Questions sur le #rail et la #SNCF
Questions sur le rail
et la SNCF
L’endettement de la
SNCF est-il soutenable ?
La Sncf est endettée massivement, consécutivement aux
constructions de nouvelles lignes par SNCF réseau et avant elle RFF. Or ces
projets ont souvent été évalués de
manière discutable (en recettes attendues comme en coût), et décidés par
l’Etat même s’ils étaient d’une rentabilité douteuse. Les décisions passées
conduisent à une augmentation de la dette et donc de son service peu compatible
avec l’état du marché des transports. On considère donc généralement que cette
dette n’est pas soutenable. L’ordre de grandeur de 50 milliards € (ce qui coûte
plus de 1,5 milliards €/an), est très
élevé par rapport aux recettes.
Cette réflexion se doit, selon moi, d’être largement
prolongée. D’abord sur certains projets couteux et contestés comme Lyon-Turin. Par ailleurs, j’ai exprimé déjà des doutes sur
l’application qui est faite des normes comptables européennes pour l’évaluation
des actifs ferroviaires. Par ailleurs, et depuis bien avant la création de la
SNCF comme Epic, la structure du bilan de la Compagnie est totalement
déséquilibrée. La déficience criante de capitaux propres dans une entreprise
peinant à dégager des bénéfices la conduit à être fortement tributaire du
marché des capitaux, et conduit à un niveau élevé de charges financières. Nous
avions, dès 1984 alerté sur l’explosion prévisible de la dette, bien avant la
prolifération des lignes TGV.
On dit que le Réseau
Sncf manque d’entretien ?
Cela fait maintenant plusieurs années (trente selon le rapport de 2005 des suisses
de l’EPFL) que l’ensemble entretien, rénovation, régénération, modernisation du
réseau est considéré comme insuffisant. Au surplus, le cumul du retard pose des
problèmes dans la gestion des circulations dès lors que l’on veut rattraper le
temps perdu, ce qu’on a commencé à faire. Un programme convenable
(optimal ?) d’entretien et de modernisation est on le sait nécessaire à
hauteur d’au moins 3,5 milliards €/an.
Faut-il aller
au-delà ?
Nécessairement oui, et ce pour trois raisons
1.
En ce qui concerne le réseau et sa gestion, il
convient de poursuivre et d’intensifier la transition vers des transports
« plus intelligents ». L’idée de l’ERTMS (Système européen de gestion
du trafic, ou : « European Rail Traffic
Management System ») était bonne, mais elle est très coûteuse,
et donc le système peine à se déployer. L’enjeu pour la productivité du système
est à la fois de faire beaucoup plus, beaucoup plus vite, et beaucoup moins
cher.
2.
En ce qui concerne les transports de masse en
milieu dense (urbain, sur-urbain) de voyageurs, il faut d’urgence renforcer les
services en capacité, fiabilité, fréquence et qualité, ce qui va bien au-delà
de la rénovation. Ceci aussi a un coût important mais à la mesure des enjeux de
qualité de vie et d’environnement
3.
En ce qui concerne le fret l’enjeu est de
parvenir à mettre en place une offre compétitive assurant fréquence, prix,
capacité, et qualité. Une telle ambition, pour les produits manufacturés,
repose sur une révolution du modèle technique du combiné permettant de
s’abstraire des contraintes actuelles (terminaux en cul de sac, manutentions
lentes, non flexibilité, liaisons très longues en saut de nuit etc.).
Mais il faut aller au-delà et se pose le problème des voies d’innovation
permettant d’augmenter la productivité globale du système pour l’ensemble du
fret ce qui pose la question des vitesses et marches par exemple. Au moment ou
on développe le transport automatique sur route, il serait paradoxal que le
transport en site propre ferré ne soit pas capable d’innover et de
révolutionner la gestion des circulations. Il faudrait aussi ajouter la
dimension essentielle de la constitution d’un réseau fret européen cohérent,
largement dédié. Des recherches ont ouvert la voie sur l’ensemble de ces
thèmes, tant en France qu’au niveau de l’UE sans grand effet, hélas.
Une politique de
groupe est-elle nécessaire ?
Il faut bien entendu s’interroger pour la partie du groupe
ferroviaire dédiée à l’exploitation, c’est à dire à la fabrication et à la
vente du transport.
Ou bien on se contente finalement d’être un transporteur
ferroviaire, ou pire un simple tractionnaire, ou bien on considère que la bonne
approche du marché est de tendre à apporter des solutions aux problèmes des
clients (ou des fournisseurs des clients), chargeur ou passager. Pour le fret,
il se trouve que sur le marché certaines firmes sont à la fois des
organisateurs de transport, des transporteurs,
et des prestataires logistiques, ces métiers pouvant être déclinés par
spécialité. De nombreux groupes ont en effet choisi, quelquefois au tournant
des années 1980 (je me souviens l’avoir plaidé en 1983 avant la création de la
nouvelle SNCF) puis surtout depuis 1990, d’élargir leur offre pour être plus
« global », ceci valant pour la gamme de service et son intégration
comme pour l’aire d’activité (mondialisation). Un processus voisin se manifeste
dans le domaine des voyageurs. Il est
difficile aujourd’hui de considérer que ces stratégies sont erronées et n’apportent
pas un plus à l’opérateur ferroviaire proprement dit. C’est une des raisons
pour lesquelles la posture consistant à souhaiter vendre les filiales rentables
me semble une grave erreur.
Faut-il réformer le
statut des cheminots ?
L’idée qu’il faille réformer le statut, ou le supprimer,
comme d’ailleurs changer le statut de la SNCF elle-même (revenir à celui de
société anonyme) est régulièrement évoqué. Ces actes symboliques portent en
réalité autant sur des principes que sur des objectifs plus ou moins
identifiés. Il n’est pas utile de revenir sur le symbole, sorte de pendant à la
fin du modèle ferroviaire monopoliste et intégré. Restent donc les faits. La
SNCF, depuis sa création en 1937, comme d’ailleurs les compagnies privées dont
elle a été faite, n’ont pas vécu sous un statut unique pendant de longues
années. On oublie par exemple que l’autonomie de gestion et la normalisation
des comptes remonte à la réforme de 1969 qui a par ailleurs largement décentralisé
l’entreprise. Mais l’Etat, plutôt que de laisser l’entreprise s’adapter comme
bien d’autres, dans le cadre d’un cahier des charges, ou mieux d’un contrat
articulé sur un plan stratégique, préfère octroyer des statuts, définir une
gouvernance comme on dit désormais. Comme si cette décision d’en haut
impliquait en soi le changement.
Depuis le conflit de 1995 la SNCF et l’Etat ont une sorte de
problème avec la notion de plan. On a bien gardé la dimension régionale avec
les contrats de plan État-Région 2015-2020 (CPER), on a signé des contrats pluriannuels entre l’État et
SNCF Réseau, Sncf Mobilité, et du groupe en avril 2017 avec deux années
de retard et de vives critiques de l’ARAFER. Or s’agissant d’une réflexion sur
l’avenir de la SNCF, on pourrait imaginer qu’on s’attèle à relire et redéfinir
les contrats pluriannuels, … mais, curieusement ces documents essentiels ne
sont ni mentionnés, ni même évoqués alors qu’ils doivent théoriquement encadrer
la stratégie du groupe pour 10 ans. On parle structure, organisation, statut,
mais le contenu a disparu et sa planification avec. Je voudrais rappeler aussi
que la passage du statut de SA à celui d’Epic n’a en rien modifié en 1983 le
statut du personnel « de la société et de ses filiales ». Or depuis
1983, la Sncf a fait face à de nombreux changements réglementaires et
législatifs, qu’ils découlent du droit Européen ou des mesures spécifiques à la
France. Alors on s’interroge. On a copieusement réformé, réformé les réformes, pour,
finalement ne pas résoudre la plupart des problèmes importants évoqués plus
haut. Alors, pourquoi cette fixation sur les structures et le statut du
personnels ?
Certes, on pourrait
parfaitement prévoir dans un accord d’entreprise à peu près la même chose que
ce que contient le statut, mais l’organiser dans un autre cadre. OK, mais à
quoi bon ? Assimiler statut, privilèges et conservatisme est une posture
bien facile dont je m’interroge sur l’objectif réel. Que vise-t-on
particulièrement ? Heureusement, les études menées préalablement au quatrième
paquet ferroviaire montrent que l’ouverture à la concurrence n’a pas impliqué
de baisse des salaires là où cette ouverture est acquise. S’il est difficile,
sans étude approfondie, d’imputer au statut un écart de
« compétitivité » du rail français avec ses concurrents (sauf à
utiliser des exemples non pertinents limités à des opérations de brouettage),
il est au contraire facile de relier la structure financière de l’entreprise à
sa structure de charges. Pourquoi donc
parler tant du statut et si peu de l’endettement et de la stratégie et des
contrats entre la puissance publique et la SNCF ?
P.S.