#politique des #Transports : les trois rationalités
J’ai un jour, en me fondant sur l’évolution des politiques des transports - en pensant bien sûr que le raisonnement marchait aussi pour d’autres domaines - distingué trois types de rationalités pouvant être « mobilisées » (qu’on me pardonne pour le côté schématique de la chose) :
- La rationalité objective : la plus simple, on dit ce qu’on fait ou qu’on va faire concrètement (programme), et on en décline les conséquences. C’est ni plus ni moins ce qu’on fait Napoléon III ou Georges Pompidou avec leurs programmes d’infrastructures. Hélas, face à des objectifs plus complexes, les politiques peinent à formuler (et à financer) des programmes... la lutte contre le changement climatique est « systémique », or ils n’ont pas la culture systémique. Mieux vaut donc pour eux se reporter sur autre chose.
- La rationalité subjective : Tout aussi simple, elle s’adresse directement à nos croyances, nos superstitions. On nous dit faire ce qu’on croit bon pour nous. Si le programme répondant à une réalité objective s’en remet aux certitudes physiques (prendre son parapluie quand il pleut), celui qui répond à une rationalité subjective s’en remet à la croyance (prier pour que la pluie s’arrête). Dans le domaine des transports cela se traduit par des politiques maniant plus des symboles qu’autre chose. Les discours sont volontaristes et les décisions réconfortantes, et très symboliques. C’est ainsi que Charles Fiterman fit embaucher immédiatement des cheminots à la SNCF. Mais on ne peut faire longtemps carrière que sur des croyances, sauf en restant sagement dans l’opposition. D’où le passage à une autre logique.
- La rationalité émotionnelle : elle repose essentiellement sur le constat que la confiance ou l’adhésion, peuvent bien entendu découler d’actions efficaces (lesquelles et à quel coût ? ) et de gestes symboliques (chat échaudé...), mais que rien ne vaut à court terme miser sur l’émotion pour provoquer l’adhésion. D’où des politiques ne visant pas tant à régler des problèmes, mais à prendre à témoin le bon peuple d’évidences un peu forcées. Le modèle de cette méthode réside dans la phraséologie utilisée jadis par Nicolas Sarkozy : « Trouvez vous normal que les camions étrangers traversent le territoire national sans payer ? ». Peu importe que la question soit largement fondée sur une erreur, l’important c’est qu’elle suggère un « non » en adhésion. Depuis la méthode a été utilisée contre les « privilégiés cheminots » ou contre les camions - qui polluent et doivent donc payer plus - (peu importent les performances, les taxes déjà payées, l’absence d’alternative ou l’efficacité des taxes etc..) -. De même vous aimerez Lyon Turin, non par ce que la nouvelle liaison permet compte tenu de son coût, mais parce que vous ne « pouvez pas être contre une infrastructure destinée à libérer les vallées alpines des camions ». Peu importe si d’autres solutions moins chères existent. L’émotion prime.
La question demeure de savoir si on peut longtemps user de cette méthode sans provoquer du ressentiment. Ma conviction est que non. Mais le risque de nouveaux mirages n’est pas nul !
Reste « en face » le jeu revendicatif. Théoriquement les organisations sont là pour éviter les pièges de la subjectivité et de l’émotion. Théoriquement.... ! Et c’est pour ça, d’ailleurs, qu’on essaie parfois de les contourner, ou de les « promener ». Pas sûr que cela dure longtemps.
P.S. 22/11/2019