La nouvelle #bataille-du-rail.. s'intéressera-t-on à celle qu'il faut mener ?

La presse ne parle plus que de "bataille du rail", redoutée, à venir, et objet de tous les fantasmes. 
Or s'il faut aujourd'hui se poser la question de la "bataille", c'est essentiellement sur un autre terrain : celui de l'avenir et de la stratégie de la SNCF. De bataille à mener. Mais saura-t-on le faire ?  

Et puisqu'on nous a adressé un diagnostic - un peu sommaire et discutable - il faut d'abord en retenir les ingrédients incontestables. 

  • 1. la Sncf se retrouve sur-endettée. Une situation qui met d'ailleurs l'Etat en face d'un dilemme : celui du degré admissible d'alourdissement de sa propre dette par celle contractée par procuration par SNCF-Réseau (et avant elle RFF) - la méthode de calcul actuelle permettant d'en diminuer l'incidence sur la dette publique au sens de Maastricht ; 
  • 2. la Sncf dispose d'un réseau qui - et c'est identifié depuis longtemps - est mal entretenu, trop lentement modernisé, et dont l'usage ne procure pas des recettes de péages suffisantes. Réseau qui par ailleurs a une valeur comptable totalement extravagante (qui peut croire à une "valeur" autour de 60 milliards € ?) ;
  • 3. la Sncf a du mal à répondre convenablement aux attentes des voyageurs, singulièrement pour le transport du quotidien, essentiellement peri-urbain ;
  • 4. la Sncf ne parvient pas à "reprendre" une part de marché significative du fret ;
  • 5. Enfin, on perçoit mal l'effectivité de la politique de groupe de la Sncf, spécialement dans le domaine du fret. Un problème de communication aussi.


Les réponses apportées ou suggérées à ces défis - pour l'instant - sont sommaires et symboliques. 
Faire des économies (lesquelles), restructurer une fois encore l'entreprise, vendre quelques filiales rentables, supprimer le statut particulier du personnel, renforcer l'entretien du réseau et abandonner les projets restant dans les cartons - mais pas ceux qui sont les plus discutables en cours -...  
Au bout du compte a question angoissante de la dette est ainsi toujours posée, et on cherche  quelle est la stratégie poursuivie, et surtout ce qui peut, désormais, mobiliser toute l'entreprise autour d'objectifs partagés.

La bataille ce doit être d'accepter d'innover et de construire une stratégie

Il est frappant de constater que le Ministère parle volontiers des automatismes routiers, ou du passage au gaz de nombreux véhicules, mais ne parvient pas à concevoir que le rail peut lui aussi tirer partie de l'innovation, de l'économie numérique, des automatismes et de la suppression du diesel. Repenser l'exploitation, s'interroger sur la vitesse (ou la marche) des trains de fret, remettre sur le tapis les innovations oubliées (attelage automatique ?), et surtout révolutionner tout ce qui est improductif (on joue encore au train comme au XIXème siècle, avec triages, terminaux en cul de sac, etc...).
Plus encore, aucune réflexion n'est mise en avant sur les solutions techniques, innovantes ou stratégiques qui pourraient être apportées à la compétitivité du fret ferroviaire. 
Tout se passe comme si la "bataille du rail" consiste à mettre en avant le statut - thème populaire - les ratés des trains suburbains, et le coût pour les finances publiques du rail, mais non à exprimer une stratégie crédible.  
A qui veut-on (peut-on) faire croire qu'une nouvelle réforme de structure (et de gouvernance, comme on dit désormais de manière risible) va miraculeusement régler à la fois le problème de la structure du bilan de Sncf réseau, du financement de la rénovation lignes "ordinaires", de la reconquête du fret, de la qualité de service en milieu urbain ou suburbain, sans qu'il soit nécessaire de définir une stratégie. Sait-on qu'il faudra nécessairement investir, et qu'il s'agisse du fret ou des transports du quotidien que c'est nécessaire. On rêve de plan stratégique, mais il n'y en a pas. 
A qui peut-on faire croire que le rail puisse se contenter d'attendre les révolutions technologiques chez les autres. Comment peut-on évacuer complètement la question de savoir si la Sncf doit renforcer ou non sa politique de groupe et poursuivre - à l'instar de certains de ses concurrents - son renforcement.
Mais revenons un instant sur le terrain des objectifs. Ceux, ambitieux une fois encore évoqués à l'horizon de quelques décennies pour le fret impliquent de donner une réponse technique simple à des enjeux tout aussi simples en termes physiques : comment, et avec quels moyens, quelles techniques le rail peut-il envisager de prendre une part de marché significative ?  J'invite les politiques à s'interroger sur cette simple question : comment ?  Croient-ils véritablement que des techniques et un mode d'exploitation anachroniques peuvent y parvenir?  
Je sens qu'ils ne se sont jamais posé la question, préférant celle plus commode du statut.

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