DSP maritimes corses : petites réflexions de méthode

 samedi 24 décembre 2022


DSP maritimes corses : petites réflexions de méthode

Par Patrice Salini

  • Le long et tumultueux feuilleton des DSP maritimes corses amène à s’interroger sur la façon d’aborder l’éclairage des choix publics en la matière.
  • Formellement, les exécutifs corses tentent, depuis qu’ils en ont le pouvoir  (en gros 20 ans), de concevoir des processus permettant de confier à une ou plusieurs compagnies maritimes la charge de mettre en oeuvre un « service public maritime ». 
  • Un tel service peut prendre diverses formes dont l’une, la délégation de service public, a la caractéristique de confier un service répondant à un cahier des charges précis, en échange d’une contribution publique (subvention). 
  • Dans cette hypothèse, il faut justifier d’un besoin de service public (qui ne serait pas satisfait pas le marché), et le caractère non discriminatoire de la subvention (on a remarqué le soin mis par l’Office des Transports de la Corse à bien distinguer les recettes et charges rentrant dans le champ du service public, de celles hors champ), et donc l’absence de subventions croisées. 
  • Il est donc essentiel d’administrer la preuve de l’existence du « besoin », ce qui revient à en définir le contour et à démontrer la défaillance du marché pour y répondre. 
    • Ce point est central puisque tout en découle : cahier des charges, donc dimensionnement du service et des navires, donc horaires et rotations, etc…
    • A ce niveau il conviendrait non de justifier politiquement telle ou telle option, mais bien de montrer en quoi ce qui est in fine la structure du cahier des charges répond le mieux (en termes de coûts-avantages, ou coûts-efficacité) aux objectifs assignés.
    • Il est de même évident que la méthode d’appel à propositions, comme la durée des délégations, peuvent avoir pour effet de ne pas prendre en compte la question centrale de l’optimisation de la flotte en regard des besoins. C’est d’ailleurs ce point qui peut, in fine, être le plus favorable à l’existence d’une flotte ad-hoc publique.
  • Jusqu’à maintenant, au fur et à mesure de ses améliorations, les calculs aboutissant à la définition du « besoin de service public » ont toujours successivement buté sur son ampleur. On se rappelle ici de la définition du service complémentaire par exemple, positionnant les titulaires des DSP frontalement sur le marché estival « concurrentiel », et qui fut donc considérée comme illégale. 
    • Cette définition implique de considérer séparément le fret (et ses différents segments, opportunément distingués lors de la dernière définition du « besoin » par l’exécutif), et les voyageurs (eux-mêmes considérés selon leur résidence et leur motif de déplacement).
    • A ce stade se pose bien entendu le problème de savoir si ce « besoin » concerne un seul port continental, ou indistinctement plusieurs ports (à définir). Il s’agit de la problématique de la substituabilité
    • Enfin, on se heurte alors sur l’épineuse question de l’absence d’offre privée (qui bien entendu n’est pas la même selon qu’on retient 1 ou plusieurs ports continentaux, voire insulaires). 
    • Pour autant, la question fondamentale qui se pose est celle de la raison de l’absence d’offre privée, et non celle de son absence. En effet, le « marché » des liaisons Corse-Continent français étant marqué depuis des décennies par l’existence d’un secteur, initialement monopoliste, puis sous DSP sur Marseille, il est difficile de préjuger de ce qu’aurait été ou non une offre privée « libre », sous OSP ou non. 
    • Il est donc inadéquat de dire que le besoin est égal aux nécessités politiquement reconnues non satisfaites par une offre privée « actuelle ». 
  • Les problèmes à régler - qui ne sont pas que théoriques - sont donc, on le voit bien, de justifier d’un besoin, et d’en déduire un cahier des charges. 
    • Or, un tel lien nécessite en particulier de déterminer les besoins capacitaires, et le schéma organisationnel des dessertes. 
    • A ce niveau l’aspect capacitaire est malheureusement perçu aujourd’hui comme un minimum à satisfaire, et non comme un optimum à trouver.  Si en effet, une capacité excédentaire permet de diminuer le niveau de subvention publique, elle est légitime, mais en revanche dans le cas contraire, elle constitue un facteur de subventions croisées, et doit donc conduire à compensation inverse. 
  • En théorie, l’étude du cahier des charges devrait aboutir à définir des schémas différents possibles qu’il conviendrait d’évaluer en coûts et avantages pour la collectivité et les finances publiques. Cette approche n’existe actuellement jamais malgré l’existence de durées de délégations longues, et d’enjeux financiers annuels tels que la décision publique concerne régulièrement plusieurs centaines de millions d’Euros. 
  • En conclusion mon sentiment est que, faute de rigueur suffisante dans l’analyse, nos DSP demeurent fragiles. 


P.S.


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