Crise du Covid19 : Eclairage des choix et données statistiques

Crise du Covid19 : Eclairage des choix et données statistiques

  1. Il est assez facile de comprendre qu’une décision éclairée permet de diminuer massivement les risques d’erreur. Reste que l’éclairage consiste à la fois à disposer d’une image aussi précise que possible de la réalité, et d’être capable d’en « prévoir » l’évolution sous diverses hypothèses. 
  2. S’agissant du Covid19 cela revient à avoir une vision aussi claire que possible de la situation sanitaire, d’en comprendre les déterminants, et d’en évaluer l’évolution possible selon les stratégies choisies.
  3. Il est donc particulièrement utile de disposer de données « significatives », qu’elles proviennent de recensements des cas avérés de Covid19, d’hospitalisation (sous ses différentes formes) et de décès, ou d’estimations représentatives de ces grandeurs. Or la situation française (et mondiale) met en évidence deux imperfections majeures. Le nombre de décès du Covid19 n’a pas, d’un pays à l’autre, la même définition ni le même champ.  La France par exemple, avant de changer de pied, ne comptabilisait que les décès en hôpital.. dûment testés comme atteints du Covid19.  La notion de « cas » est encore plus discutable. On peut en effet considérer comme un cas, un individu testé positif (avec une marge d’erreur différente selon les tests pratiqués), ou avoir une définition plus extensive (symptomatique ?).  Le nombre de cas dépendra donc du système d’observation, lui même déterminé par la stratégie de santé publique.  Plus on teste plus on a en effet de « chance » de trouver des cas. Or, sans organisation de tests réguliers à vocation statistique, le nombre et la dynamique des cas « positifs » nous est inconnue, de même que la fameuse part des individus positifs et asymptomatiques.  Bien entendu on peut substituer à cette « connaissance » et aux données d’observation des estimations... mais se pose alors en amont la question de la méthode d’estimation, et de la représentativité des données utilisées pour le faire. L’analyse des eaux (boues) de sortie des stations d’épuration fait partie de cette panoplie. Reste à passer du stade (utile) de la recherche à celui de la production statistique !
  4. Il en est de même pour l’analyse des traitements. Outre le fait qu’il est difficile de comparer l’utilisation de molécules dans le cadre de protocoles manifestement différents, à des stades distincts de la maladie (voire controverse entre le protocole « Raoult », et le protocole « Discovery »), deux ordres de questions doivent être considérées. La première concerne la déontologie. En effet, il n’est pas certain que celle du médecin, sommé de dépister, et de traiter « au mieux », soit toujours compatible, en situation d’urgence épidémique, avec les pratiques habituelles de la recherche. La seconde tient à la représentativité des résultats obtenus. Je suis étonné des procès faits contre la « méthode » utilisée par l’IHU de Marseille qui porte - à la mi avril - sur près de 3000 patients auxquels on applique rigoureusement un protocole de soin, et le peu de critiques à l’encontre du projet Discovery censé comparer 5 types de traitements à partir d’un échantillon global français d’environ 800 patients, et européen d’environ 3200.  On se demande en effet ce qu’on peut tirer statistiquement de comparatifs portant in fine, en France, sur 160 patients par protocole de traitement. 
  5. La mise en perspective qui requiert une bonne connaissance de la situation et de sa dynamique est d’autant plus difficile que ce préalable de connaissance statistique est faiblement respecté.  Choisir une stratégie, c’est à dire un chemin repose en effet sur quelques idées simples. Face à une évolution au fil de l’eau, ou tendancielle, on  doit s’interroger sur l’effet de différentes politiques ou actions possibles, idéalement organisées en programmes.  Sans vision claire de la situation, il est délicat de prévoir l’évolution possible, ou probable, et encore plus d’anticiper l’impact des choix publics. Et encore faut-il aussi avoir une idée précise des actions possibles... ce qui n’est pas précisément le cas actuel, du moins ne les rend-on pas publiques.
  6. Au surplus, sur le plan de la méthode, la prévision de l’évolution probable au fil de l’eau, comme celle de l’effet de décisions publiques, ne peut se faire sans confrontations entre experts, sans partage des perspectives, sans analyse critique,  en un mot sans transparence et pluralisme et par ailleurs définition d’outils de suivi permettant à tout moment de vérifier la conformité, ou non, aux prévisions des résultats obtenus. 
  7. Il me semble évident que la période actuelle devrait finalement contraindre les dirigeants politiques à sortir d’un processus de décision très « personnel », peu ouvert, et peu ou mal éclairé, pour remettre à l’ordre du jour un mécanisme de « planification rationnelle », et la confrontation minimale assurant le pluralisme du processus d’évaluation des politiques publiques. Or un tel processus passe par une connaissance statistique améliorée.

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