DSP aériennes corses 2024-2027 : Acteurs et logiques
DSP aériennes corses 2024-2027 : Acteurs et logiques
Le petit nouveau
L’irruption d’un « petit nouveau » dans la procédure relative à la DSP aérienne 2024-2027 a soulevé de nombreuses interrogations. La nouveauté, la nature même du candidat (compagnie dite low-cost…), la remise en cause potentielle d’un équilibre marqué par la prédominance d’une « compagnie régionale » (La Société d’économie Mixte locale Air Corsica), adossée au grand frère Air France, ont provoqué l’inquiétude.
La nouveauté ne doit pas surprendre pour autant. La situation historiquement monopolistique installée sur les lignes des DSP aériennes corses est juridiquement remise en question à chaque nouvelle vague de DSP. Les acteurs en présence méritent cependant qu’on s’attarde à en comprendre la logique.
- Air Corsica est une Compagnie créée « pour la Corse et par la Corse » en 1989. D’abord concentrée sur le « bord-à-bord » (1993), et essentiellement sur Ajaccio et Bastia au tournant des années 2000, la compagnie « bénéficiera » de la disparition d’Air Littoral (2004) et d’Air Liberté (2001) présents sur Calvi et Figari, et du renforcement de ses liens avec Air France. Bien que se diversifiant régulièrement, la compagnie demeure aujourd’hui largement centrée sur les lignes de service public dont elle est l’acteur de référence. En 2022 elle réalisa un chiffre d’affaires de 130 millions € (150 en 2019) majoré de 74 millions € de subventions, signe de l’importance des DSP pour elle.
- Air France-KLM, à côté, fait figure de géant avec 26 milliards € de chiffre d’affaires, pour laquelle la Corse est un marché mineur dont elle a à plusieurs reprises évoqué son retrait (éventuellement au profit d’une de ses filiales).
- Reste Volotea, compagnie récente dont le chiffre d’affaires serait supérieur à 300 millions €, et dont la singularité réside dans son modèle économique original : c’est LA compagnie spécialisée dans les liaisons entre villes moyennes. Son intérêt pour les DSP (voir Tarbes) tient à ce qu’elle peut, à partir de telles bases, structurer un réseau de liaisons peu concurrencées. Elle viendrait ainsi sur le marché non uniquement pour obtenir des liaisons de service public, mais développer son réseau et susciter ce qu’on appelle des inductions de trafic. D’où généralement l’intérêt des gestionnaires d’aéroports et des CCI.
Ne pas tout mélanger !
On pourrait s’interroger sur l’acteur public, l’exécutif Corse, et son bras armé : l’Office des Transports. Il lui faudra juger, décider sous le regard acéré des acteurs et de la Commission Européenne.
Or on sent bien que derrière le dossier technique - qui sera déterminant -, dont on sait bien que le cahier des charges est lui même discutable, on se posera légitimement la question de l’avenir d’Air Corsica, tout en caressant l’espoir de bénéficier du dynamisme nouveau du « business model » de Volotea.
On discutera sans doute de fiabilité du service de Volotea opposant des évènements récents et concrets aux statistiques globales de la compagnie, et aux engagements qui seraient pris.
On avait, avec la SNCM qui n’avait pas le caractère territorial d’Air Corsica, pris des risques considérables qui finirent par coûter la vie à la Compagnie et fort cher au contribuable, après un feuilleton judiciaire, pour repousser l’inéluctable. Ce précédent, du coup, pèse déjà sur le débat.
Mais est-ce tout simplement raisonnable de se faire enfermer dans ce débat ?
Encore une fois peut-on faire l’économie d’une évaluation économique et sociale (pluraliste) des formes possibles du service aérien d’intérêt général de la Corse. Et c’est une autre réflexion que de savoir l’intérêt (public) qu’il y a ou non à maintenir ou renforcer un pôle public dans tel ou tel secteur, et avec quelle stratégie « durable ». Confondre ces sujets à droit européen constant est dangereux.