Transport routier, cabotage : Prix, coûts, concurrence, régulation
Prix, coûts, concurrence, régulation
Vouloir réglementer - comme en matière de travail détaché – le coût salarial pour réguler la concurrence, revient à considérer que la compétition entre transporteurs dépend directement de leur prix de revient.
C’est juste, peut-on penser, en considérant l’augmentation massive du transport des pavillons de l’Est (PECO) au détriment de ceux de l’Ouest. Pour autant sur un marché spot, le prix de marché ne se fait pas sur des moyennes de coût. En effet, à un moment donné, un marché spot a à « réguler » une situation déséquilibrée dans le temps et dans l’espace, les flux étant par définition non équilibrés.
Un transporteur donné fait donc un prix en fonction de son coût moyen, mais plus globalement en fonction de l’état du marché, c’est à dire les opportunités de chargement, de la concurrence, et… s’il a ou non, un transport programmé (lucratif) quelque part dans un certain temps. Du coup, dès qu’il y a concurrence, et peu de demande, le transporteur sait s’il veut pouvoir charger son prochain client qu’il va devoir baisser son prix. Jusqu’où ? Dans son cas, il peut parfaitement considérer que « mieux vaut payer le gazole pour revenir (rentrer) plutôt que rentrer à vide sans recette ».On voit que la limite est un prix juste non-nul. En fait, son calcul est plus compliqué et dépend également des sur-tarifs qu’il peut par ailleurs espérer. Il sait bien que le transport est l’art de consolider les frets mais aussi de péréquer le bon et le mauvais, les déséquilibres fabriquant des sur et sous tarifications temporelles et géographiques.
Irruption des PECO
L’irruption des pavillons des PECO sur les marchés spot, ceux-ci ayant largement conquis les transports internationaux bilatéraux, les met en position de rechargement favorable à l’Ouest, mais aussi en situation d’offre sur le marché intérieur, ce qui leur permet donc de capter des transports sinon au coût marginal (ou en dessous) du moins à des prix plus faibles, et singulièrement écrémer certains marchés sur-tarifés. L’effet est manifestement de faire jouer les prix à la baisse, autant par l’effet d’offre généré par le transport international situé en amont, que par les prix de revient. C’est la raison (implicite ou explicite) qui conduit à vouloir limiter le cabotage, la réglementation éventuelle du travail détaché ne changeant pas grand-chose sur un marché Spot.
En revanche pour les transports planifiés, et en particulier sous l’égide de groupes (chargeurs ou organisateurs, ou confrères, peu importe), c’est bien le coût moyen qui jouera le rôle majeur dans la formation des prix. Autant on doute de l’application de règles sur le travail détache en matière d’international classique, autant en matière de cabotage structuré et organisé, la détermination d’un niveau minimal de coût salarial revient in fine à déterminer un tarif minimal. C’est l’enjeu !
Il est cependant évident que les deux marchés (ou logiques tarifaires et de concurrences) ne se régulent pas de la même façon. Autant le marché spot est difficile à réguler dans le cadre juridique actuel sans limiter la pression du cabotage des pavillons à bas coût – mais cela posera à terme un vrai problème de principe (on ne va pas demander à un luxembourgeois de baisser ses prix en France) – autant le marché du transport planifié et contractualisé peut être régulé en imposant un minimum social aux caboteurs. Mais, le recours possible à des tractionnaires indépendants (non salariés) pourra permettre de contourner ces contraintes et poussera certains groupes à modifier leur organisation. Il s’agirait donc de penser à différencier les objectifs de contrôle dans le cadre des futures règles si elles existent, de ne pas chercher à appliquer ce qui n’est pas applicable, ne plus favoriser la sous-traitance en directions de tractionnaires ou « auto-patrons », et s’attaquer à la définition de règles permettant de mieux harmoniser les conditions de travail, quelque soient le statut du conducteur et les règles nationales. Des voies sont possibles, mais encore faut-il le vouloir.
P.S.