#Transports #France :Où est la stratégie ?

Où est la stratégie ? 


L’un des problèmes politiques les plus compliqués est de mettre en relation des orientations générales, ou des déclarations, avec une politique concrète. 
Dans le meilleur des cas on a en amont des orientations, une réflexion approfondie, dans le pire l’inspiration du moment, et dans une grande majorité des cas, un compromis (politique, social…).
Reste à passer aux actes, c’est-à-dire construire une stratégie (comment atteindre les objectifs) et bâtir des programmes d’action ou d’intervention. Bien entendu, l’une des dimensions majeure est le temps. Toute action prend du temps et l’effet attendu encore plus. Et puis, dans tout système, il y a une infinité de rétroactions (positives ou négatives) qui viennent compliquer les choses.

La gestion politique répond souvent à une logique différente. En privilégiant la communication et la conquête de « l’opinion », on semble parfois relier des fils sans grande cohérence. La juxtaposition des principes ou des orientations (parfois bien vagues) avec les décisions peut donner l’impression d’une absence de plan et a fortiori de programmes. On cherche tout autant les indicateurs de réalisation ou d’impact des politiques déclarées. 
Du coup, au lieu de s’attacher à construire – et discuter – un plan stratégique, on a tendance à rechercher des réponses à des questions éparses. Des sous par exemple. Ainsi en va-t-il des projets de financement des infrastructures. En réalité, la situation est bien plus grave. On ne sait plus bien comment assurer l’entretien et le renouvellement des réseaux (routier, ferroviaire, fluvial). Mais pour autant, on continue – plus ou moins – à entretenir l’illusion de la réalisation de grands projets comme « Lyon-Turin » ou « Seine-Nord ». Or, rien n’indique que les sommes correspondantes ont le meilleur rendement possible dans l’objectif de diminuer de 60% - , en 2050 par rapport à 1991 - les émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports (ce qui fait un peu plus de 60 % par rapport à 2016). 
Poser la question n’est pas une injure aux promoteurs des projets, mais une adresse aux politiques en charge du secteur. 
Or la réponse n’est pas à coup sûr « oui », comme on veut bien le faire croire. Car les enjeux clairement posés n’ont aucun rapport avec les effets – même surévalués – de ces deux projets. Donc si c’était oui, ce qui n’est pas l’opinion la plus répandue chez les experts et spécialistes de la chose, ce serait très partiellement oui[1]. Du coup, tout cela laisse un vide béant. Mais où est donc la politique des transports qui permet d’atteindre les objectifs assignés ?  Dans la future loi[2]… ?

Et puis il y a tout le reste. Domaine, aussi, où les postures ne suffisent pas, et où on peut avoir le sentiment que l’on se rassure à bon compte. Stopper la vague de démontage des règles sociales du transport routier en Europe est une excellente nouvelle, mais c’est autre-chose que d’aboutir enfin à la promesse du grand marché intégré. Les menaces réglementaires ne constituent pas une politique, tout au plus forment-elles une digue fragile, très friable… Alors, là aussi, il faudra savoir passer de « l’alliance routière » à une politique, et donc à un compromis et un contenu concret, applicable ! Ce qui nous ramène naturellement à l’Europe, et aux réseaux Trans-Européens.  Le débat actuel entre l’Italie et la France autour du Lyon-Turin (existe-t-il d’ailleurs vraiment ?) n’est que l’illustration de ce que la collection de projets « en Europe » ne fait pas d’eux l’élément d’une stratégie européenne. Mais ça, hélas, nous le savons depuis longtemps. 

Patrice Salini


[1]Pour se livrer à un calcul grossier c’est donc, si l’énergie consommée par les transports restait stable, environ 25 millions de M3 de carburants qu’il faudrait escamoter et remplacer par autre chose…
[2]A vrai dire, j’en doute… mais qui sait ?

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