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TERRITOIRES TRANSPORTS ET DÉMOCRATIE

Christian Reynaud & Patrice Salini,
 Économistes des transports

Christian Reynaud et Patrice Salini, deux économistes du transports ayant eu une formation en Économie, Gestion et Aménagement ou en Mathématiques statistique et sciences politiques ont été directeurs de l’OEST (Observatoire Économique et Statistique des Transports), organisme national de statistiques et d’études du Ministère des Transports, directement rattaché au Cabinet du Ministre et Service extérieur de l’INSEE. 
C’est principalement à ce titre qu’ils interviennent aujourd’hui : Témoigner pour proposer. 
L’OEST, dont la vocation a été, durant plus de 10 ans, le développement de l’information en Transport en cohérence avec la comptabilité nationale, ouvert sur les régions (et à l’origine d’Observatoires régionaux du Transport), l’Europe et la profession, et qui fût en charge de la planification des transports, a été supprimé au début des années 90, mettant ainsi fin à une expérience originale pour  réintégrer une direction d’administration centrale traditionnelle. 
Patrice Salini et Christian Reynaud ont alors poursuivi des carrières d’universitaire et de chercheur, et d’animateur de la concertation professionnelle (Conseil National des Transports, Universités de Paris…, INRETS) ou de consulant suivant aussi bien la politique transport sur le plan intérieur, qu’Européen (activité pour le compte de la CEMT, direction de nombreux Projets Européens de Recherche).

Aujourd’hui ils souhaitent apporter leur contribution au vu d’une longue expérience qui leur a permis d’avoir une position interne et externe par rapport à la politique des transport, connaissant bien les rouages administratifs mais aussi bénéficiant de repères étrangers.

Ils sont convaincus que l’amélioration de la gouvernance du transport bénéficiera très largement à l’ensemble du fonctionnement d’un pays comme la France, comme le montrent toujours leurs implications récentes….

Ils parviennent à 5 propositions centrales justifiées par une analyse plus longue de l’expérience qui conduit aujourd’hui à ces conclusions…



TERRITOIRES TRANSPORTS ET DÉMOCRATIE
Résumé des cinq propositions

Par Christian Reynaud & Patrice Salini,
 Économistes des transports



Les vastes changements géopolitiques, économiques et institutionnels sont perçus justement comme des facteurs d’incertitude et de risque. Décider est plus complexe, plus difficile.
Il faut désormais- plus que jamais - assumer ses responsabilités et imaginer des règles de prise de décision qui respectent un fonctionnement démocratique, pour des décisions engageant l’avenir.
La politique de transport est un excellent domaine d’application, pour lequel il existe une expérience passée, et qui est facilement perceptible pour tous, relativement éloigné de conflits politiques relatifs aux domaines respectifs de la sphère publique et privée (même si de tel conflits existent en transport, l’intervention publique y est reconnue légitime tant que les choix sont considérés comme démocratiques).
Le domaine des transports est donc plus facilement susceptible de conduire à un consensus sur des choix à long terme qui en retour impactent considérablement la vie en société.
Or, l’enjeu des choix de transport le dépasse largement, comme le montre de plus en plus l’exemple chinois, pour donner une clef d’entrée concrète à des solutions de long terme.
C’est sans doute pour cela que le traité de Rome y fait une place à part, comme d’ailleurs pour l’agriculture. Et il faut regretter que son approche n’ait été trop longtemps et trop exclusivement tournée vers les mécanismes de marché alors qu’il s’agissait bien de la construction et de la protection d’un cadre de vie plus ouvert,  plus responsable, et plus volontaire dans l’expression de choix d’avenir qui doivent s’exprimer à différents niveaux territoriaux, et en particulier au niveau national qui reste un maillon central du dispositif de gouvernance des transports,  plus que la recherche d’une optimisation d’un retour sous forme de subventions.
  
Observer

Le constat :

 Si la qualité de l’observation économique et sociale est globalement satisfaisante, l’appréciation des réalités territoriales et des flux physiques dans l’espace est souvent insuffisante. Elle rend la décision nationale, européenne et territoriale largement aveugle.
Les collectivités territoriales ne disposent d’ailleurs que très rarement des outils - soit qu’ils émanent des services statistiques d’État, soit qu’ils émanent de leurs services - qui leur permettent de disposer d’une connaissance localisée satisfaisante.
Plus encore, dans notre pays, la régionalisation des comptes nationaux - globaux comme sectoriels - handicape la réflexion économique et sociale territoriale, faute d’harmonisation, d’analyses comparatives suffisantes.

La proposition :

C’est donc à un renouvellement profond du système d’observation statistique, ouvert largement, qu’il faut s’atteler dans le cadre de contrats entre les territoires et l’État, système d’observation qui associe plus étroitement des données de circulation et de flux physiques avec des données d’activité et d’environnement des territoires, tire un meilleur parti de nouvelles données sans pour autant laisser se distendre les relations entre systèmes locaux ou régionaux d’observation, voire entre les systèmes locaux, nationaux voire Européens. Les technologies le permettent. 

Planifier

Le constat :

Dans une période d’accélération de l’évolution des sociétés liée à l’arrivée de nouvelles technologies qui impacte au plus profond la vie et le comportement des individus, face à la mondialisation de l’économie qui est devenue une réalité des échanges, mais aussi face aux fractures qui s’instaurent entre pays et au sein même des sociétés, ainsi qu’aux dangers de plus en plus prégnants que l’humanité fait courir à la planète, la société s’avère totalement impuissante pour réagir et faire face à ces défis.

La proposition :

Il faut reconstruire un cadre général qui permette d’une part d’organiser l’action de l’état sur une base pluriannuelle nourrie d’une approche prospective et d’un large processus de concertation aux sein d’instances nationales reconstituées pour cet objectif, et de l’autre d’articuler cette planification sur celles  qui se développent  aux niveaux européen et territorial. La méthode pour construire cette articulation est connue : c’est la contractualisation.

créer de la Transparence

Le constat :

Il s’agit d’un principe de base de toute démocratie, qui est mis à mal du fait de la complexité croissante du fonctionnement de notre société, mais aussi du fait de la volatilité des prises de position qui caractérise les modes de communication actuels. Les objectifs de long terme en sont les premiers affectés et donc des choix de société fondamentaux, laissant le champ libre aux « lobbies » tendus sur des avantages particuliers, et donc pervertissant le fonctionnement de démocraties qui perdent leurs repères, et leurs valeurs.

La proposition :

Des premières mesures doivent viser d’abord à lutter contre la rétention d’information, avec pour premier principe le fait que toute étude financée sur fonds public doit être publique et accessible gratuitement au public sauf dans des situations déclarées au préalable comme « secret défense » ou relevant du « secret commercial » : rien que sur la base de ce seul principe de grands pas peuvent être faits quant à l’accès à des documents d’études et de données.
Ce premier principe devrait s’accompagner d’une déclaration de toute étude sur Fonds Public National et Européen précisant son statut d’intérêt public, son objectif (avec des mentions succinctes pour celle d’intérêt privé), avec communication de son budget et de l’organisme prestataire s’il y a lieu.
Dans l’organisation de la transparence, et sa pratique on peut bien entendu aller plus loin avec la création de fichiers ou bases de connaissance, par grands thèmes, distinguant sans doute voyageurs et marchandises, niveau local, national et européen, l’exploitation et l’infrastructure, bref dans une vision systémique du transport, sous forme par exemple de couches superposées (infrastructure, exploitation, économie, territoires….), dans laquelle surtout les approches transversales de l’énergie, du lien entre local et global, de l’accessibilité des territoires, de l’environnement sont aussi des rubriques essentielles.


Faire une Évaluation publique pluraliste


Le constat :

  L’évaluation des grands projets, même quand elle est transparente  s’avère souvent « appartenir » aux promoteurs de ceux-ci, et souffrent donc d’un double manque socio-économique et démocratique de légitimité.  
Les procédures actuelles – lorsqu’elles sont respectées – assurent mal cett légitimité et surtout se concentrent dans le meilleur des cas sur l’analyse du promoteur du projet, y compris lorsqu’il y a  contre-expertise . Au surplus les études ne sont que très rarement entièrement accessibles aux citoyens, et les données et les hypothèses peu discutées.
  Par ailleurs, on rencontre des incohérences notoires entre les évaluations d’un même projets, et a fortiori entre projets voisins, voire même concurrents.
La proposition :

L’éclairage des choix doit désormais découler d’une part d’une inscription des projets dans un cadre qui légitime le projet. Tout projet n’a en effet de sens que s’il s’insère dans une politique de transport. Il lui faut justifier qu’il constitue un élément de programme, une réponse crédible aux objectifs fixés. Ainsi, le premier critère doit être de s’interroger – de manière contradictoire – sur la cette capacité du projet. Les critères ici sont bien entendu ceux de l’efficacité et de l’objectivité.
L’évaluation particulière des projets – et singulièrement des grands – nécessite alors, classiquement, une étude économique, sociale et environnementale permettant de préciser à la fois les coûts associés au projet, ses avantages attendus – y compris, à nouveau, par rapport aux objectifs assignés –, son impact environnemental et social, comme son impact territorial, et enfin son financement. Une telle approche devrait être menée, de manière transparente selon une méthode pluraliste et contradictoire. Ainsi les évaluations devront être menées simultanément par au moins trois équipes travaillant de manière indépendante, mais partageant résultats, et surtout données et hypothèses.
De tels travaux – à condition d’être publics – sont de nature d’une part, à « re-légitimer » le processus de décision, et  ainsi de donner aux citoyens les moyens d’intervenir au cours des évaluations et de contribuer à la décision publique.



favoriser le Consentement à payer


Le constat :

La question du financement des infrastructures devient lancinante. Les processus de décision intègrent mal ou peu le financement d’ensemble des projets. D’un autre côté, on a de plus en plus tendance à transformer l’approche classique de l’impôt pour privilégier la taxation d’usage et celle des effets externes.  Enfin, les dérives fréquentes des bilans financiers des grands projets conduit à dévaloriser singulièrement la décision publique (fuite en avant).


La proposition :

Le premier principe doit être celui de la rigueur de l’analyse, et, de l’évaluation contradictoire et transparente du financement des projets, et donc de leurs coûts.
La place de l’impôt et du prix est au cœur de la réflexion non seulement sur les politiques de transport, mais aussi sur leur financement. Et nous revenons à l’AFITF. S’agit-il de recueillir et de répartir des taxes/prix ? Selon quel critère ou logique la tarification d’un usage peut-il ou non profiter à un autre ? On le voit, aujourd’hui ces décisions – majeures pour l’acceptation de l’impôt – ne peuvent échapper au débat et au vote des représentants de la nation. De même, la déclinaison locale de ces principes – perceptible dans les discussions de certaines collectivités autour de la notion de péage ou de taxe spécifique – ne peut que découler d’un débat de fond.

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