#Fret #Ferroviaire : Ni première pierre ni grand soir en vue ?

Fret Ferroviaire : Ni première pierre  ni  grand soir en vue ?


Inspiré par 4F et la SNCF, le premier étage du plan pour le développement du fret ferroviaire a été dévoilé par le Premier Ministre sur le terminal de Valenton.  (Symbole du combiné traditionnel, hélas en souffrance en France, ce terminal a vu le jour il y a bien longtemps grâce au soutien de l’Etat dans le cadre du 9ème Plan.)


En quoi consiste donc ce premier volet : la suspension des péages ferroviaires (2020), puis leur diminution de moitié d’une part, et de l’autre la poursuite (l’intensification) de la création de lignes d’autoroutes ferroviaires (dans le cadre d’appel d’offres, c’est à dire, évidemment avec un soutien financier de l’Etat). 


Les péages :  erreur économique et juridique ?


Prenons d’abord la question des péages. Ceux-ci en 2018 représentaient en moyenne 2 € environ par train.km, ce qui représente grosso-modo 11 % des recettes de trafic des opérateurs, par ailleurs modérées à 1,1 millards d’€/an si tout va bien. (Données : Autorité de Régulation des Transports - ART). A titre  de comparaison ce poids des charges d’infrastructures est de 26 % pour les voyageurs. La question de fond concerne à la fois l’intérêt de la mesure, et d’autre part sa conformité aux règles européennes.  Commençons par les principes de tarification. Dans un avis de février 2020, l’Autorité de Régulation des Transports indiquait - à propos de la modification par le gouvernement des règles d’indexation prévue des tarifs, le principe même de la tarification.


  Avis n° 2020-016 du 6 février 2020

relatif à la fixation des redevances d'infrastructure liées à l'utilisation du réseau ferré national pour les horaires de service 2021 à 2023 


Tout indique clairement que l’on s’écarte à nouveau et radicalement de la couverture des « coûts directement imputables », pour réduire un péage pour ne pas vouloir assumer une aide directe d’Etat. Autrement dit il y a sans doute, Covid19 ou pas, un problème. D’autant que chemin faisant on tue la notion même de tarif et au delà des coûts directement imputables de critères d’orientation de la demande.


Reste la question de l’utilité.  Baisser quelques mois de 10 % les coûts unitaires de transport, et de 5 % en 2021, revient bien à pratiquer une aide indirecte. Contestable en droit, elle interroge en opportunité. Il ne s’agit pas en effet d’une aide à la conquête de nouveaux trafics, mais d’une subvention aux trafics existants. Une de plus. 

Celle-ci s’applique alors que le niveau des péages est en France inférieur de 13 % environ à la moyenne de ceux des pays membres d’IRG Rail, et les recettes moyennes de trafic françaises absolument pas « hors marché ».  On ne comprend donc pas, autrement que par une volonté de subventionner indirectement les opérateurs ferroviaires ou les chargeurs, de bonne raison économique de baisser les péages.  Enfin, on peut douter que la faible compétitivité du fret ferroviaire découle actuellement du prix des sillons, mais bien plus de la déficience globale de services et de la capacité offerts, des fréquences, de la fiabilité du service et pour finir de l’adéquation à la demande.




Le soutien renouvelé aux autoroutes ferroviaires, ou l’illusion politique


Le choix opéré une fois encore en faveur de l’autoroute ferroviaire, peut surprendre, même si le premier ministre a manifesté un soutien plus général au « combiné ». Reste que ce choix premier est discutable.

En premier lieu il s’agit de transporter des semi-remorques, et donc de transporter des essieux et un châssis en plus de l’unité de chargement. Cette option, censée favoriser l’accès au combiné, a surtout un intérêt pour les « franchissements » de massifs montagneux (Alpes) ou de bras de mer (Manche), et c’est essentiellement là qu’elle est utilisée, le transport de véhicules perdant mondialement en part de marché. Ce qui n’empêche nullement d’ailleurs de dégager un gabarit généreux sur le réseau. Mais qu’on n’oublie pas l’essentiel. L’échec français est mal analysé, et se traduit essentiellement par une course en avant des subventions d’exploitation.

En second lieu il s’agit d’utiliser une technologie - manifestement Modhalor - sous l’égide de VIIA, filiale de la SNCF, qui ne peut aujourd’hui sans doute pas couvrir ses coûts et qui est réputée coûteuse et relativement lente pour les chargements/déchargements.  Des études européennes l’ont en effet montré. Pourquoi s’obstiner... ?

Enfin les parts de marché atteintes là où le service existe depuis plusieurs années, sont faibles. 

On s’engagerait donc - comme par exemple sur Perpignan Rungis - sur la voie d’un développement d’une autoroute ferroviaire entre Perpignan (Saint-Charles ou le Boulou ??) et Valenton... alors que la CNC transportait déjà des boîtes entre Saint Charles et Rungis dans les années 1980, sans subvention... La révolution semble ici bien cruelle.



Au total, il s’agit bien avec ces annonces, d’un double mauvais signe envoyé...  



Patrice Salini

28 juillet 2020

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