#Retraites :de l’angoisse à la peur ?
#Retraites :de l’angoisse à la peur ?
Le projet de réforme des retraites, fruit théorique de 2 années de « concertations », et en réalité « enrichi » d’une mesure dite d’âge, a donc provoqué une réelle angoisse populaire, et le troisième gros conflit de la mandature, après les gilets jaunes et la réforme de la SNCF. Derrière la diversité des positions syndicales se cache en réalité une opposition forte autour de la nature de la retraite, et de la « place » des retraités dans la société et l’économie. Le début de la mandature ayant marqué une volonté explicite de diminuer le pouvoir d’achat des retraités, par la suite amendée, on peut comprendre la suspicion populaire. Mais elle s’empare aussi des plus informés, et singulièrement des économistes, qui comprennent vite que l’argument d’équilibre formellement rajouté tardivement, est justifié par un rapport du COR, dont les conclusions découlent d’hypothèses imposées et régulièrement critiquées, ainsi que de transferts de charges (ou de baisses de cotisations) décidées par le gouvernement.
Sur la forme donc, en l’absence d’explicitation claire de la réforme, chacun peut légitimement s’inquiéter, et paradoxalement actifs comme retraités. La crainte des gens est parfaitement illustrée par la situation des enseignants (et d’autres fonctionnaires peu primés) qui perdraient sur leur retraites si on n’augmentait pas leurs traitements d’ici là. Révélateur et anxiogène !
Les chiffres magiques (6 derniers mois, 25 meilleures années, 40 ans) ont un sens concret que chacun (actifs) s’apprête à comparer quand les retraités s’interrogent sur l’évolution en valeur réelle de leurs retraites, la question démographique (rapport des retraités aux actifs) ne concernant pas que les cotisants ! Or en constatant que certains y perdent mécaniquement et collectivement, tout comme les bénéficiaires des régimes dits spéciaux, le flou évident, aveuglant, de la réforme génère nécessairement de l’angoisse, en ajoutant à l’incompréhension le sentiment d’une rupture de contrat. Il ne suffit pas de prononcer les arguments d’équité et d’universalité et de montrer du doigt les régimes les plus « avantageux » pour convaincre le plus grand nombre que la réforme est « la plus juste et la plus protectrice depuis 1945 » (G. Legendre, 17 décembre 2019).
Or précisément, la fixation de la valeur du point, et d’un minimum de retraite, ne règlent en rien l’énorme question que chacun se pose : « qu’est-ce que ça change pour moi ? » ; autrement dit ce qu’aurait pu indiquer un simple comparateur ou simulateur, l’un et l’autre restant à l’état de promesse.
C’est ainsi que la forme prise par le projet et son contenu laissent au mieux rêveur et au pire incitent au cauchemar. Et à tout cela se rajoute l’assurance donnée aux policiers ou aux routiers quant au maintien de leurs spécificités. Comme quoi il faudrait bien revoir l’équité pour la compléter par un esprit de justice. Pendant ce temps d’autres lorgnent sur l’incitation - directe - faite aux plus hauts revenus à compléter leur retraite par le choix de la capitalisation.
La complexité tant décriée n’est pas prête de disparaître, et les problèmes de fond demeurent.
P.S.