#Logistique : Après le rapport Hémar-Daher
Allez, que deux patrons prennent la plume pour défendre leur secteur, c’est bien. On notera au passage que deux hauts fonctionnaires (inspection des finances et Ponts) ont donné la main. Signe qu’on ne coupe pas facilement le cordon ombilical.
De ce rapport - il n’est pas le premier à revendiquer une chaîne logistique plus compétitive - on retiendra ce plaidoyer déplorant un manque d’intérêt, et des revendications basiques déjà connues. Le résumé et la synthèse en donnent les orientations :
- rassembler les associations « sous un toit commun ». Bon, on reconnait là le discours tenu lors de l’unification au sein de la FFOCT puis de TLF des familles de la « chaîne » ;
- Etablir un comité exécutif de la logistique, avec un secrétariat... vieille revendication liée à l’interministérialité de la logistique, paradoxalement toujours pendante bien que les ministères deviennent de plus en plus gros... sans d’ailleurs faire diminuer le nombre de ministres. J’allais dire : « bon courage ». Sans délégation claire de compétence, tout ça ne consistera qu’à alimenter un comité interministériel de plus, s’il survit.
- Fixer au niveau de chaque bassin logistique une organisation locale regroupant tous les acteurs. Autant dire que là aussi, il s’agit de structure qui existent, ont existé, et pourraient exister, à condition qu’on prenne en compte par ailleurs les enjeux logistiques. Je me souviens de l’expérience des observatoires régionaux, et de bien d’autres structures sympathiques, hélas peu entendues.
- Et puis il y a le plan d’urgence. On y trouve les grands classiques : le passage aux frontières (on ne serait pas bons... alors que d’aucuns nous vantent le contraire), traiter (enfin) de la fiscalité des entrepôts (« qui ne sont pas des usines », si j’en crois ce qu’on dit), raccourcir les délais de construction/aménagement des entrepôts (sauf qu’on sait tous que tout dépend quand même des règles générales d’urbanisme, et d’éventuels recours). Puis vient la question - centrale des métiers, de leur attractivité et de la formation ! Juste bataille. J’y ai participé de mon côté quelques années avec des résultats encourageants, mais avec un soutien mitigé des instances universitaires, et un désintérêt du ministère des transports. Il faudra sans doute faire mieux. Mais il faut aussi que la profession réfléchisse aussi sur elle-même : les auteurs du rapport ont, sur ce point l’optimisme de parler de « mesures simples », ce qui est sans doute un abus de langage. Viennent ensuite un beau thème : l’égalité des conditions d’exploitation routière avec les allemands et les néerlandais. Soit. On devine pourquoi on ne cite ni les Italiens ni les Belges, et pour des raisons inverses pas les Espagnols. Mais on aurait aimé plus d’enthousiasme européen sur ce plan.
L’accélération de l’investissement informatique est enfin revendiqué. Soit. Qu’on le fasse.
Bravo ! Mais quel temps perdu.
Mais revenons en au rapport lui même. Un thème m’a singulièrement frappé. Celui qui traite du « peu d’énergie de réflexion consacré à la logistique ». Merci. Le constat, sévère qui est mené non seulement est juste, mais il est exactement celui je n’avais pu - avec d’autres - formuler au cours des dernières décennies. C’est en conscience que l’administration - et les politiques - ont manifesté leur manque d’intérêt. C’est en conscience que les élus ne donnent aucune suite aux table rondes, conventions, groupes de travail, etc, animés avec ou pour eux dans les collectivités locales. C’est en conscience que les organisations professionnelles ont choisi de maintenir leurs divisions, d’ailleurs parfaitement compréhensibles sur certains sujets.
C’est en conscience que l’Etat a choisi de supprimer l’Observatoire Economique et Statistique des Transports, le Conseil National des Transports, le Predit, c’est en conscience qu’on a refusé de mettre les moyens de recherche nécessaires sur les questions du fret (c’est même pour ça que j’ai quitté le ministère). C’est en conscience qu’on a supprimé le plan et ses commissions thématiques, qui avaient à plusieurs reprise mis l’accent sur le caractère stratégique de la logistique. C’est en conscience que l’on ne développe pas le système d’information géolocalisé qui serait nécessaire à nos professionnels, nos collectivités et à l’Etat. Bref, sans en rajouter, j’ai envie tout à la fois de dire « bravo » et de considérer que nous avons, une fois encore, perdu énormément de temps.