Indemnisation de la Corsica Ferries La collectivité de Corse ne devrait pas payer… toute seule !

Après la décision du Conseil d’Etat : La collectivité de Corse devrait payer. Mais le doit-elle toute seule ? 


Le fait pour le Conseil d’Etat de ne pas admettre le pourvoi formé par la Collectivité de Corse (CTC) contre les arrêts du 12 février 2018 et du 22 février 2021 de la cour administrative d’appel de Marseille rend donc exécutoire la condamnation de la CTC à indemniser la Corsica Ferries à hauteur de plus de 86 millions d’Euros. 


L’affaire n’est ni surprenante ni récente, puisque le litige prend naissance avec l’adoption en 2001 par l’Assemblée de Corse de la « notion de service complémentaire » imposant aux compagnies d’offrir, dans le cadre de la DSP, des places supplémentaires pour les vacances scolaires et en été. 


Or, à l’époque, sur ce principe, on note un vote contre (en février 2001)  des élus nationalistes comme de certains élus de gauche, à l’exception de ceux du Mouvement Radical de Gauche qui s’abstiennent.  Puis intervient la désignation du couple SNCM-CMN comme délégataires en décembre 2001. 

Déjà, à l’époque, les arguments de droit contre le service complémentaire étaient parfaitement connus, et on savait. par ailleurs que la SNCM était déjà alors « sur une mauvaise pente », puisqu’un plan de redressement était prévu, et qu’il intégrait la concession prévue pour 2002. Dans la période qui suivit immédiatement, il n’y eu point de redressement, et la SNCM, alors compagnie publique, perdait à peu près la moitié de ses passagers. 

D’où la perception, en Corse, du caractère inadéquat (et inutile) des subventions supplémentaires accordées par la Collectivité.  Camille de Rocca Serra reconnaitra devant la commission présidée par Paul Giacobbi à l’Assemblée Nationale (2014) : « qu’il s’agissait lors de l’attribution de la délégation de service public de  garantir la viabilité de la SNCM en lui garantissant la DSP à Marseille »

Voilà bien donc, avec au surplus l’irruption de nombreux conflits sociaux et l’amorce de la privatisation de la SNCM, le contexte d’alors.  


Cela fait donc 20 ans qu’on connaissait le problème, que nombre de corses et une part de leur élus contestaient le « service complémentaire », et que s’engageaient des procédures dont l’issue ne faisait guère de doute, alors que l’avenir de la SNCM s’enlisait dans un processus irréaliste. Rappelons aussi, que l’un des repreneurs  (Butler) de la SNCM, avouera devant la Commission Giacobbi « Comme nous n’étions pas « suicidaires », nous avons, de même que tous les candidats, demandé à bénéficier, à l’échéance qui tombait dix-huit mois plus tard, d’une DSP comparable  » !  

Un contexte qui m’avait en 2005 fait indiquer sur mon blog, que le « conflit » de la SNCM débouchait sur un cadeau empoisonné pour les corses qui devraient « assumer »…


On ne peut donc raisonnablement oublier, ou feindre la surprise en ce qui concerne l’aboutissement de cette gestion calamiteuse datant de la période 2001-2006, et qui se poursuivra encore de nombreuses années. 

Ce qui n’exonère nullement de s’interroger sur la responsabilité politique des uns et des autres, et singulièrement lorsque la la SNCM était publique. L’Etat a de toute évidence joué un rôle important dans ce qui alimentera une dette considérable pour les corses.  Rappelons que l’ensemble de ce qui a été monté alors - pour sauver sans y parvenir la SNCM - tombera sous le coup d’un jugement pour aide illégale, et viendra s’ajouter aux contentieux autour des DSP.


Une bonne raison pour crier à l’injustice  ?  Oui et non. 

Oui, parce que l’Etat semble quand même largement responsable - ce qui est parfaitement visible à l’examen des déclarations d’alors des ministres. 

Non, parce que,  depuis, la Collectivité a plus ou moins poursuivi une politique dont les principes étaient régulièrement contraires au droit européen, et mené des recours systématiques contre ses condamnations. 

En outre, tout indique que l’on n’a pas véritablement cherché à mettre en oeuvre les décisions de justice enjoignant l’Etat français de récupérer les subventions illégales. On pourra toujours chercher comment ce non-recouvrement a été mis en oeuvre ou décidé, et comment se répartissent les responsabilités entre l’Etat et la Collectivité de Corse. La moindre des choses serait de reconnaître ces fautes communes et en partager la facture…


P.S. 30 septembre 2021


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