#Corse, #carburants : ne pas tout mélanger

Carburants, Corse : ne pas tout mélanger !

 

Trente centimes de plus au litre en 1 an

 

Le niveau des prix du Gazole (B7) en France a progressé en une année d’environ 30 centimes €  hors tva. Une augmentation liée à celle des cotations sur la marché d’un petit peu moins de 80 %. Les taxes fixes (accises) de ce point de vue masquent une hausse majeure du prix de la ressource. 

Ces 30 centimes se retrouvent à peu près partout, dans toutes les stations services ou à la cuve pour les transporteurs par exemple. Les ordres de grandeur sont comparables pour l’essence. 

Cette augmentation frappe particulièrement les ménages les plus pauvres, et singulièrement ceux qui sont captifs de leur automobile, ce à quoi s’ajoute l’augmentation générale des prix de l’énergie et des matières premières importées.  Pour autant, il faut se souvenir que le prix hors taxes et accises au sein de l’UE du gazole était à des niveaux comparables il y a 10 ans, date de l’étude « Vialtis » commanditée par l’exécutif corse d’alors.

 

 



 

 

La règlementation des marges ne change rien

 

La réglementation des prix – comme par exemple en Belgique – ne change pas grand-chose au problème, puisqu’on retrouve aussi cette aggravation du prix HTVA de 30 centimes environ en 1 an. 

La réglementation  se contente en effet de figer les marges, et d’éviter des abus.

Les politiques publiques ne peuvent alors - à court terme - que jouer sur la fiscalité (Accises, TVA), ou des aides auprès des plus modestes pour amoindrir l’effet de hausses brutales. 

Si les prix se contentaient d’être fluctuants autour d’un niveau stable, manipuler les accises pour les stabiliser serait une politique efficace. En revanche devant la forte instabilité d’un prix croissant, les marges de manœuvre sont limitées, et le coût d’une accise flottante (ou les variations de taxes compensent les hausses ou les baisses du prix du baril) peut-être considérable.

Ainsi, il est assez difficile d’imaginer un gouvernement baisser la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, 26 milliards €  de rendement fiscal de la TICPE en 2020 au total) de 30 centimes au litre, c’est-à-dire près de la moitié de la TICPE sur le gazole et de 43 % de celle sur le super. Il est toujours possible en revanche de chercher à lisser un peu les augmentations de prix en baissant les accises (ce qui se résume à un choix de coût et de financement).

 

Le local ?

 

Face à une hausse des prix à la pompe, une mesure locale, spécifique peut dès lors être difficile à justifier, d’autant que les prix de vente sont parfois tout aussi élevés ailleurs qu’en Corse. C’est la cas par exemple  à Argenteuil (près des dépôts dans le Val d’Oise) ou à Saint Denis (Seine Saint Denis) en Ile de France.. et finalement, les prix autour de Ghisonaccia sont dans la même fourchette qu’autour du Havre (près des raffineries).

De ce point de vue on pourrait penser que l’avantage fiscal corse met donc l’île à parité.. mais ce n’est pas vrai  « en moyenne ».

En effet,  bien que disposant d’un taux de TVA plus faible (13 % au lieu de 20 %) et d’une TICPE légèrement moindre, le niveau moyen des prix des carburants y est supérieur en moyenne à la moyenne continentale…de 11 à 13 centimes selon les carburants. Et dans le passé, cet écart a eu l’occasion d’augmenter. 

 

Prix d’entrée en Corse et écarts de prix

 

L’ étude des écarts (Vialtis, Ecopa) a tenté de justifier des surcoûts sans pour autant indiquer comment les réduire (autrement que par la fiscalité), et laissé quelques zones d’ombre, et une question pendante : à quel prix les carburants rentrent-ils sur le sol corse ? 

Une question centrale, mais dont il ne faudra pas se contenter de la réponse. Bien que nécessaire pour comprendre la situation corse et éventuellement y remédier, il convient aussi de comprendre les raisons pour lesquelles certaines zones continentales sont régulièrement plus chères que d’autres, une situation que l’on connait aussi en Corse. 

Des écarts considérables existent en effet qui peinent à être expliqués par des seuls paramètres techniques (taille, débit, localisation, marque). Même si la différence évidente entre la grande distribution (GMS, près de 63 % du volume vendu en station), les stations à bas prix des pétroliers  (aux prix proches de ceux des GMS) et les indépendants, explique la plupart des écarts, ainsi que leur localisation, et donc une part significative des différences géographiques. 

Les systèmes de distribution, leur chaîne de valeur,  et la stratégies des entreprises sont donc déterminants. 

C’est sans doute dans ce contexte qu’il faut comprendre qu’en Corse, toutes les enseignes ont choisi de ne vendre que des produits additivés (carburants premium qu’ils avaient tendance à vendre plus cher sur le continent de 6 à 7 centimes à leur lancement). Ce qui bien entendu pousse certains consommateurs – dépourvus du choix continental – à s’interroger : pourquoi  et quel en est le surcoût en Corse ? D’autant qu’on ne dispose pas dans l’île des carburants plus bio (E10..) présents dans 60 % des stations continentales (à quel coût et financé par qui pourrait-on en disposer ?)

 

Ainsi si l’on veut prendre en compte cette question sérieuse du prix des carburants en Corse, il convient de ne pas tout mélanger et singulièrement pas le prix du baril (ou des cours de Rotterdam) et la formation des prix en Corse. La réponse au niveau général des carburants est globale et sociale, à la mesure de la précarité énergétique des ménages. 

La problématique locale, ne demande plus que quelques éclaircissements, dont certains seront fournis par l’Autorité de la Concurrence, à partir desquels on pourra ou non mettre en place de nouvelles règles. L’objectif est donc encore et toujours de comprendre pour pouvoir agir. 

 

P.S. 15/2/22

 

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