DSP Maritime Corse . Ce que la non candidature de la Corsica Ferries met en lumière
La Corsica Ferries ne postule pas : aveu d’impossibilité ?
On peut considérer que l’annonce de la non-candidature est la suite logique d’une longue histoire. La Corsica Ferries nous dit qu’elle n’a jamais pu véritablement concourir dans le passé, ou gagner une ligne quand elle était mieux disante.
Au surplus, on a l’impression que chaque pas franchi grâce aux décisions de justice est ensuite plus ou moins contourné. Ainsi par exemple l’abandon des DSP ligne à ligne est un retournement important.
Or, aujourd’hui, les conditions de concurrence pour l’entrée dans la Semop imposaient soit une taille critique importante, soit de monter une entente, pardon, un consortium. Tout candidat devait donc être en mesure, seul ou avec un partenaire de dédier 7 à 8 navires, ce qui protège de fait les positions acquises, ou à tout le moins augmente la hauteur de la barrière l’entrée.
Une autre raison tient à la définition même du besoin de service public et à celle du cahier des charges qui sont l’une et l’autre contestables, et conditionnent d’ailleurs la productivité de la flotte, son coût et sa taille. Mais c’est une autre affaire, qui touche au coeur de l’appel d’offre, ou si l’on préfère au « besoin » et à son coût pour la collectivité.
Equilibre instable
On pourrait penser de manière terre à terre que le nouvel équilibre trouvé entre les deux opérateurs historiques - condamnés à remporter l’appel d’offre - garantit une certaine stabilité, au détriment d’ailleurs de la Méridionale.
Ce serait, je pense, une erreur que de le croire. La période à venir sera nécessairement celle d’une nouvelle instabilité, du fait même du contenu de l’appel d’offres, qui fait ou fera l’objet, de recours. Il faut donc s’attendre à de nouveaux rebondissements. Or les marques des procédures passées sont encore visibles et sensibles.
Les litiges passés risquent de se reproduire
Souvenons-nous. C’était au milieu des années 2000. Déjà, La Méridionale et la SNCM se chamaillent, et les pertes de parts de marché des lignes sous DSP sont visibles. Et on connait de belles joutes judiciaires et d’étonnants retournements d’alliances. Annulations de procédures, annulations de DSP. Remise en cause des conditions de privatisation de la SNCM. Tout est alors réuni pour ramener l’état de droit dans le domaine de la continuité territoriale. La bataille a accouché de trois décisions fortes :
La précision des règles applicables en matière de DSP et de concurrence.
La condamnation des « aides illégales » ayant marqué la privatisation de la SNCM (représentant 230 millions €).
La condamnation des aides illégales du fait de l’inclusion dans la DSP du service dit complémentaire considéré comme ne relevant pas d’un besoin de service public (220 millions €), premier round autour de la notion de besoin de service public.
Et sauf surprise il faudra bien indemniser - sans avoir récupéré l’ombre d’une créance - la Corsica Ferries du fait de la concurrence déloyale crée par les aides illégales.
Les risques encourus actuels sont probablement du même ordre : Annulation éventuelle, possible condamnation si certaines aides étaient illégales, indemnisation des entreprises lésées si elle le sont. Or ces risques existent bien.
Et l’expérience montre que l’obstination a contester le droit, à faire de multiples recours contre les décisions de justice, puis à ne pas les mettre en oeuvre, conduit à alourdir la facture finale pour la collectivité.
On peut craindre que l’accumulation des procédures passées, et des réponses très discutables de la partie française à la Commission Européenne, ne conduise un jour des juristes à s’interroger sur la « résistance abusive » des pouvoirs publics français quant à l’application des règles de droit, et ce, au détriment du contribuable. Autre source de litiges.
La meilleure option serait bien entendu d’éviter d’écrire un nouveau chapitre de ce qui est un long feuilleton. Or la seule solution viable, consiste d’abord à appliquer rigoureusement le droit, ce qui ne gène en rien l’autonomie de choix des pouvoirs publics, au premier rang desquels aujourd’hui la Collectivité de Corse.
P.S.