#Transports, SUV, #Poids_Lourds : Faire de la morale sans action positive ne peut que créer du ressentiment



Comment dire : j’ai une sorte de malaise face aux injonctions stigmatisantes visant un jour les poids lourds, un autre les SUV, demain les pauvres qui « profitent » de transferts sociaux, etc..

La réalité c’est que tout cela relève de processus simples consistant à marquer le discours politique de dogmes moraux, de tenter d’opposer à certaines pratiques sociales une idéologie de la réprobation bien vite suppléée par une proposition fiscale. La morale devient l’auxiliaire de la politique fiscale.


Reste l’efficacité économique ou écologique de tout celà. J’ai du mal à penser que la stigmatisation des poids lourds change d’un iota la répartition modale.

Dans toute stigmatisation, à fortiori prolongée par une nouvelle taxation, il y a nécessairement outre à travers une culpabilisation et une fiscalité alourdie, des effets que je crois assez peu évalués, directs et indirects. On ferait bien de les explorer !

Mais passons. Pour revenir au seul transport terrestre de marchandises, vu sous l’angle des émissions de CO2 et de la pollution, concerne en France un flux global d’environ 280 milliards de tonnes.km, en négligeant les Véhicules Utilitaires Légers (dont l’activité croit !).

Sur cet ensemble, une grande partie est produit à courte et moyenne distances, laissant autour de 80 milliards de tonnes.km produites par des véhicules français, et une grande partie des 120 milliards produits par des poids lourds étrangers. Pourquoi cette différenciation en fonction de la distance ? Simplement parce que le transport routier à courte distance ne peut pratiquement pas se reporter sur un autre mode, et doit compter essentiellement sur l’évolution des moteurs pour se conformer aux injonction de la lutte contre le réchauffement climatique. A moins qu’on réduise les flux de marchandises !

L’enjeu est donc simple du point de vue du report modal : que sait-on faire de ces 200 milliards de tonnes.km ??

La démarche actuelle consiste à répondre simplement : rien, si ce n’est taxer le transport routier en espérant qu’il régresse, ou trouve des solutions (productivité, meilleurs moteurs, ...). Une telle politique n’a qu’un effet mineur. Autant on a su agir de manière efficace grâce aux normes européennes des moteurs (Euro 1,...6) pour faire baisser les émissions toxiques des moteurs, autant pour le CO2 le problème est entier.

Je l’ai souvent dit, le fret ferroviaire ne plus représente aujourd’hui que ce qu’il était au milieu des années 1920. Capter une fraction significative des 200 milliards de tonnes.km évoquées demanderait donc une révolution majeure, des innovations fortes, et un investissement massif. 200 milliards de tonnes.km c’est en effet quelques dizaines de millions d’opérations de transport soit plus de 75 000 opérations par jour. Autrement dit il faudrait être capable de « créer » quelques centaines de trains de transport combiné pour espérer influer sur le bilan carbone, si tant est que l’électricité utilisée est « propre ». Atteindre un objectif de 50 % impliquerait la création de plus de 750 trains/jour très optimisés.

Pas simple. Et les choses se compliquent si l’on considère la place dans cet ensemble du transit et de l’activité des transporteurs non résidents, pour des trafics intéressant des pays voisins.


L’équation est fort simple, et aucun discours, aucun programme, aucune stratégie, aucun petit pas même n’indique la voie choisie. On n’aura donc qu’à attendre que les moteurs soient « propres » et continuer à faire de la morale sans lendemain. Or, sur ce front, l’effort consenti est bien timide... d’où ce sentiment : faire de la morale sans action positive ne peut que créer du ressentiment.

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