#Ukraine, #pétrole et #transport routier


Contexte : pétrole et social

La guerre menée par la Russie en Ukraine combinée à une période de hausse tendancielle du prix du pétrole a poussé, de manière brutale,  le prix des carburants vers le haut. 

Ainsi, pour la semaine commençant le 14 mars,  le prix HT du gazole livré en cuve a augmenté de 62% en un an, mais surtout de plus de 43 % depuis la dernière semaine de décembre. L’augmentation en 2022 se monte déjà à près de 60 centimes au litre !


A cette évolution brutale, s’ajoute l’effet des accords salariaux de février 2022. Selon le Comité National Routier : «  L’incidence spécifique sur le coût de revient hors gazole des poids lourds s’élèvera à + 4,1 % en Longue distance ensemble articulé, à + 4,7 % en Régional ensemble articulé et + 5,2 % en Régional porteurs. »

Il est donc simple de calculer, au cours actuel du gazole, que les prix de revient augmenteront sensiblement et brutalement, les deux postes du carburant et des dépenses de personnel représentant sensiblement autour de 50 % des coûts  du transport routier. L’impact global serait déjà de l’ordre de 15 %. 

Trésorerie et indexation

Une telle augmentation, même intégralement répercutée sur les clients, pose mécaniquement un problème de trésorerie, les salaires, les charges et le gazole étant payés bien plus rapidement que ne le sont les transporteurs. C’est un mécanisme comparable qui entraîna des manifestations et des blocages en 2000, puisqu’alors on releva une augmentation du prix du gazole hors taxes de 50 % entre décembre 1998 et septembre 1999. Un mouvement qui se traduisit par une réfaction de la TIPP (TICPE d’alors : La TIPP baisse de 35 centimes par litre en 2000).  In fine l’action publique aboutit alors à un plafonnement à 15 % en 2020 la hausse de prix du gazole au lieu de 24 %.  


Il était donc prévisible que l’Etat cherche à limiter partiellement l’impact mécanique des hausses de prix. Une exigence également pressentie en direction des ménages. Pour autant, cette dépense ne règle nullement deux problèmes essentiels :

- L’indexation nécessaire des prix routiers, à minima en fonction du prix du gazole ; 

- La détérioration de la trésorerie des entreprises liée aux délais de paiements. 

C’est pourquoi on parle à nouveau de prêts garantis. 


Pour autant les niveaux annoncés de baisse sont divers en Europe (variant presque de 1 à 2), et différenciés selon les professions, les pêcheurs bénéficiant de baisses supérieures (35 centimes). Des différences dommageables. 

Marges de manoeuvre

En fait pour comprendre les marges de manœuvre disponibles, il faut considérer les ressources publiques tirées de la TICPE qui tournent autour de 31 milliards d’€ les années « normales ».  Cette TICPE représente autour de 0,6 € pour un litre de gazole (il varie un peu selon les régions). Mais les transporteurs bénéficient déjà d’une réduction qui est légèrement inférieure à 0,16 € le litre (elle aussi légèrement variable selon les régions : https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F31222), ce qui ramène le niveau des accises à 0,45 € environ. En en restituant 0,15 de plus (temporairement), le gouvernement lâche donc 1/3 des accises restant à charge des transporteurs.

On peut estimer que cet « effort temporaire » peut permettre d’amortir un choc brutal. En revanche la question se reposera à nouveau si le niveau de prix du pétrole devait à nouveau augmenter. On s’interrogera donc alors, non plus sur les effets conjoncturels de la hausse, mais sur la recherche d’un nouvel équilibre… et sur la nécessaire répercussion des hausses sur les clients. C’est pourquoi en  2000, on organisa ce qu’on appelle aujourd’hui l’indexation, qui est donc un enjeu central autour duquel on aimerait que les chargeurs s’engagent collectivement auprès des transporteurs. Mais il faudra aussi qu’à court terme le secteur bancaire évite  trop de sévérité, tout en incitant leurs clients à renforcer leurs fonds propres. Une injonction temporairement problématique. 


Voir plus loin ? 

Il faudra prendre en compte,  ensuite, l’impact de la guerre en général sur le niveau d’activité, et corrélativement sur celle du secteur des transports. Or nous savons qu’une croissance des coûts intervenant dans une période de repli d’activité – qui peut d’ailleurs être liée à cette hausse des coûts – a sur la santé du secteur des transports routiers non plus un seul effet sur les trésoreries, mais aussi sur la viabilité des entreprises les plus fragiles. 

Reste que nous sommes ici dans une logique de protection de professions face à des vagues potentiellement génératrices de défaillances.  Or il faudra bien retrouver une trajectoire cohérente de transition énergétique.. et inciter et aider les entreprises à s’y engager.  Une voie qui peu à des degrés divers protéger le secteur contre les soubresauts du marché des hydrocarbures.

 

P.S.


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