L’innovation dans les #transports : Pas facile pour le #fret #ferroviaire

L’innovation dans les transports : Pas facile pour le fret ferroviaire !

L’innovation en transport joue un rôle majeur, contrairement à ce que supposent certaines approches, dans la répartition des trafics, mais aussi ce qu’on appelle leur induction, c’est à dire la création d’une « nouvelle demande ». Paradoxalement c’est le point le plus faible des travaux prospectifs.
Et l’innovation ne concerne pas que les moyens de transport, mais aussi la gestion des circulations de trains, bateaux, véhicules routiers ou avions et l’infrastructure elle-même. 

Fabriquer une offre compétitive c’est souvent « à la fois »innover dans les différentes dimensions : les infrastructures, les moyens de transport et le management des flux. Et il est certain qu’un vrai saut qualitatif demande une innovation globale sur plusieurs registres. 
Or, selon les modes, les processus relèvent de décisions plus ou moins décentralisées, de firmes plus ou moins intégrées ou monopolistes, sur des marchés plus ou moins ouverts. 

Le rail : un système intégré

En d’autres termes, plus le système est intégré sur une base géographique – je pense au rail – plus l’innovation relève de décisions stratégiques d’entreprises monopolistes qui révolutionnent alors l’ensemble des briques du système. On nous a assez répété que le TGV était un système (Infrastructure, commande contrôle, train). Dans un tel système le fournisseur peut certes mener des recherches innovantes, mais il a en face de lui un marché étroit (peu de clients) dont les acteurs gèrent le système dans son ensemble. En pratique c’est bien l’Etat qui décide des lignes à grande vitesse et l’entreprise dominante qui en assure le plus souvent le début de l’exploitation. Au contraire sur le marché routier, le plus souvent, les innovations s’associent, se renforcent, s’agglomèrent via le marché. 

Les grappes routières

Les innovations vont fonctionner en grappe.  Les transports intelligents risquent cependant de changer la donne : il va falloir des intégrateurs. Pour la route l’innovation appartient à tous, dans la mesure où le système est ouvert et n’a jamais été intégré. Mais les innovations découlant du numérique et d’une manière générale des transports intelligents et autonomes prendront réellement leur essor avec une intégration au niveau du système de management des transports. C’est le pendant du contrôle aérien ou du contrôle-commande ferroviaire. 
Les recherches menées sur ce sujet (je pense à ARCOS) préfiguraient quelque chose qui, du côté routier, avait un pendant ferroviaire : ERTM3 (!). Mais en l’absence du niveau le plus achevé (intégré), le système routier continue d’innover avec les véhicules autonomes par exemple, ce que ne fait pas vraiment le rail. Le domaine maritime a également fortement innové, avec la conteneurisation, puis, avec les porte-conteneurs géants. Ce qui a impliqué de la part des ports et des armateurs eux-mêmes, des investissements massifs dans l’infrastructure portuaire, et donc des stratégies ad-hoc. On a eu là une innovation portée par des oligopoles agissant en miroir, et pouvant se diversifier massivement. Ceux-ci ont même tenté de mettre le pied sur le maillon ferroviaire, mais là encore les obstacles sont fort. Ils ne contrôlent pas l’infrastructure et les circulations,  et devaient donc se contenter de gérer des opérateurs de transport.


Faux marché

Cet aspect des choses a été négligé dans l’approche du marché ferroviaire par les théoriciens du marché unique. On a de fait consolidédes monopoles nationaux de gestion des infrastructures (à quelques exceptions en France, comme la RATP ou les chemins de fer corses), et ouvert les réseaux à la concurrence entre opérateurs. Or une telle organisation rend plus délicate l’innovation : il n’y a plus d’intégration, mais il n’y a pasplus d’autonomie d’innovation de rupture pour les exploitants.  Les corridors fret sont difficiles à mettre en œuvre (voir les travaux de New-Opera financés par l’UE), mais les rendre porteurs d’innovations fortes est hyper-complexe et prend incroyablement de temps.

L’innovation ferroviaire bute en réalité sur les monopoles nationaux relatifs aux infrastructures – structurant également des normes et des pratiques disparates – et l’incapacité d’en dépasser les limites. Or le transport est de plus en plus transnational. En créant la concurrence sur les réseaux sans les unifier, on crée de la complexité, et pas forcément de la rationalité. Prenons le cas du combiné Rail Route. Qu’il s’agisse de caisses mobiles, de conteneurs ISO ou de semi-remorques, les enjeux de l’innovation potentielle sont faciles à identifier. Faire naître du haut débit ferroviaire, des fréquences et des capacités élevées, des coûts complets compétitifs, passe par un certain nombre d’innovations touchant aux trains, aux automatismes, à la manutention, à la forme des terminaux et chantiers de manutention, au management des circulations, à la motorisation etc… 

On peut en décliner les éléments essentiels, mais il apparaît qu’ils sont liés totalement interdépendants et impliquent un ensemble cohérent (coordonné) d’innovations. Alors que le domaine routier est fondamentalement ouvert et peut capitaliser les innovations des acteurs, le monde ferroviaire se doit d’en organiser la synergie, ce qu’il fait mal. En effet cela se heurte aux stratégies nationales protectionnistes des institutions ferroviaires. 
La route sera donc longue tant que ces évidences ne seront pas reconnues.

PS.

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