La relance du fret ferroviaire : Il est temps, mais ne nous trompons pas de méthode

La relance du fret ferroviaire

Il est temps, mais ne nous trompons pas de méthode


Soyons très clairs. Oui, je crois encore, mais pour peu de temps, à la possibilité de développer le fret ferroviaire.  Cela fait plus de 45 années que j’ai cette croyance, mais elle s’effiloche gentiment au cours des années. Trop de plans inutiles ou catastrophiques  qui devaient faire renaitre le fret ferroviaire de son marasme puis de sa chute inexorable ont aboutit au pire des résultats : le néant. Réformes législatives, projets ou annonces pompeuses, plans internes à la SNCF, n’ont pas réussi à produire autre chose que du ressentiment. Bref, Flop !

Or on continue. Après J.C. Gayssot et ses 100 milliards de tonnes.km (annonce de 2001), N. Sarkozy (2007) et son objectif assigné à J.L. Borloo d’augmenter d’un quart la part de marché du rail, on aura le Plan de K. Delli, et sa version francisée. Doit-on y croire cette fois-ci ?  J’ai, hélas, toutes les raisons de répondre non. Non, parce que si les ressources financières sont nécessaires, elles ne sont pas tout, pas plus que la stigmatisation du « camion ».   Les taxes affectées au rail ne permettront pas la multiplication du fret ferroviaire. Reprenons les choses simplement. K. Delli nous dit qu’elle veut (peut) tripler la part de marché du rail d’ici 2030 en France.  Qu’est-ce que cela veut dire. Qu’on doit passer à trafic global constant de 32 à plus de 95 milliards de tonnes.km transportées par rail. Autrement dit il faut « capter » plus de 60 milliards de tonnes.km acheminées par la route.  Chacun comprendra que, ne sachant pas répondre à la demande actuelle, on s’interroge sur  les façons d’acheminer ce surplus massif ! Pas simple. D’autant que sur les près de 300 milliards de tonnes.km routières, près de 125 sont le fait de poids lourds étrangers (international + Transit + Cabotage). Il faut donc très largement aller capter les flux à l’extérieur. Restent autour de 170 milliards de tonnes.km sous pavillon national (essentiellement en transport intérieur)... dont  plus de la moitié sont inaccessibles (trop faible distance, flux non massifiables). On voit clairement le défi faramineux de capter 60 milliards de t.km en transport intérieur est avec le modèle ferroviaire actuel, impossible.

Il va de soi que le modèle productif et économique actuel du fret ferroviaire, même « combiné rail-route », ne peut absorber un triplement d’activité, là où elle perd des parts de marché depuis longtemps. Pire, le combiné, qui précisément essaie de capter le fret routier, a vu sa part de marché divisée par deux depuis le milieu des années 1990 !

Changer donc ! Mais non pas ajouter des subventions nouvelles à des pertes, mais construire un modèle productif efficace et compétitif. C’est à dire offrir une capacité de transport suffisante (l’équivalent de 60 milliards de tonnes.km, essentiellement en combiné rail-route), à un prix compétitif, avec une fréquence élevée, et une grande fiabilité. On n’a bien entendu aucune idée sur la façon concrète de faire. Techniquement et économiquement. L’examen de l’organisation des chaines actuelles de transport combiné et de la circulation des trains de fret, met en évidence des coûts que le marché ne peut supporter sans subventions, et une incapacité d’offrir de manière régulière ces fameuses garanties de fréquence de capacité et de fiabilité.  J’ai exposé à plusieurs reprises diverses voies possibles qui touchent aussi bien à la conception des trains, de la manutention, ou encore des terminaux...tout autant qu’à l’organisation des circulations... tout en sachant qu’il faudra bien aussi investir sur le réseau lui-même y compris pour bénéficier de lignes dédiées.... si on a le temps de le faire avant que le transport routier ne devienne vert et largement automatisé. 

Ma conviction est que, faute de parler de choses enfin concrètes... on rejouera une pièce connue, celle d’annonces vaines 


Patrice Salini


Posts les plus consultés de ce blog

Dsp aériennes corses : de la méthode

Mais où est donc passée la politique des transports Par C. Reynaud et P. Salini