore moins ERTMS 3, même pour proposer mieux. La seule question est de savoir pourquoi ?
  • On sent bien dans le propos l'idée qu'il faut pouvoir fermer des lignes. On serait tenter de dire "oui", ou plus exactement "oui si". J'attendrais de ce discours une belle contrepartie : innovons pour le reste. Or ce qui est proposé est largement technologiquement figé. Peut-être par prudence stratégique (pour protéger un secret génial), plus sûrement parce que la SNCF ne sait plus trop le faire (ou n'ose pas... qui sait ?).  La vraie question est pourtant : "mais qu'est-ce qu'on peut faire d'intelligent du réseau ?". Une friche à jamais ? Des immeubles ? Pour le coup c'est effectivement stupide. 
  • On en arrive donc à ma dernière remarque. Cette idée de valorisation des "à-cotés" du rail. Boutiques, pub, services, immobilier...  Dans cette évidence se cachent aussi des vraies questions stratégiques. Les HLM construits au dessus de la petite ceinture à Paris sont une valorisation d'actif, certes, mais ne peut-on pas rêver d'une SNCF plus imaginative sur son coeur de métier (ce qui n'empêche pas les gares d'être des agora)  ?
Voilà donc quelques remarques sur un livre qui a le mérite de lever le voile sur une façon de penser. Pas assez précis, pas assez technique... certes, mais ça n'était pas son objet, qui est clairement politique. Exprimer la nécessité d'une vision politique et rappeler son coût. D'où son intérêt : il peut à tout le moins permettre un premier débat. 

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