#Corse, #carburants : la #transparence nécessaire

Corse, carburants : la transparence nécessaire 

La question du prix des carburants en Corse est posée régulièrement. Elle l’a été il y a près de 20 ans - en débouchant sur une condamnation des acteurs de la distribution de détail - et elle l’est à nouveau depuis une année environ. 

L’aspect insulaire des choses est bien entendu non seulement mis en avant (après tout le marché est effectivement insulaire et de petite taille), mais de mon point de vue exagéré. 
S’il est vrai que la moindre taxation des carburants dans l’île était censée compenser le surcoût de l’insularité, force est de constater que personne n’est parvenu à « expliquer» parfaitement l’actuel surcoût de la Corse par ses particularités. Ni le surcoût de transport en amont, ni le supplément de coût de stockage, ni la taille moyenne des stations service n’expliquent une marge apparente largement supérieure à celle relevée en moyenne en Europe, ou dans dans les Dom-Tom.


Reprenons les choses simplement. Le prix d’un litre de carburant est la somme du prix du produit raffiné, des taxes et du coût de distribution. 
Ainsi, au niveau national on relève les composantes suivantes en juin 2019 : le gazole coûte sur le marché 42 centimes le litre, on y ajoute 85 centimes de taxes (TVA et TICPE) et il reste 17 centimes pour la distribution à ses différents stades. 
En Belgique, où les prix sont réglementés, on obtient des chiffres assez comparables. Dans les Antilles françaises c’est le coût matière qui est plus fort. 
La comparaison avec la Corse prête à réflexion. La marge de distribution (calculée ici par solde pour tous), est de 35 centimes, soit autour de 20 centimes de plus qu’ailleurs et 10 de plus qu’à la Réunion. Pourquoi ? 


Ce sont ces chiffres simples qui interpellent ceux qui s’interrogent sur la cherté des carburants en Corse. Aucun autre. Ce sont aussi eux qui poussent à s’interroger sur l’origine - licite ou non, légitime ou pas, abusive ou non - de cet écart. 

L’examen des comptes des entreprises (détaillants, pour ceux dont les comptes sont déposés, grossistes installés en Corse, Dépôts pétroliers) comme l’analyse rationnelle des facteurs de surcoût ne permet pas de donner de réponse indiscutable et claire.
On peut bien sûr - ce qui est simple - suggérer des « équilibres collusifs» entre pompistes et non à des équilibres concurrentiels. Mais on devrait en trouver la marque dans les comptes, ce qu’on ne voit pas. On peut aussi pointer le niveau élevé des résultats (distribués) par les dépôts pétroliers, ou les marges (significativement différentes) des deux grossistes du marché qui dégagent par ailleurs une forte rentabilité de leurs capitaux propres. 
Mais cela n’expliquerait pas tout.. 
Ailleurs ? 
Reste donc l’amont, beaucoup plus opaque pour nous. Si le transport maritime - dont le coût doit augmenter en raison du changement de prestataire - est assez facile à estimer, et ne représente pas un facteur d’écart majeur, les conditions de vente des pétroliers (raffineurs ou traders) aux maisons mères des grossistes corses nous sont inconnues. 
Les travaux réalisés ont permis de fournir des évaluations des différents maillons - parfois discutables ou contradictoires d’avec d’autres sources - mais n’ont jamais pu permettre d’expliquer de manière crédible la différence majeure de marge entre la Corse et le marché européen et les Dom-Tom (marchés réglementés). 
Résumons nous : chaque maillon évoqué est « un peu plus coûteux ». Si on peut, à la rigueur expliquer (ce qui ne veut pas dire légitimer toujours) 5 centimes au litre de surcoût, plus quelques- uns résultant de l’étroitesse du marché, ceux-ci sont largement compensés par une moindre fiscalité. 
D’où une interrogation : le marché corse est-il victime de la stratégie des groupes pétroliers ? 
En effet, on constate depuis deux décennies, un retrait des majors des marchés étroits (insulaires par exemple), des firmes tirant alors parti de cette situation en organisant une intégration verticale significative sur ces marchés de niche. Ce mécanisme n’est pas propre à la Corse, mais il est mondial, et c’est sur lui que repose largement la stratégie de Rubis. Mais l’opérateur n’est pas seul sur le marché insulaire corse, même s’il y est devenu « majeur ». Il y aurait donc convergence de fait des marges en amont - dont l’imputation dans la chaîne peut d’ailleurs varier d’un opérateur à l’autre (Ruby et Total). Le « duopole » ne se livrerait alors manifestement pas à une concurrence âpre par les prix. Mais il ne s’agit que d’une hypothèse...
Tout ceci conduit non à des certitudes mais tout juste à des hypothèses qui appelleraient des réponses. Seule la transparence permettrait d’éclairer d’éventuelles politiques publiques, et d’éviter la stigmatisation des uns ou des autres.
P.S. 21-7-19 




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