Quand le transport combiné n’apparaît plus comme une solution comment défendre une politique de taxation ?

L’une des difficultés des politiques de transport c’est de devoir conjuguer des objectifs de long terme et de court terme. 

Des enjeux énoncés, mais sans solutions ? 

Pour faire simple, il s’agit de relier la transition écologique et à la réalité de la mobilité quotidienne et personnes et des biens. Face à cette difficulté, le gouvernement nous explique comprendre le présent – et donc les « fâchés », mais devoir « réparer » 35 ans de mauvaise politique. Ne revenons pas ici sur les choix fiscaux majeurs des deux premiers budgets de la mandature actuelle, mais reconnaissons que si la difficulté est bien réelle, les décisions prises ne sont pas véritablement de nature à construire un lien positif entre l’approche de la situation actuelle et le devenir espéré. 
C’est que le gros bug réside dans l’impossibilité de mettre en face d’un discours optimiste classique (ça va ou ira mieux plus tard) une stratégie compréhensible, et de vrais programmes. Et de ce point de vue, le monde des transports est cruel. Combien de ministres se sont-ils succédés avant, pendant et après le Grenelle de l’environnement, des objectifs ambitieux en bandoulière, qui n’ont pas eu le temps ni le loisir – si l’on peut dire – de constater leur échec. 

Ce gouvernement prend délibérément le même chemin, en ajoutant un brin d’arrogance – à la place d’un optimisme naïf -, en négligeant les fameux corps intermédiaires et en étant incapable de mettre en œuvre des mesures concrètes dont l’effet serait rapide.  Le drame de la réforme de la Sncf comme de la future LOM réside là. On crée des outils (toujours discutables, mais bon… pourquoi pas) mais on ne trace nulle stratégie concrète.
Les enjeux sont tellement importants qu’on attend toujours de savoir comment le gouvernement atteindra les objectifs fixés en matière de transition écologique dans les transports, et singulièrement pour le fret.  Quel est le projet à moyen ou long terme ? On ne sait. Mais pour demain, ou dès maintenant que fait-on ? En réalité, derrière des annonces mineures, le transport combiné rail-route, véritable alternative crédible, n’en finit pas de perdre des parts de marché. On est actuellement au niveau des balbutiements du milieu des années 1970 et du début des wagons kangourou – à peine au-dessus de 2 % de part de marché - après avoir atteint un (petit) sommet en 1999.  Le poids du combiné aujourd’hui est moitié moindre qu’il y a une vingtaine d’années. Un échec donc !
Depuis, et notablement depuis qu’on s’obstine à se dépenser en faveur de Modalohr, la régression est majeure, alors qu’on transporte globalement plus de produits manufacturés, plus loin et plus de conteneurs. Aujourd’hui, sur le sol national c’est près de 70 % des tonnes.km qui sont internationales (transit compris, et hors oléoducs), alors qu’on en était à moins de 45 % au début des années 1990, et sans compter les conteneurs transitant par nos ports pour notre marché intérieur !



Or, le degré d’internationalisation a augmenté pour la route et baissé pour le rail !  
L’exemple des passages Alpins est révélateur. Alors que l’on constate une évolution récente faible des échanges avec l’Italie – après un recul significatif – le transport ferroviaire s’est écroulé alors que l’on a fait des travaux sur le tunnel historique pour favoriser le transport combiné rail-route. Il est en 2017 de 3,4 millions de tonnes contre 6,5 en 2005, la route étant globalement au même niveau qu’il y a 12 ans. Or, on n’offre sur cette liaison – hormis les trains entre Noisy et Novare et quelques autres – qu’une liaison fortement déficitaire entre Aiton et Orbassano, avec une technologie coûteuse, au prix d’une DSP. Rien n’est structuré sur la région lyonnaise pour assurer un report sur le combiné classique vers l’Italie, alors que les péages des tunnels routiers (en gros 250 €/passage) rendent mécaniquement compétitif le transport rail-route, même moins productif du fait des cantons italiens et des pentes. Le corridor ferroviaire n° 6 est inefficient.
Mais ce constat évident, pourrait être établi de manière plus générale. Le défaut d’offre compétitive, la panne de l’adaptation au marché, et l’absence d’amélioration de la productivité  - liée aux terminaux, à la manutention et aux sillons -, et la panne des réflexions pour étendre l’aire de marché du rail-route le condamne à la régression alors qu’on suggère que son essor est nécessaire. 
D’où l’incompréhension face aux politiques fiscales et à la recherche de ressources nouvelles. Payer, oui mais quand c’est judicieux (ne pas rajouter au cours du pétrole en forte croissance une hausse de taxes, mais la reporter !), et si c’est utile. L’incompréhension créé par l’absence d’alternative reflète parfaitement l’échec passé, certes, mais aussi sa continuation inexorable.


P.S. 

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