La #Corse, la #DSP #Maritime, l’Autorité de #Concurrence et les politiques.
La Corse, la Dsp Maritime, l’Autorité de Concurrence et les politiques.
Ainsi donc la nouvelle (courte) DSP Maritime a été votée à une large majorité, sans autre opposition que des non-participations polies.
Formellement ce vote apparait explicitement comme l’affirmation d’une croyance – contre l’Autorité de Concurrence et la Commission Européenne – en la nécessité d’un service public de voyageurs (sous DSP). En ce sens il confirme une fois encore son opposition à l’analyse de la Corsica Ferries, qui aux dires de l’exécutif « ne s’est pas positionnée pour remporter le marché, mais pour imposer sa vision du service public ». Il est clair que cette Compagnie parie ici sur le caractère illicite du cahier des charges.
Le vote concourt donc ainsi à un objectif essentiel, celui de la défense de la pérennité des compétences corses telles que la collectivité les conçoit et celle du service public tel qu’il est défini par l’exécutif corse. Au passage, les prises de parole critiquant le rapport de l’Autorité de Concurrence – dont on peut avoir le sentiment qu’ils contestent plus les propos tenus en Corse que le détail du rapport – visent essentiellement à le présenter comme technocratique et remettant en cause la compétence, c’est-à-dire les choix de la Collectivité relatives au contenu du service public.
Le débat s’est ainsi largement simplifié.
Ce qui frappe c’est la force de ce consensus - comparativement à ce qu’il est advenu pour les chemins de fer - tout autant que l’adhésion à la thèse de l’exécutif.
Des difficultés de discuter du contenu...
Parce qu’enfin, cet épisode a d’une certaine façon permis d’évacuer presque totalement le débat sur le contenu des deux rapports (Autorité de concurrence et rapport de la Commission Européenne), et singulièrement sur le cahier des charges et la forme prise par l’organisation du service public du transport maritime. On est passé pour ainsi dire d’un débat possible (et nécessaire) sur l’adéquation entre des objectifs et les moyens pour les atteindre, à une prise de position de principe. Une telle schématisation à outrance permet alors de favoriser le consensus.
Il est plus simple en effet d’affirmer une croyance – contre l’Autorité de Concurrence et la Commission Européenne – en la nécessité d’un service public de voyageurs (sous DSP), que de discuter de l’organisation « nécessaire », ou utile pour le service du public, et de l’offre maritime qui en découle.
Plus simple aussi de faire comme si, se défendre contre les institutions, que l’on traitera de technocratiques, c’est défendre la pérennité des compétences et de l’autonomie corse. Une posture que légitimerait presque - involontairement - la volonté maladroite (?) dont la légalité est discutée, du préfet, de contrôler a priori l’usage de l’enveloppe de continuité territoriale. Pour autant, les deux documents, chacun selon sa propre logique et sa méthode, posent de manière claire et explicite la question l’estimation du besoin de service public et des moyens de le satisfaire. On peut bien sûr reprocher à l’Autorité de Concurrence de ne pas avoir étendu son analyse économique, voire sa connaissance aux marchés de desserte des grandes îles, mais on ne peut le reprocher à la Commission Européenne dont la contestation est très large, et singulièrement de ce qu’elle appelle la clause du 13ème passager, centrale dans la DSP qui a été votée le 25 février.
Nous n’avons donc pas eu de débat sur les thèmes traités par les deux rapports. Et on regrette de ne pas avoir à notre disposition des évaluations pluralistes du fameux besoin et des moyens de le satisfaire. Dommage.
Cahier des charges contre légalité ?
On peut regretter que le débat soit ainsi « éteint », aussi bien par cette schématisation extrême du débat politique que par la posture de la Corsica Ferries dont la communication reste un peu elliptique. A un discours consistant à légitimer les choix politiques « parce qu’ils sont politiques », la Corsica Ferries répond de manière redondante par des recours « imposés » juridiquement par son éviction, mais en réalité par la dénonciation du cahier des charges qu’elle conteste sur la base des mêmes arguments que la Commission.
La Corse prend donc de fait position, contre Bruxelles ou les règles de concurrence, moyen ultime de sceller une opposition symbolique, ce qui suggère de nouvelles difficultés à venir.
On restera donc une fois de plus sur notre faim, même si, il est possible de reconnaitre que les économies annoncées, et la dénonciation du président de l’exécutif relative au « pacte faustien » ayant permis de mettre en place le service « illégal » complémentaire (et dont découle la condamnation à rembourser le préjudice subi par la Corsica Ferries) fut du plus bel effet. Comme le fut à sa façon l’allusion ironique à la récupération des aides indues auprès du liquidateur de la SNCM.
Les choses sont ainsi claires sur le plan politique (et paradoxalement face au droit européen), même si elles répondent peu ou pas aux interrogations sur l’organisation efficace du transport maritime corse. Le feuilleton n’est donc pas terminé, loin de là.
Une autre fois peut-être.
Patrice Salini
26 février 2021