#SNCF #Transports : Des transports et de la politique disruptive

Des transports et de la politique disruptive 
C’est entendu. Le propre de la politique du Gouvernement c’est de devoir être « disruptive ».Dans l’esprit de son « grand inspirateur », il s’agit bien de rompre, et le plus vite possible, avec des pratiques anciennes, ou plus généralement avec les politiques anciennes. Nouveau regard, nouvelle méthode, nouveaux objectifs.  
En fait ce qui frappe c’est n’est pas tant cette envie de changement – le propre des élections c’est de le permettre – que cette valorisation de la rupture. Ce qui compte alors ce ne sont pas les nouveaux objectifs, la nouvelle vision ou même la nouvelle méthode, c’est le fait de rompre. Finalement le qualificatif l’emporte sur le contenu.
Quand une concession sur un rapport fait office de négociation…
Ainsi en est-il de la réforme de la SNCF. Disruptive, l’approche même de la réforme l’est. On a cru un instant qu’un traditionnel rapport technocratique allait se substituer au débat. En fait il l’a résumé, condensé, et sa contestation elle-même a fait office de négociation. On concède que les propos sur les petites lignes étaient maladroits ou erronés, et hop, par miracle on peut passer à la concertation, c’est à dire à l’explication de texte. 
Je repense à ce moment aux longues réunions des commissions tripartites avant la création de la nouvelle SNCF et 1983 ! Quelle rupture ! L’idée même d’une large concertation et d’une négociation sur l’essentiel (tiens au fait, il n’y a plus de Conseil National des Transports, que nous appelions entre nous « le petit parlement des transports), n’aurait en effet comme seule conséquence que de faire évoluer un projet sur une base consensuel, ce qui n’est pas de toute évidence, assez disruptif. 
L’ancien monde de la concertation et de la négociation…
C’est d’autant plus curieux qu’on a sous la main tous les ingrédients pour faire autrement. On a une situation qu’on peut analyser « à l’ancienne », comme on le faisait au CNT, ou dans les commissions du Plan, en mêlant socio-professionnels, experts, et administration, on a probablement des objectifs généraux de politique des transports (nationaux, européens, locaux…), et on a une directive européenne, dont l’analyse montre qu’elle est bien plus souple qu’on ne le prétend.  On peut donc discuter de diagnostic, essayer de la partager, mesurer les forces et faiblesses actuelles du système ferroviaire français, et tracer ensemble des orientations et des stratégies possibles. Certes, le politique devra trancher, mais en connaissance de cause : il aura discuté, partagé, confronté, écouté. Au lieu de quoi on passe directement du rapport sommaire de J.C. Spinetta à l’exposé du contenu approximatif d’un projet d’ordonnance. Disruptif ! Au point de créer une unité syndicale totale sur le rejet de la méthode.
Le temps d’attente, signe de pouvoir…
Personne n’a encore mesuré la durée de l’attente des réponses aux questions concrètes comme par exemple celle de la dette. Cette durée, à elle seule, est symptomatique. C’est ressenti nécessairement comme un signe de pouvoir. C’est un peu comme quand on se morfond dans une salle d’attente. Sans doute résulte-t-elle en partie de l’impréparation, mais elle reflète parfaitement la méthode. Il y ceux qui maîtrisent et ceux qui subissent l’agenda. On renverse la table - je veux dire qu’on annonce la création de sociétés – sans que personne ne sache comment on va construire un bilan présentable à Sncf-Réseau. Comme si, lors de la dernière réforme de la SNCF et de l’univers ferroviaire français, créant SNCF-Réseau en 2015 (loi du 4 août 2014!), administrations et élus n’avaient pas à l’époque en tête les échéances européennes. 
Le communiqué du Conseil des ministres du 15 juillet 2015 est d’ailleurs sans équivoque :
 « en achevant (sic !) la transposition de la directive européenne du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen, elle permet également de simplifier et d’améliorer les conditions d’intervention des opérateurs de transport ferroviaire».
Tout était semble-t-il réglé, après 2 années et demi de travail. C’était sans compter le côté «disruptif» du gouvernement actuel. A sa décharge, restait le problème de la dette, qu’il a d’ailleurs toujours du mal à traiter. Mais on ne parle pas non plus du « modèle économique » du réseau ferroviaire. Je me souviens de notes de réflexion de RFF qui soulignait – au début des années 2010 – que les données comptables et les données économiques divergeaient : en d’autres termes l’équilibre du compte de résultat cachait alors un déséquilibre économique, dont j’imagine qu’il n’a pas diminué. 
On craint donc le pire… où la forme l’emporte encore sur le monde réel.
On craint bien évidemment que le reste de la politique des transports suive le même chemin. On connaîtra bientôt le contenu d’un projet de loi « mobilité(s) ». J’imagine qu’on «concertera» un peu sur l’ébauche du texte, comme on le fait actuellement sur le Fret (avec à la clef un questionnaire portant sur le livre blanc fret+, par ailleurs fort décevant par rapport au Masterplan allemand). 
Mais une fois encore la méthode elle-même se veut disruptive. Il ne s’agit pas de construire un plan, mais de faire une loi, … et accessoirement semble-t-il de remettre sur le tapis la question de l’écotaxe. Et on attend l’expression d’une politique, d’une ambition, d’une vision. Encore une fois c’est la méthode, l’attitude qui compteront. On annoncera ce qui ressemblera à une parole sacralisée… Pourquoi donc s’embarrasser du verbe des autres, chronophage ? 
Espérons que je me trompe. 

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