Le #Lyon-Turin : si les procès d’intention et les invectives vont bon train, il reste à faire l’essentiel, mener une évaluation contradictoire, pluraliste et transparente.

Le Lyon Turin : si les procès d’intention et les invectives vont bon train, il reste à faire l’essentiel, mener une évaluation contradictoire, pluraliste et transparente.

A peine sorti, il est critiqué. Presque logiquement, le rapport de la commission chargée, en Italie, de rendre un rapport sur l’analyse « coûts-bénéfices » de la liaison Lyon-Turin ferroviaire est critiqué.
Des critiques – présentes dans la presse avant même la rédaction du rapport – portaient sur le choix des membres de l’équipe d’experts. 
Il est vrai que nombre d’entre-eux ont participé à la création de TRT– bureau d’études milanais spécialisé en Transports –qui a, à plusieurs reprises mis en doute les calculs de rentabilité de l’ouvrage. Il est également vrai que le Président de la Commission, Marco Ponti, a écrit un livre mettant en cause – je confesse l’avoir également fait – l’Ivresse des grands projets (« Sola Andata - Trasporti, grandi opere e spese pubbliche senza ritorno », Università Bocconi Editore, 15 juin 2017), et qu’il était au rang des experts – dits libéraux – ayant contesté le projet depuis au moins 10 ans. Il est enfin vrai que l’un des experts n’a pas signé le rapport :Pierluigi Coppola, qui discute la méthodologie retenue, ce qui est parfaitement son droit.

Tout ceci était non seulement prévisible, mais vient justifier une fois de plus la nécessité de ne pas s’en remettre à des rapports d’expertise (ou contre-rapports), mais à une approche pluraliste, contradictoire et transparente.

En effet, le résultat de la situation actuelle, c’est d’une part, l’absence totale d’ouverture à l’égard des arguments du rapport de la part de autorités françaises, et une charge menée par les défenseurs du projet contre les rapporteurs dont Sud-Ouest s’est fait fidèlement l’écho le 15 février. 

Pour ne prendre qu’un exemple révélateur, on reproche au bilan établi par le groupe de travail italien de prendre en compte les pertes de recettes de péages et de taxes sur le carburant. Au point de le taxer d’absurde (J. Gounon, président de Getlink).  Une « absurdité » qui pourtant fait partie des principes même de l’analyse coûts-avantages, les fiches « outil » du « Référentiel d’évaluationdes projets de transport » de notre ministère français des transports, rappelant utilement, que« Les impôts et taxes sont un élément majeur de l’impact du projet à prendre en compte pour mesurer l’impact financier pour les personnes publiques. Il convient de prendre en compte les variations de recettes fiscales directement induites par le projet entre les options de projet et de référence. » 
Au nom de quoi pourrait-on reprocher aux économistes de prendre en compte l’impact de décisions sur les finances publiques tout en valorisant par ailleurs les effets bénéfiques ou négatifs (écologiques, sécuritaires etc..) ? 
Les propos tenus ensuite sur le Tunnel sous la Manche, ou les LGV, et l’accusation de « farce » ou « d’arnaque » de la part du commissaire italien au Lyon-Turin, Paolo Foieta,  et la politisation à outrance du débat sur le Tunnel, et plus encore du débat sur le débat dans le contexte compliqué de l’alliance Liga-5 Stelle, n’apportent pas grand-chose à l’évaluation sérieuse  du projet, et surtout à l’amélioration des conditions de transport du fret à travers les Alpes.  Une situation qu’on ne manquera pas de relier, avec l’annonce d’une forte baisse de la capacité théorique du tunnel historique du Mont Cenis, alors que son gabarit a été récemment amélioré en arguant de la nécessaire augmentation de sa capacité (déclaration de travaux de décembre 2004). 

Toujours est-il que s’il est vrai que le fret ferroviaire régresse sur l’axe Lyon Turin, il ne se porte pas beaucoup mieux, ailleurs en France, et que paradoxalement on ne fait pas grand-chose pour (enfin) relancer une politique de transport combiné rail-route efficace. 
Mettre en avant une opération au bilan fortement négatif au non du renouveau du rail, demeure, dans la situation française actuelle – où l’on cherche encore à boucler le financement du programme d’infrastructures de transport – proprement surréaliste.





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