#Corse #Maritime, Test de marché : Nouvelle page, mais laquelle



UNE NOUVELLE PAGE DE LA CONTINUITÉ TERRITORIALE MARITIME CORSE EST EN TRAIN DE S’OUVRIR…


Un moment historique


Il est clair que le moment est historique. La Corse peut enfin se débarrasser de ce qui fût une histoire tumultueuse, agitée, et couteuse de la continuité territoriale. Agitée parce que juridiquement contestée et conflictuelle. Alors oui, après avoir, stabilisé la situation – qui nous laisse cependant une drôle d’hypothèque avec les suites des DSP illégales, et les demandes d’indemnisations – la collectivité peut repartir dans une logique claire et saine. Ce qui ne préjuge en rien du contenu du service public éventuel, mais implique rigueur, non-discrimination et cohérence. Une nouvelle page s’ouvre donc.

Nouveau cadre

La chose est simple. L’Office des Transports a lancé un test de marché répondant aux principes découlant du droit européen, devant mettre en lumière s’il existe ou non un besoin de service publicet si oui lequel. Or c’est bien à partir de là que devront être définis les cadres éventuels dans lesquels la desserte corse sera organisée à partir de 2019 (juin semble-t-il). C’est aussi la dernière ligne droite pour la Collectivité qui devra à la fois mettre en œuvre ses SEMOP d’exploitation et sa société d’économie mixte d’investissement. Or tout ça ne s’annonce pas si facile. 


Des difficultés … 


Il y en a plusieurs en réalité. On a décidé de créer deux SEMOP en partant du principe qu’il y faut distinguer les ports principaux des ports secondaires, en ayant en tête le modèle d’exploitation actuel, d’ailleurs repris comme tel dans le rapport de l’Office pour le test de marché.

Or, paradoxalement, l’analyse menée par l’Office ne permet aucunement de le justifier indiscutablement, bien au contraire. Et les armateurs peuvent parfaitement imaginer des conditions de desserte différentes et parfaitement satisfaisantes. 

La seconde difficulté tient au contenu même du rapport. Il comporte des erreurs sur les capacités, les tarifs (qui sont des maxima – OSP et DSP - et non ceux du marché), et propose une analyse du besoinque j’estime non conformeà la définition qui en est donnée auparavant. L’objectif du test est en effet d’estimer s’il existe un besoin « dans des conditions normales de marché ».Il est donc totalement inadéquat de l’estimer, comme le fait le rapport, en calculant « la différence entre les flux de PAX et de fret effectivement constatés et l’offre capacitaire théorique des compagnies hors DSP ».

J’irai même plus loin, l’absence d’offre étant consécutive aux DSP, le « besoin » est la conséquence de celles-ci et non des conditions normales de marché. C’est techniquement quand même un gros bug!

Quels besoins ? 



L’approche présentée des besoins par l’Office des Transports n’est pas sans susciter des interrogations. Il semble acquis (?) - et aussi bien pour le fret que pour les passagers - que les objectifs de la CTC sont prédéterminés en ce qui concerne les horaires et l’absence d’escale. On s’interdit donc par principed’étudier une organisation de la desserte qui atteindrait des objectifs raisonnables de service, et permettrait de rentabiliser l’outil naval, celui soumis aux DSP actuelles étant notoirement sous-utilisé (faible rotation des navires). On s’interdit aussi implicitement d’imaginer une dissociation - partielle - des flux de passagerset de fret. Pour compléter cette remarque, compte tenu des incidences à moyen terme de la réflexion menée (au bas mot 11 ans à partir de maintenant), on aurait aimé avoir des éléments de cadrage prospectif et idéalement des scénarios.

La deuxième série d’interrogations concerne la stratégie des acteurs. Les informations relatives au désir (déçu) de la Corsica Linea de fusionner avec la Méridionale ont pu surprendre, l’annonce de l’affrètement d’un Roulier par cette même compagnie est aussi le signe d’une volonté de développement, ce qui « en soi » est logique. De la même manière on peut raisonnablement s’interroger sur l’avenir plus global du marché corse, en particulier si le marché du fret était dissocié de celui des passagers. La flexibilité du marché roulier, et son évolution doivent être pris en compte, de même que la présence sur le marché méditerranéen de grands armateurs pouvant parfaitement être intéressés par le marché corse. Bien entendu il faudra aussi examiner la façon dont pouvoirs publics nationaux et locaux et les armateurs traiteront la question de l’évolution des niveaux d’émission de dioxyde de soufre (SO2)en méditerranée, et les émissions polluantes globales dans les ports. Dans ce contexte, la stratégie de corsisation (Semop et SEM d’investissement) devrait être à nouveau éclairée dans cette perspective. 

La troisième remarque concerne la nature du test de marché et celle des conclusions tirées par l’Office détermineront le paysage des 10 à 15 ans à venir, mais aussi la solidité juridique des choix qui seront faits par la collectivité. L’ambiguïté du rapport de l’Office est une sorte d’entre-deux. Les réponses des armateurs peuvent, ou non, remettre en cause les options a-priori qui semblent avoir été retenues. Or l’enjeu est bien là. Au-delà des montages adoptés (SEMOP et SMI), l’enjeu majeur est celui de l’organisation efficace de la desserte et de son coût pour la collectivité. Reste à savoir si les uns et les autres veulent vraiment trouver la solution la plus satisfaisante, ou rester dans le confort du cadre des DSP actuelles.

L’enjeu pour la Corse


Il ne faut jamais perdre de vue que le marché corse est en réalité deux choses distinctes : un gros marché de passagers très saisonnier (un mois comme février représente moins de 2% du trafic annuel), et un marché du fret qui est certes saisonnier mais faiblement. Notons d’ailleurs au passage que même en période creuse, sur Bastia, 20 % des passagers sont transportés de ou vers le continent italien.

Si on part du principe que le trafic estival ne relève aucunement du service public, en tous cas pas de DSP, reste donc à savoir ce qui du fret, et du trafic de période creuse de passagers peut avoir besoin du secours du service public. C’est sur ce terrain qu’on attend le test de marché et ses conséquences éventuelles en termes de « coût pour la collectivité ».

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