#Corse #DSP #Semop : encore des questions



DSP Maritime Corse et société régionale : continuité et rupture

L’Assemblée de Corse vient d’adopter ce 29 novembre 2019 - sous les applaudissements de la majorité - un texte essentiel portant création d’une « compagnie corse en charge du service public maritime ». Dans le même temps, ce texte définit l’architecture de l’organisation future de la continuité territoriale maritime.

On parle d’un vote historique...

Le rapport adopté est doublement essentiel : il marque une étape importante dans le processus annoncé en 2016, mais il constitue une rupture par rapport au schéma envisagé il y a trois ans et les pistes avancées depuis.

La constitution d’une SEMOP, société d’économie mixte à opération unique dont la Collectivité de Corse sera l’actionnaire majoritaire, témoigne tout à la fois d’une continuité dans l’analyse et des ruptures significatives opérées.

- En effet, c’en est fini de l’articulation entre une société d’investissement détenant des navires, et deux sociétés d’exploitation, du moins « pour l’instant ».

- C’en est fini aussi de la durée de 10 ans, ramenée à 7 ans.

- C’en est fini aussi de la concession « ligne à ligne ». Il s’agit là explicitement de favoriser des économies d’échelle et des « subventions croisées » avec une délégation globale.

Du coup, il faudra, d’ici mi-février 2020 (c’est à dire très vite) que les armateurs candidats - seuls ou en groupement - définissent une stratégie et dimensionnent une flotte pour 7 années à partir du 1er janvier 2021. Le passé récent nous a montré qu’un tel processus ne se déroule pas indépendamment des rapports de force entre armements et des rapports entre salariés et employeurs, ni de la nature du marché insulaire. Ce qui se passera sera riche d’enseignements.

Mais on a parlé beaucoup de la forme, et moins du contenu...

Le débat à l’Assemblée a finalement opposé majorité et opposition essentiellement sur le thème de la création de la SEMOP. L’accusation de dogmatisme (Orsucci) aboutissant à la création d’un machin inutile (Mondoloni) est évidemment ce qu’on retiendra, avec le doute face à l’unicité du contrat avec l’actionnaire privé minoritaire au regard des règles de concurrence (Bozzi).
L’utilité de la SEMOP peut effectivement être discutée, dans le mesure où, dans le cadre d’une ou de plusieurs DSP, la collectivité pourrait aussi, par l’entremise de son Office des Transports, intervenir plus directement dans la gestion effective du système de transport de service public. Il n’est pas sûr au demeurant - l’expérience des EPIC de transport étant intéressante de ce point de vue - que des entreprises publiques soient toujours effectivement mieux contrôlées par la puissance publique, qu’un délégataire ordinaire. Je pense à la SNCF et la RATP, et jadis la SNCM.. Ceci dit le seul statut n’est pas nécessairement en cause !!
La question de la durée de la SEMOP, modifiée au nom des règles européennes se discute. Les textes français de transposition (ordonnance et décret de 2016) imposent la coïncidence de la durée des SEMOP avec la durée d’amortissement des actifs. Or, non seulement l’amortissement des navires n’est pas de 7 ans (mais plutôt de 8 avec le crédit bail fiscal), mais on nous a assuré que les amortissements étaient linéaires, et alors sûrement pas sur 7 ans. Par ailleurs on trouve des SEMOP qui ont des durées de vie souvent longues (Port de Leucate, 25 ans, Golf Saint Laurent, 18 ans).

Et la continuité territoriale ?

Ces arguments, pour sérieux qu’ils soient (le rapport ne présentant pas d’évaluations pluralistes de ces questions), ne doivent pas masquer ceux qui concernent à mon sens le fond du problème de la continuité territoriale.

La question principale concerne la méthode d’évaluation du besoin de service public, pour le fret, bien sûr, et pour les passagers. Or, sur cette question il y a non seulement un débat politique mais aussi méthodologique. La carence de l’initiative privée ne peut, selon moi, être démontrée en confrontant l’offre privée à la demande globale (d’ailleurs elle-même parfois discutée). Dire qu’une baisse de l’offre sous OSP implique mécaniquement une hausse de l’offre sous DSP peut être juste conjoncturellement, mais ne démontre aucunement une carence absolue du privé s’il n’y avait pas de trafic sous DSP. De même, une augmentation de la taille des navires sous OSP ne condamne pas a priori la DSP.

De plus, on ne saurait trop insister sur le fait que l’intégration ou nom des passagers dans l’équation change radicalement le coût du dispositif de desserte et la nature des navires nécessaires.

Enfin, le cahier des charges est déterminant pour l’estimation des coûts. Or il n’existe à ma connaissance aucune analyse coût-avantage pluraliste de l’incidence des paramètres retenus (horaires, contraintes, escales, etc..) sur l’utilité du service pour la Corse et sur son coût qui serait de l’ordre de 80 millions € par an.

Ainsi pour être passionnant, le débat a une fois de plus laissé de côté le contenu pour s’intéresser à la forme, si l’on met de côté la question tarifaire.

Ainsi, s’il est juste que les pratiques passées - hyper-conflictuelles et fragiles - et coûteuses pour la Corse et l’Etat (qui s’en est bien tiré...) sont désormais histoire ancienne, l’hyper-gabegie d’antan étant abolie, il n’en reste pas moins que les choix opérés ce 29 novembre sont loin d’avoir épuisé le sujet, demeurent onéreux, et n’ont pas éteint les motifs de recours éventuels.




P.S.

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